Séminaire Sexe et Genre, Institut Emilie Du Châtelet
Jardin des Plantes, Grand amphithéâtre d’entomologie, 43 rue Buffon (Paris 5e), 14h-16h
Avec Elizabeth Claire, Historienne (CNRS, EHESS-CRH)
À l’aube du 19e siècle, l’Europe est saisie d’un phénomène de dansomanie liée à l’introduction des danses de couple-fermé dont la valse, la sauteuse et d’autres formes qui privilégient une rotation perpétuelle du couple pendant le temps d’une danse. Le débat se concentre sur l’engouement enthousiaste et collectif pour ces danses modernes, et porte principalement sur les effets néfastes sur l’imagination des valseuses appartenant à une «jeune génération» de danseurs. Les effets préoccupants de ces pratiques de bal sont des accidents de santé divers liés à l’imagination malade : le vertige, l’avortement, la folie et même la mort subite. La mobilisation de cette faculté de la connaissance par les médecins et moralistes de l’époque se démarque des discours philosophiques sur la danse dans la dernière moitié du 18e siècle (Noverre, Cahusac, Diderot) où l’imagination et l’enthousiasme sont sollicités pour légitimer le projet du ballet «d’action» comme un art imitatif.
Une question de genre se pose : pourquoi une imagination chauffée par la pratique du bal condamnerait des danseuses à des états pathologiques lorsque le maître du ballet accède, par le biais du même phénomène, au statut de génie artistique, auteur de compositions «modernes» qui révolutionne la scène de l’Opéra? Notre enquête sur l’histoire de l’imagination et l’art de la danse cherche à faire état de cet écart et des répercutions sur la sociabilité du corps féminin en jeu dans la révolution socio-politique en Europe.
Elizabeth Claire, historienne et chargée de recherche au CNRS, est membre fondateur de l’Atelier d’histoire culturelle de la danse (CRAL) ainsi que membre associé au Centre de recherches sur les Arts et le Langage. Avec les membres de l’Atelier, elle co-anime au sein de l’EHESS, depuis 2009, le séminaire «Histoire culturelle de la danse» qui vise à promouvoir l’approche culturaliste dans les études en histoire de la danse. Elle co-anime également un séminaire sur l’Histoire du genre dans les arts vivants avec Catherine Deutsch (Paris-Sorbonne) et Raphaëlle Doyon (Univ. de Paris 8). En collaboration avec Béatrice Delaurenti (CRH), Koen Vermeir (CNRS-SPHERE), et Roberto Poma (UPEC), elle organise des colloques internationaux et un séminaire sur l’histoire de la force de l’imagination du XVe-XVIIIe siècles.
Télécharger la présentation PDF
Sélection de publications sur le sujet:
– «A Moral Defence of the Regency Ballroom – vide Wilsons Rooms», European Drama and Performance Studies No. 8 : Danse et morale. Une approche généologique, Marie Glon et Juan Ignacio Vallejos (dirs.), Sabine Caouche (éd.), Éd. Classiques Garnier, [à paraître, 2017].
– «Inscrire le corps révolutionnaire dans la pathologie morale : la valse, le vertige, et l’imagination des femmes», Orages. Littérature et culture 1760-1830 : Sexes en Révolution (No. 12), Florence Lotterie, Pierre Frantz (dirs.), Olivier Bara (éd.), mars 2013, 87-109.
– «Walzliebelust: vertigine e sogno di egualitarismo», Immaginari corporei e rappresentazioni di genere tra danza, scrittura e società, a cura di Susanne Franco, Nuove frontiere per la storia di genere. Atti del V Congresso della Società Italiana delle Storiche (Napoli 28-30 gennaio 2010), a cura di Laura Guidi e Maria Rosaria Pellizzari, Webster Press de l’Università di Salerno, Padova, 2013, 223-228.
– «La Dansomanie, une expression symptomatique, entre ballet et bal au Théâtre de la République et des Arts», Roxane Martin, Marina Nordera (dir.), Les arts de la scène à l’épreuve de l’histoire, Paris, Honoré Champion, coll. « Colloques, Congrès et Conférences » dirigée par Jean Bessière, 2011, 357-371.
– «Monstrous Choreographies: Waltzing, Madness & Miscarriage», Studies in Eighteenth Century Culture, Linda Zionkowski (dir.), Johns Hopkins University Press, 38: 2009, 199-235.