Paris, Perrin, 24€, avril 2016, 416 p., 24 €, ISBN : 9782262064310
Poursuivant sa grande enquête au cœur de l’exception politique française, Éliane Viennot aborde ici, après L’invention de la loi salique (ve-xvie siècle) et Les résistances de la société (xviie-xviiie siècle), la période cruciale qui va de la Révolution à l’Empire. Par l’étude de nombreux documents d’époque, elle montre que les femmes de ce temps, habitées par des modèles d’héroïnes que l’Ancien Régime n’avait cessé de célébrer, se sont investies dans la «régénération de la patrie» avec un enthousiasme identique à celui des hommes, revendiquant haut et fort l’exercice des mêmes droits. Mais que les hommes au pouvoir, nourris de l’idéal rousseauiste de la « séparation des sphères » autant que d’Histoires de France vidées de toute référence aux femmes, n’ont eu de cesse de renforcer le «privilège masculin» – et cela quels que soient leurs désaccords.
Mettant fin à des pouvoirs féminins séculaires, réservant à leur profit la citoyenneté et les améliorations du système scolaire, confortant leurs positions en légiférant sur le divorce et l’héritage, travaillant à un Code civil garant des puissances paternelle et maritale, s’activant à faire taire les contestataires, ces hommes ont jeté les bases d’un ordre masculin qui, sous couvert d’égalité, de liberté et de modernité, perdurera jusqu’à la fin du xxe siècle en essaimant dans une bonne partie du monde.
Professeure à l’université de Saint-Etienne et membre honoraire de l’Institut universitaire de France, Eliane Viennot a fondé la Société internationale pour l’étude des femmes de l’Ancien Régime et l’Institut Émilie du Châtelet. Spécialiste des femmes d’État de la Renaissance (notamment de Marguerite de Valois, dont elle a édité les œuvres complètes), elle travaille depuis les mobilisations pour la parité à cette histoire des femmes et du pouvoir en France – la première du genre.