Ethos et discours paratextuel (1521-1568)
Saint-Etienne, PUSE, 2023, 160 p., 20€
Dans leurs écrits paratextuels, rare espace où elles s’expriment en leur propre nom, les traductrices de la Renaissance cherchent à gagner la sympathie du lecteur en se parant de diverses qualités morales. Cependant, d’une traductrice à l’autre, les stratégies de présentation de soi varient parfois considérablement. Anne de Graville et Claudine Scève, traductrices du premier XVIe siècle, cultivent l’effacement de soi, feignant d’exercer leur occupation dans l’ombre de la sphère privée. Quant à Hélisenne de Crenne, traductrice de l’Énéide (1541), elle emploie un vaste appareil paratextuel pour asseoir son ethos d’humaniste. Pour elle, traduire est un acte d’érudition, un don au public, un ressort de la translatio studii ; enfin, un nouveau sommet dans son parcours auctorial. À l’opposé, Marguerite de Cambis, Marie de Cotteblanche et Anne de Marquets, traductrices des années 1550 et 1560, s’approprient une série de topoï dévalorisants attachés à l’activité de traduction. Exercice subalterne, petit labeur sans gloire et sans conséquence, l’acte traductif prend, chez elles, les allures convenables d’un passe-temps féminin. La présente étude, doublée d’une anthologie des écrits paratextuels de traductrices parus entre 1521 et 1568, vise à éclairer ce corpus longtemps délaissé, à la faveur d’une analyse fondée sur la rhétorique, l’histoire des femmes et l’histoire de la traduction.