Marie-Victoire Lemoine
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Marie-Victoire Lemoine | ||
Biographie | ||
Date de naissance | 1754 | |
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Date de décès | 1820 | |
Notice(s) dans dictionnaire(s) ancien(s) |
Notice de Mary Sheriff, 2005.
Née à Paris en 1754, Marie-Victoire Lemoine est la fille aînée de Charles Lemoine et de Marie-Anne Rousselle. Au sujet de ses parents, nous savons seulement qu'ils étaient bourgeois de Paris. Ses soeurs Marie-Denise Lemoine (connue sous le nom de Nisa Villers) et Marie-Élisabeth Lemoine (plus tard Gabiou) sont aussi peintres. Cependant, contrairement à ses soeurs, Marie-Victoire ne s'est jamais mariée et, bien que vivant avec des membres de sa famille, elle subvient à ses propres besoins grâce à son travail. En 1779, elle réside dans la maison familiale et, plus tard vit avec sa soeur Marie-Élisabeth, demeurant chez elle même après sa mort. Nous avons peu de renseignements sur la formation artistique de Marie-Victoire Lemoine. Elle a probablement étudié avec l'académicien François Ménageot, très vraisemblablement au début des années 1770, lorsqu'il vivait et travaillait dans une maison appartenant au marchand d'art J.-B. Lebrun, mari de la peintre Élisabeth Vigée-Lebrun, dont l'atelier se trouvait également dans la maison. Une association avec Vigée-Lebrun permettrait d'expliquer un des tableaux les plus connus de Lemoine, son Atelier d'une femme peintre (Salon de 1796). Cette peinture est considérée généralement comme un hommage à Vigée-Lebrun, la femme peintre de Lemoine portant le vêtement emblématique (la robe en chemise) des oeuvres de Vigée-Lebrun. L'image semble indiquer un contact direct, voire de formation, entre les deux femmes. Peut-être Lemoine a-t-elle aussi travaillé dans l'atelier de Vigée-Lebrun, comme le suggèrent plusieurs de ses compositions.
Il apparaît d'après la liste de ses portraits que Lemoine s'est déjà acquis une réputation appréciable en 1779 lorsqu'elle expose pour la première fois son travail au Salon de la Correspondance, un établissement privé dirigé par Pahin de la Blancherie. Parmi ces oeuvres figure un portrait de la princesse de Lamballe, une intime de Marie-Antoinette, qui fait l'objet d'une critique très favorable dans les Nouvelles de la République des Lettres et des Arts. Lemoine continue à peindre des portraits, des miniatures et des scènes de genre, qui, à en juger par les livrets d'expositions et les oeuvres conservées, constituent la majeure partie de son oeuvre. Au moins un tableau laisse penser qu'elle a l'ambition de peindre des sujets littéraires. Sa Jeune femme et Éros reprend indirectement un passage du Roland furieux de l'Arioste, dans lequel les amoureux gravent leurs initiales sur un tronc. Son Allégorie de la Peinture (années 1780, Orléans, musée des Beaux-Arts) démontre qu'elle travaille aussi dans la tradition allégorique. Elle s'essaie également à la peinture de genre, et sa Frascatane écoutant un guitariste (1793) montre sa capacité à représenter des figures «rustiques» et des costumes dans une scène qui annonce les peintures troubadour de Fleury Richard et Marguerite Gérard. Bien que Lemoine ait pratiqué plusieurs genres, la plupart de ses oeuvres identifiées sont des portraits de femmes et d'enfants. Beaucoup d'entre eux (par exemple la Petite fille dans un paysage italien, 1793) sont extrêmement sentimentaux, tandis que d'autres rappellent le culte de la maternité à la fin du XVIIIe et au début du XIXe siècles (par exemple Une mère et sa fille, v.1805).
Si la vie de Lemoine est mal connue, nous pouvons peut-être nous faire une idée de la façon dont elle s'imaginait en artiste par son Atelier, qui montre une femme artiste, avec ses pinceaux, devant une toile sur laquelle est esquissé un thème classique. La représentation d'une peintre en compagnie de son élève met en scène la transmission de l'art de femme à femme. Les références à Vigée-Lebrun sont combinées à des rappels de l'Autoportrait avec deux élèves de Labille-Guiard (1785), car l'élève de Lemoine est proche, par le profil et le vêtement, du portrait de Gabrielle Capet figurant dans cette oeuvre. Pourtant, à la différence de Labille-Guiard, qui situe la leçon d'art dans un espace austère et indéterminé, Lemoine associe le mobilier domestique aux accessoires et aux instruments nécessaires à la peinture. Cette représentation, à la fois domestique et professionnelle, évoque la véritable situation de la plupart des femmes artistes de l'époque. De même, dans l'esquisse sur la toile, tandis qu'une prêtresse ou une vestale surveille ses dévotions, une jeune fille s'agenouille devant une statue, posée sur un autel, représentant Athéna, une divinité protectrice aussi bien des arts que de l'artisanat domestique. Ce redoublement du décor et de la dévotion à Athéna sont ainsi une métaphore de la position de l'artiste comme femme vivant entre les mondes domestique et professionnel.
L' Atelier figure parmi les premières oeuvres que Lemoine montre au Salon officiel. Elle continue à exposer aux Salons de 1796, 1798, 1799, 1802, 1804 et 1814, où sa production reçoit parfois des louanges, parfois des reproches. Au sujet des dernières années de l'artiste, nous savons seulement que six ans avant sa mort, survenue le 2 décembre 1820, elle participe encore à des expositions publiques.
(traduction de Sandrine Lely)
Oeuvres
- 1779 (Salon de la Correspondance) : Marie Thérèse Louise de Savoie-Carignan, princesse de Lamballe (huile sur toile, ovale, env. 57 x 45 cm, signé et daté), non localisé.
- 1780 : Fillette tenant un chat (huile sur toile, signé et daté), non localisé.
- 1781(?) : Jeune homme en costume espagnol jouant d'une mandoline(huile sur toile, 61 x 49 cm), vente anonyme, Versailles, Palais des Congrès, 1971, non localisé.
- 1781 : Femme inconnue (huile sur toile, 58,5 x 48, signé et daté), vente anonyme, New York, Sotheby's, 1984, non localisé.
- 1781 : Portrait présumé de Madame de Genlis (huile sur toile, ovale 60 x 50 cm), vente anonyme, Monaco, Sotheby's, 1989, non localisé.
- 1783 : Portrait présumé de Mademoiselle de Chartres et sa compagne anglaise, Pamela (huile sur toile, 115,5 x 89,5 cm, signé et daté), non localisé.
- 1785 : Portrait d'un Africain(huile sur toile, 65 x 54 cm, signé et daté), Jacksonville, Florida, USA, The Cummer Museum of Art.
- 1785 (Salon de la Correspondance) : Tête d'enfant avec un petit chapeau (huile sur toile?), non localisé.
- 1789 : Portrait d'homme(huile sur toile, ovale, signé et daté), vente anonyme, Paris, Hôtel Drouot, 26 juin 1992, non localisé.
- 178(?) : Allégorie de la Peinture (Autoportrait) (huile sur toile, 118 x 90 cm), Orléans, musée des Beaux-Arts (INV. 69-13-1).
- 1790 : Deux jeunes filles cueillant des fleurs (huile sur toile, ovale 91 x 72 cm), non localisé.
- 1792 : Jeune femme et Eros(huile sur toile, 92,5 x 73 cm, signé et daté), Saint-Pétersbourg, musée de l'Ermitage.
- 1793 (Salon de 1796 no285) : Jeune fille tenant une colombe(huile sur toile, ovale 60 x 50 cm, signé et daté), vente anonyme, Paris, Drouot, 1978, non localisé.
- 1793 (Salon de 1798 no268) : Une jeune Frascatane écoutant un guitariste (huile sur toile, 92,5 x 78,3 cm, signé et daté), non localisé.
- 1795 : Femme jouant de l'épinette (miniature, rond diam. 6,7 cm, signé et daté), non localisé.
- 1796 (Salon no284) : Intérieur d'un atelier de femme peintre(huile sur toile, 116,5 x 90 cm), New York, The Metropolitan Museum of Art (57.103).
- 1796 (Salon no286) : Un cadre renfermant des miniatures, non localisé.
- v.1796 (Salon no 285) : Louis Henry Gabiou jouant du violon(huile sur toile, ovale 54,5 x 47 cm), Notre Dame, University of Notre Dame, Indiana Snite Museum of Art.
- v.1799 (Salon no208) : Une jeune femme appuyée sur le bord d'une croisée (huile sur toile, env. 200 x 136 cm), non localisé.
- v.1799 : La Citoyenne Villers, née Marie Denise Lemoine (huile sur toile, 205 x 132 cm, signé et daté), coll. part.
- 1802 (Salon) : Une jeune personne faisant un fromage (huile sur toile, 115,5 x 88 cm, signé et daté), coll. part.
- v.1804 (Salon) : Une jardinière coupant du lilas, non localisé.
- v.1814 (Salon) : Un portrait, non localisé.
- s.d. : Femme inconnue(huile sur toile, ovale 71 x 57 cm), vente anonyme, Londres, Sotheby's, 1948, non localisé.
- s.d. : Fillette tenant une pourpre de vigne(pastel sur papier; 45 x 38 cm), non localisé.
- s.d. : Fillette tenant une pourpre de vigne(huile sur toile, 46 x 38 cm), vente anonyme, Paris, Drouot Richelieu, 1993, non localisé.
- s.d. : Fillette tenant une guirlande de fleurs et de fruits(huile sur toile, ovale 62 x 47 cm, signé et daté), vente anonyme Londres, Sotheby's, 1979, non localisé.
- s.d. : François Guillaume Ménageot(huile sur toile, ovale 83 x 78 cm), musée national du Château de Versailles.
- s.d. :Portrait de femme peintre,ditAutoportrait de l'artiste(huile sur toile, 68,5 x 51 cm), coll. privée.
- s.d. : Mademoiselle d'Holbach cueillant des groseilles(huile sur toile, ovale 60,5 x 49 cm), Muncie, Indiana, Ball State University Museum of Art.
- s.d. (Salon de 1802?) : Une mère et sa fille (huile sur toile), vente anonyme, Londres, Christie's, 1977, non localisé.
- s.d. : Psyché(huile sur toile, 129 x 95 cm), vente anonyme, Londres, Robinson, Fisher and Harding, 1924, non localisé.
- s.d. : Femme tenant une corbeille de fleurs près d'une statue de «l'Amour menaçant» par Falconet (huile sur toile, ovale 72 x 58,5 cm), New York, coll. Mrs. Harry Payne Bingham.
- s.d.: Jeune femme avec un chien (huile sur toile, ovale 91,5 x 72,4 cm), Bucarest, musée national des Beaux-Arts.
- s.d. : Jeune garçon tenant une corbeille de fleurs (huile sur toile, 61 x 50,7 cm), non localisé.
- s.d. : Vicomtesse d'Angerville d'Auvrecher, née Victoire Turgot (huile sur toile, ovale), non localisé.
- s.d. : Portrait de jeune garçon (huile sur toile, 55 x 45,7 cm), non localisé.
- s.d. : Femme inconnue, dite Thérèse Marie Budan de Russé (huile sur toile, ovale 72 x 58,5 cm), non localisé.
- s.d. : Madame Le Sénéchal (huile sur toile, ovale), non localisé.
- s.d. : Jeune fille en costume antique tressant une couronne de fleurs (huile sur toile, ovale 61 x 50 cm), non localisé.
- s.d. : Fillette au chat (huile sur toile, 55,5 x 44,5), non localisé.
- s.d. : Petite fille dans un paysage (huile sur toile, 159 x 129 cm, signé et daté), non localisé.
- s.d. : Jeune fille tenant une corbeille de fleurs (huile sur toile, 44 x 36,5 cm), non localisé.
- s.d. : Jeune fille inconnue (huile sur toile, ovale), non localisé.
Choix bibliographique
- Baillio, Joseph, «Vie et Oeuvre de Marie-Victoire Lemoine», Gazette des Beaux-Arts, avril 1996, CXXXVIII, p.125-164.
- Harris, Ann Sutherland et Linda Nochlin, Women Artists 1550-1950, New York, Knopf, 1977, p.188-189; Femmes peintres 1550-1950, Paris, Des Femmes, 1981.
- O'Neill, Mary, Les Peintures de l'École Française des XVIIe et XVIIIe Siècles, Musée des Beaux-Arts d'Orleans, thèse de Doctorat de Troisième Cycle sous la direction de J. Thuillier, l'Université de Paris IV-Sorbonne, le 6 mai 1980.
- Oppenheimer, Margaret, "Nisa Villers, née Lemoine (1774-1821)", Gazette des Beaux-Arts, avril 1996, CXXXVIII, p.167-80.
Jugements
- «On scait combien la phisionomie pleine d'esprit et de graces de Madame la princesse de Lamballe est difficile à saisir. L'auteur de cet ouvrage a vaincu ces difficultés autant qu'il est possible, et la tête, peinte d'une manière très gracieuse, a été trouvée très-ressemblante»
(1779, Pahin de la Blancherie Nouvelles de la République des Lettres et des Arts, Paris VI, 1779-1780, p.63).
- «Le portrait de femme no. 208 par la citoyenne Lemoine est agréablement composé, les accessoires sont disposés avec goût, mais l'effet général est faible» (1799, «Exposition des peintures et dessins ... exposés au Salon du Louvre», Journal de Paris dans Collection Deloynes, XXI, no582, p.529-31).
- «Le blanc domine trop dans les chairs, et les fait confondre avec le linge des manches; le reflet de la tête est un peu trop clair» (1802, L'Observateur au muséum ou critique des tableaux en vaudevilles, Paris, p.14-15).
- «Ce malheureux tableau sert de plastron à tous les faiseurs de mauvais calembours. C'est un fromage mou, dit l'un; c'est un lait répandu, dit l'autre; un troisième voudrait que ce tableau lui appartînt, parce que, dit-il, il est grand amateur de lait et de galette; un quatrième trouve surprenant que cette jeune personne soit grise, puisqu'elle ne prend que du lait; mais moi qui ne suis pas aussi mechant que tout ce monde-là, je dis, en voyant ce tableau, que c'est d'un beau laid» (1802,Revue du Salon de l'an X ou examen critique de tous les tableaux qui ont été déposés au Muséum, Paris, an X [1802], p.44.)
- «La figure est courte d'ensemble; la petite fille, toute jolie qu'elle est, lève trop la jambe, et n'a pas l'air de courir, parce que le pied gauche pose trop sur la terre: cependant le tableau est généralement bien composé d'un bon effet, et d'une couleur agréable» (1802, Revue du Salon de l'an X ou examen critique de tous les tableaux qui ont été déposés au Muséum, Paris, an X [1802], p.45.)
- «Ma foi, voilà une jeune jardinière qui n'est pas mal peinte; la couleur en est bonne, et ce portrait fait honneur à Mlle. Le Moine» (1804, L'Observateur au muséum ou critique des tableaux en vaudevilles, Paris, 1804, p.19).
- «Malheureusement, avec le passage du temps, la réputation que Marie-Victoire Lemoine avait acquise de son vivant s'est entièrement éclipsée, victime de l'oubli qu'on réserve habituellement aux 'petits maîtres'. Nous pensons qu'elle a droit à une place distinguée dans la brillante constellation de femmes peintres dont le XVIIIe siècle français peut légitimement se vanter, car elle a su créer une oeuvre d'un grand raffinement qui mérite enfin qu'on la remarque (1996, Joseph Baillio, voir supra «choix bibliogr.», p.143).