Marie-Thérèse Rodet/Fortunée Briquet

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GEOFFRIN, (Madame) protectrice des gens de lettres, naquit en 1699. Elle profita de la fortune considérable que lui avait laissée son époux, pour rassembler dans sa maison et secourir les savans et les artistes. Procurer des travaux à des personnes habiles et ignorées, solliciter quelquefois des hommes puissans pour réparer ou des injustices ou des malheurs, telle était sa plus douce occupation. Elle fonda son bonheur sur sa raison, et ses plaisirs sur sa bonté. Amie des enfans, elle s'intéressait à l'innocence et à la faiblesse de cet âge. «Je voudrais, disait-elle, qu'on fît une question à tous les malheureux qui vont subir la mort pour leurs crimes: Avez-vous aimé les enfans? Je suis sûre qu'ils répondraient que non.» Son goût naturel la portait à la simplicité. Elle avait fait passer le rabot sur les sculptures de son appartement. Rien en relief, était sa devise. Le nom de savante, que des étrangers quelquefois lui donnaient, d'après sa célébrité et ses liaisons, semblait l'effrayer. Elle rejetait ce nom avec respect, et avouait ingénument qu'elle n'en était pas digne. Une imagination vive lui inspirait une foule de mots heureux. Elle comparait son esprit à un rouleau plié qui se développe et se déroule par degré. Peut-être à ma mort, ajoutait-elle, le rouleau ne sera-t-il pas déployé tout entier. Voici quelques-unes de ses maximes: Parler de ceux qu'on aime, fait à l'amitié ce que la culture fait aux plantes: ce parler redouble et nourrit le sentiment que l'on a.... Il y a une partie de notre ame qui n'appartient pas au public. Dire à chaque instant dans la société tout ce que l'on pense, c'est priver l'amitié de son droit le plus doux.... Il ne faut pas laisser croître l'herbe sur le chemin de l'amitié... L'économie est la source de l'indépendance et de la libéralité. Personne n'eut peut-être jamais au même degré l'esprit convenable à chaque situation. Frappée de paralysie, attachée pendant plus d'un an à un lit de douleur, elle parut toujours aussi calme que si elle n'eut pas connu d'autre genre de vie. Dans cet état, elle s'occupait encore d'actions de bienfaisance: car c'est la seule habitude à laquelle il lui fut impossible de renoncer. Elle termina sa carrière à Paris, en 1777. Il parut, cette même année, trois Eloges de Madame Geoffrin, dont les auteurs sont d'Alembert, Thomas et Morellet.

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