Marie-Louise Trichet
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Marie-Louise Trichet | ||
Dénomination(s) | Mademoiselle Trichet ; sœur Marie-Louise de Jésus ; Bienheureuse Marie-Louise Trichet | |
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Biographie | ||
Date de naissance | 6 mai 1684 | |
Date de décès | 28 avril 1759 | |
Notice(s) dans dictionnaire(s) ancien(s) |
Sommaire
Notice de Nicole Pellegrin, 2019
Née le 7 mai 1684 à Poitiers (Vienne) dans une famille de huit enfants, Marie-Louise Trichet est la fille d’un procureur au présidial de la ville désargenté, Julien Trichet, et de Françoise Lecoq, elle aussi issue d’une famille de la bourgeoisie urbaine. Élève des Filles de Notre-Dame, Marie-Louise s’y distingue très tôt par sa piété, celle-ci ayant été renforcée par la guérison, jugée miraculeuse, de sa sœur lors d’un pèlerinage familial aux Ardilliers près de Saumur. Très tôt, elle s’intéresse au sort des indigents recueillis à l’Hôpital général de Poitiers où elle fait rencontre, en juillet 1701, de l’aumônier de l’établissement, Louis-Marie Grignion de Montfort (1673-1716), qui la décide à servir les pauvres et à envisager de vivre sa vocation en marge des ordres préexistants. Lors d’un second séjour de Grignion à Poitiers, elle se promet de devenir religieuse dans « la congrégation de filles » qu’il a le projet de créer sous l’invocation de la « sagesse du Verbe incarné, pour confondre la fausse sagesse des gens du monde, en établissant la folie de l’Évangile parmi elles » et qui serait vouée à l’instruction gratuite des enfants, au service hospitalier et à l’assistance des incurables. Le 2 février 1703, elle prend un costume, scandaleux, qui l’assimile aux « femmes du peuple » et qui la met au ban de son monde d’origine. Nommée « gouvernante » de l’Hôpital général en mai 1708 et chargée de l’économat en septembre 1709, elle doit apprendre à mettre « les chiffres en colonnes » et à diriger un petit groupe de femmes pieuses dont le nombre commence à s’élargir à partir de 1713 mais dont la Règle n’est approuvée que le 1er avril 1715 par Mgr de Champflour, évêque de La Rochelle. Et c’est dans cette ville que, le 22 août 1715, Marie-Louise devient « Fille de la Sagesse », avant de repartir avec deux compagnes à Poitiers pour y ouvrir une école des pauvres et un noviciat au sein de l’hôpital. Finalement, grâce à l’aide financière de la marquise de Bouillé et au soutien spirituel du père Mulot, successeur de Grignion à la tête de la Compagnie de Marie (fondée en 1705), c’est à Saint-Laurent-sur-Sèvre (actuelle Vendée) qu’est érigée, en 1721-1722, la maison-mère dont Marie-Louise devient la supérieure. Des fondations se succèdent au prix d’inlassables voyages (souvent entrepris à cheval) : Rennes et Dinan (1724), Ré (1725), Fontenay-le-Comte (1727), Niort (1729), Poitiers (1733), Airvault et Saint-Denis-d’Oléron (1741), etc. Après un dernier voyage en 1748-49, elle se consacre avant tout à la formation des futures religieuses en séjournant désormais à Saint-Laurent-sur-Sèvre où, après une chute survenue en décembre précédent, elle meurt le 28 avril 1759, quarante-trois ans jour pour jour après la mort du père de Montfort. C’est au plus près du tombeau de Louis-Marie que Marie-Louise est inhumée le surlendemain.
Béatifiée par le pape Jean-Paul II le 16 mai 1993, la cofondatrice de la Sagesse a eu une « carrière » religieuse beaucoup plus tourmentée que ses hagiographes ne le prétendent encore. Rappelons les difficultés financières de sa famille pour la doter, ses hésitations à devenir converse augustine, sœur de la Charité ou carmélite, l’hostilité de sa mère, les controverses autour de son exigeant maître spirituel (souvent absent et pourchassé, il meurt prématurément le 28 avril 1716), les catastrophes sanitaires à gérer (dysenterie de 1710, « peste » de 1712), les péripéties des fondations rochelaise (1715), puis poitevine (1719), l’hostilité des administrateurs laïcs des « hôpitaux » qu’elle « gouverne », les incertitudes sur le statut de sa congrégation (diocésaine et non romaine), les désaccords temporaires avec les missionnaires de la Compagnie de Marie qui fournissent confesseurs et supérieurs, les cabales, les humiliations, les « tentations », etc. Pour être des étapes convenues dans le parcours de toute fondatrice, ces tribulations révèlent une femme à la fois humble et audacieuse dont le rôle dans la construction et les fondements spirituels de « la famille montfortaine » est en cours de réévaluation. Son choix de mener une vie apostolique tranche sur le modèle, encore prévalent au XVIIIe siècle, de la contemplative cloîtrée. Création progressive, la Sagesse est une co-fondation : si l’intuition initiale est masculine, sa mise en place revient à une femme aux prises avec la misère du petit peuple de l’Ouest français et ses propres aspirations : dévouement, dolorisme christocentré, refus de l’intellectualisme.
Oeuvres
- Forme de l’habillement TEL QUE JE L’AI REÇU DE NOTRE PERE DE MONTFORT, qui m’a commandé de le transmettre à toutes celles qui, quittant l’habit du monde, voudraient dans la suite des temps, se revêtir de celui de Jesus-Christ la Sagesse Eternelle, sl, sn, 1750.
- un Mémoire (disparu) sur la vie de M. de Montfort et l’établissement des filles de la Sagesse, utilisé par les rédacteurs, au XVIIIe siècle, de vies de Grignion de Montfort
- Constitutions, élaborées en collaboration avec des compagnes et mises au point en 1760, avant d’être éditées: Règle et constitutions des Filles de la Sagesse, Nantes, V. Forest, 1845.
- une trentaine de lettres, au moins, la plupart restées manuscrites, ont été transcrites, ainsi que son testament, par le père Besnard et autres biographes. Ces lettres sont adressées à diverses communautés de la Sagesse, à des personnes non identifiées, à des consœurs en difficulté ou malheureuses, à un père montfortain, etc.
- un petit nombre de documents administratifs, des factures, des contrats, signés de sa main, sont aussi conservés aux Archives de la Sagesse et mériteraient réexamen.
Principales sources
- Archives départementales de Vendée, Archives de la Congrégation des Filles de la Sagesse [1]
- [Allaire, attrib. à l'abbé], Abrégé de la vie et des vertus de la sœur Marie-Louise de Jésus Supérieure des Filles de la Sagesse, Poitiers, Jean-Félix Faulcon, 1768, ill.[2]
- Besnard, Charles, La vie de la sœur Marie-Louise de Jésus, première supérieure des filles de la Sagesse (1750), éd. Marcel Gendrot, Rome, Centre international montfortain, 1985.
Choix bibliographique
- Dervaux, Jeanne-Françoise, Folie ou sagesse ? Marie-Louise Trichet et les premières filles de M. de Montfort, Paris, Alsatia, 1950, ill.
- Laurentin, René, Petite vie de Marie-Louise Trichet, cofondatrice des Filles de la sagesse, Paris, Desclée de Brouwer, 1993.
- Pellegrin, Nicole, «Louis-Marie de Grignion de Montfort et les incurables. Par delà la guerre des deux légendes » et « Les Filles de la Sagesse aux Incurables de Poitiers. Prier et/ ou soigner ? » in Gérard Simmat, dir., L’Hôpital Pasteur de Poitiers, Poitiers, CHU, 2010, p. 17-38, ill.
- Russeil, Jean-Paul, (dir.), Louis-Marie Grignion de Montfort et Marie-Louise Trichet. Le temps des commencements, Poitiers, Association Gilbert de la Porrée, 2010, ill.
Choix iconographique
- 1750: Portrait gravé anonyme (un bois, placé en tête de la Règle des Filles de la Sagesse, instituées par M. de Montfort […] Paris, s. n., 1750) ; réinterprété sur cuivre par la graveur parisien Jean-Charles Baquoy pour servir de frontispice à l’Abrégé de la vie et des vertus de la sœur Marie-Louise de Jésus […], Poitiers, 1768 [voir supra, Principales sources]. Tous les tableaux ultérieurs dérivent de cette gravure. [3]
- XIXe-XXe s.: Images de piété des XIXe-XXIe siècles, édités par la maison Bonamy de Poitiers et autres,
- 1983: Portrait par Rina Masutti, tableau devenu officiel.
==Choix de liens électroniques"
- S. Lepers, « Marie Louise of Jesus […] speaks to us today » [4]
Jugements
- 14 avril 1716, lettre de son directeur spirituel, Louis-Marie Grignion de Montfort : « Je ne vous oublierai jamais, pourvu que vous aimiez ma chère croix, en laquelle je vous suis allié tandis que vous ne ferez point votre propre volonté mais la sainte volonté de Dieu, dans laquelle je suis tout à vous…» (Louis-Marie Grignion de Montfort, Œuvres complètes, Paris, Seuil, 1966, p. 81-83).
- vers 1758, impressions d’un peintre allemand narrées par le supérieur de la congrégation : «[il] se trouva à Saint-Laurent […]. Il se mit en devoir de crayonner plus son visage que ses habits, ainsi que le supérieur le lui avait recommandé […] mais, […] sa modestie, son humilité en furent tellement alarmées que l’ouvrier déconcerté dit qu’il ne pouvait rien faire parce que cette dame paraissait trop inquiète et même chagrine. Il ne fut pas possible de la tranquilliser et de lui rendre sa joie jusqu’à ce que la sœur qui avait été présente l’eût assuré que le supérieur avait dit que cet esquis [sic] n’avait aucune ressemblance et n’était bon qu’à être déchiré et jeté au feu ». (Charles Besnard, La vie de la sœur Marie-Louise de Jésus, première supérieure des filles de la Sagesse (1750), éd. par Marcel Gendrot, Rome, Centre international montfortain, 1985, p. 379-380).
- vers 1761, réflexions d’une compagne de couvent : elle était « avantagée d’un grand jugement solide et d’une pénétration excellente […] Entre autres on dit que c’était la tête d’un homme sur le corps d’une fille. […] C’était un caractère uni, droit, rempli de candeur et de prévenance, mais tout ceci était assaisonné d’une prudence admirable […]. Elle avait une force d’esprit merveilleuse pour garder les secrets qu’on lui confiait. […] Son humilité était si profonde qu’elle s’abaissait presque toujours à suivre le sentiment des autres plutôt que le sien». (Sœur Florence in Chroniques primitives de Saint-Laurent-sur-Sèvre, Rome, Centre international montfortain, 1967, p. 84-85).
- 1768, un biographe de M.-L. Trichet : « Son dégoût pour tout ce que le monde estime étoit si grand qu’elle eût voulu passer pour une folle dans l’esprit des gens du monde, si la bienséance, ou le bien que Dieu lui inspiroit de faire ne s’y fussent opposés. Cependant, elle ne fit aucune difficulté, quand son saint Directeur l’exigea d’elle, de paroitre dans les rues de Poitiers couverte de bure, & chaussée en sabots comme une fille du plus bas peuple. Elle savoit que ce seroit renoncer à la qualité de Servante de Jésus-Christ que de chercher à plaire au monde ». ([Abbé Allaire], Abrégé de la vie et des vertus de la sœur Marie-Louise de Jésus Supérieure des Filles de la Sagesse, Poitiers, Jean-Félix Faulcon, 1768, p. 413).
- 1785, un biographe de L.-M. Grignion : « [Poitiers, 1701-1702] Outre ses occupations journalières, il prêchoit, il confessoit, il donnoit des retraites, & dirigeoit plusieurs âmes à la plus haute perfection. Entre celles-ci, on peut avec raison distinguer Mademoiselle Trichet, jeune demoiselle, qui n’avoit alors que 17 ans […]. Mademoiselle Trichet […], le sujet qui devoit être comme la pierre fondamentale, & sa fidèle Coopération dans cette bonne œuvre ». (P. J. Picot de Clorivière, recteur de Paramé, La Vie de M. Louis-Marie Grignion de Montfort, Missionnaire apostolique, Instituteur des Missionnaires du Saint-Esprit & des Filles de la Sagesse, Paris, Delalain, 1785, p. 85, 104).
- 1950, une religieuse historienne : « Elle repose, blottie dans l’ombre de son Père. Dans l’ombre… L’habitude est prise, deux fois séculaire, de dire « le Tombeau » […] Espérons qu’un jour prochain, [les gens du pays] pourront dire avec fierté : notre Sainte, en parlant de celle qui, pendant quarante ans, a vécu en ce lieu, élevant, consolant, soulageant plusieurs générations de leurs ancêtres, Marie-Louise de Jésus, qui a fait lever et mûrir la semence jetée ici par Montfort. (J.-F. Dervaux,Folie ou sagesse ? Marie-Louise Trichet et les premières filles de M. de Montfort, voir supra Choix bibliographique, p. 684).
- 1993, un mariologue et biographe de la sainteté : « Elle a pu sembler n’être que l’ombre et le prolongement du prophétique Louis Marie. La réduire à cette passivité serait verser dans l’illusion d’une optique masculine, ignorante des valeurs propres aux femmes. Ce serait surtout ignorer les desseins mystérieux de l’esprit saint qui lui fit inventer, de l’intérieur, sa destinée spécifique, sur son fond propre. […] L’homme pense. La femme vit. L’homme exerce des pouvoirs bâtisseurs ou destructeurs, la femme les incarne dans dans la durée intérieure. L’homme ébranle le monde. La femme en assure le tissu, la continuité, le milieu vivable. C’est en ce sens profond que la Bienheureuse Marie-Louise Trichet fut réellement cofondatrice de la Sagesse. Elle a donné à cette idée de Montfort son incarnation : sa réalité humaine et sa durée ». (René Laurentin, Petite vie de Marie-Louise Trichet, cofondatrice des Filles de la sagesse, Paris, Desclée de Brouwer, 1993, p. 7 et 189).