Marie-Jeanne Laboras de Mézières/Henri Lyonnet

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[67] Une des plus curieuses figures de comédiennes du Théâtre italien de cette époque fut assurément celle de Madame Riccoboni qui fut en même temps femme de lettres. Marie, Jeanne de Laboras était française, née à Paris sur la paroisse Saint-Eustache, le 26 octobre 1713. A la veille de ses débuts à la Comédie italienne, elle avait épousé son camarade Antoine Riccoboni, dit Lelio fils [68] du Lelio qui avait amené cette troupe d'Italie et l'avait dirigée comme premier acteur depuis 1716. Elle devenait donc ainsi la belle-fille de la Flaminia. Ce nom, du reste, devait lui servir.
Madame Riccoboni était alors une belle et grande fille, svelte, de tournure élégante. Elle a dit d'elle-même, qu'elle avait l'air vif et gai avec les gens qui lui plaisaient, mais qu'elle était d'une froideur excessive avec les étrangers. Elle joua de nombreux rôles sans éclat, mais elle plaisait, et comme on savait qu'elle écrivait, elle attirait l'attention. Elle collabora à des pièces de théâtre, eut des romans qui eurent la vogue en France et les honneurs de la traduction en Angleterre, et demeure encore comme un des historiens du théâtre les plus fidèles de son époque.
Mariée par raison, de crainte des aventures, elle fut peu heureuse en ménage, bien que protégée par sa belle-mère qui l'estimait. Un jour vint où elle se sépara d'un mari brutal. Au théâtre, en 1735, elle avait repris aux côtés de Silvia, l'Heureux Stratagème de Marivaux qui faisait grand cas de son talent. En 1746, les notes de police, qui sont souvent trompeuses, lui donnent un sieur de Bonneval comme amant attitré. Femme désintéressée, sans réussir dans ses expériences sentimentales, elle se console en écrivant des livres dans lesquels elle repasse des épisodes de sa jeunesse. Elle se lie avec une de ses camarades, Marie-Thérèse Biancolelli, et se retire chez elle rue Poissonnière. Elle avait pris sa retraite en mars 1760. Lors de son mariage, elle avait apporté en dot 4.000 livres, tant en deniers comptant [69] qu'en meubles et en effets. Nous le retrouvons en 1772, dans son modeste logis avec 513 livres 15 sols. «La modération, a-t-elle écrit, m'a toujours paru capable de suppléer à l'opulence; j'ai pris l'habitude de ne pas me croire pauvre en me comparant à ceux qui jouissent d'une grande fortune, puisque je n'ai pas leur désirs».
Décidément, Madame Riccoboni était une philosophe. Cette charmante femme s'éteignit sans infirmités, entourée de quelques bons amis, dont le vieux Goldoni qui vivait encore, le 6 décembre 1792, dans les bras de Marie Biancolelli, laissant à son amie 350 livres de rente perpétuelle. La société élégante et polie qu'elle avait connue s'évanouissait. La pension des Menus Plaisirs n'était plus payée, et celle de la Comédie italienne allait cesser de l'être.

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