Marguerite d'Autriche (1522-1586)

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Marguerite d'Autriche (1522-1586)
Marguerite d'Autriche (1522-1586).jpg
Titre(s) Duchesse de Florence
Duchesse de Parme et de Plaisance
Gouvernante des Pays-Bas
Conjoint(s) Alexandre de Médicis, duc de Toscane (1510-1537)
Octave Farnèse, duc de Castro (1524-1586)
Dénomination(s) Marguerite de Parme
« Madama »
Biographie
Date de naissance Audenaerde, 5 juillet 1522
Date de décès Ortona, 18 janvier 1586
Notice(s) dans dictionnaire(s) ancien(s)
Dictionnaire Marguerite Buffet (1668)


Notice de Marie-Françoise Piéjus, 2013

Marguerite naît dans les Flandres d’une liaison entre Charles Quint et la fille d’un tapissier. D’une intelligence prometteuse, elle est éduquée par deux régentes des Pays-Bas, Marguerite d’Autriche puis Marie de Hongrie, respectivement tante et sœur de l’empereur. Très tôt, celui-ci envisage pour sa fille une union susceptible d’appuyer sa diplomatie. Son mariage avec Alexandre de Médicis, futur duc de Florence et neveu de Clément VII, est inclus dans les clauses du traité de Barcelone qui vise à réconcilier le pape et l’empereur après le traumatisme du Sac de Rome. En janvier 1533, la princesse quitte Bruxelles avec un cortège fastueux. Florence l’accueille par dix jours de fêtes raffinées, puis son éducation se poursuit à Naples auprès de Françoise de Sulmona, veuve du vice-roi Charles de Lannoy. Les noces sont célébrées le 13 juin 1536. Jusqu’à l’assassinat d’Alexandre, en janvier 1537, elle vit «gaiement» semble-t-il, et elle gardera la nostalgie de Florence. Veuve à quinze ans, elle se retire avec sa cour à Prato où les lettrés toscans l’entourent. Elle veille à conserver les biens prévus par son contrat de mariage et fait venir dans cette ville un prédicateur célèbre, Bernardino Ochino. À cette occasion elle accueille Caterina Cibo et Vittoria Colonna, deux grandes lettrées sensibles à la doctrine évangélique. Charles Quint prévoit un second mariage avec Octave Farnèse, petit-fils du pape Paul III. Cette union, que Marguerite refuse énergiquement, est célébrée dans la chapelle Sixtine le 4 novembre 1538, mais les époux ne cohabitent pas. Le mari a quatorze ans, il est énurésique, Marguerite espère une annulation. La situation irrite le pape et l’empereur; le couple devient la risée de Rome. Des allusions à des amours féminines circulent, mais elles pouvaient alors n’avoir rien d’infamant (voir infra la réflexion de Firenzuola). Elle continue à fréquenter les milieux évangéliques. On lui donne pour directeur de conscience Ignace de Loyola, très apprécié aussi de Vittoria Colonna, qui oriente sa spiritualité vers des œuvres de bienfaisance. Le mariage est finalement consommé le 18 octobre 1540. En 1545 Marguerite donne le jour à des jumeaux, dont Alexandre, futur capitaine des armées espagnoles. En 1547, la mort de Pier Luigi Farnèse place le couple à la tête du duché, encore disputé, de Parme et Plaisance. En 1559, son demi-frère Philippe II lui confie le gouvernement des Pays-Bas, dans l’espoir qu’une princesse née en Flandres y sera bien accueillie. Mais son pouvoir est fort limité par le roi qui lui adjoint le cardinal de Granvelle. Elle s’efforce d’appliquer une politique modérée face à la rébellion politico-religieuse, travaille au départ des garnisons espagnoles, réussit à reconquérir certaines villes rebelles, dont Anvers, et ne recule pas devant des exécutions capitales d’hérétiques. Philippe II juge pourtant qu’elle manque de sévérité, et envoie à Bruxelles le duc d’Albe, tenant d’une ligne plus dure. Marguerite ressent cette nomination comme un désaveu et quitte Bruxelles pour Plaisance en décembre 1567, tout en protestant contre les excès du duc. Elle se retire en 1569 dans ses fiefs des Abruzzes, qu’elle s’efforce d’organiser et de développer. Philippe II la nomme en 1572 gouvernante de L’Aquila, avant de lui confier de nouveau le gouvernement des Pays-Bas, où elle revient le 26 juin 1580. Le roi souhaite que les affaires civiles lui incombent, et que son fils, qui assumait le pouvoir depuis deux ans, se charge du commandement militaire. Mais ce dernier supporte mal la limitation de son autorité et Marguerite finit par s’incliner. Elle obtient de rentrer en Italie en 1583. Elle meurt à Ortona en 1586. Située au nœud de pouvoirs parfois antagonistes, forte de son aura impériale, Marguerite d’Autriche s’est battue pour ses propres possessions et pour celles des Farnèse, et a fait preuve de hauteur de vues dans son rôle difficile de gouvernante des Pays-Bas. Lors de son séjour à Prato elle a pris conscience de ses possibilités et mûri sa réflexion spirituelle. Son appui à la Compagnie de Jésus, y compris dans les Flandres, ne l’a jamais conduite au fanatisme. La postérité a longtemps retenu son action politique aux Pays-Bas. Les recherches plus récentes mettent aussi l’accent sur son rôle à Parme, à Plaisance et dans les Abruzzes, où elle s’est comportée en administratrice avisée. Sa vie personnelle émerge peu à peu des recherches d’archives, laissant deviner un fort caractère amené à composer avec les nécessités de son statut princier.

Sources

Les documents laissés par Marguerite sont principalement conservés aux Archivi di Stato de Parme et de Naples. Beaucoup ont été détruits durant la seconde guerre mondiale.
Voir Gabriele Nori, «Madama Margherita e le sue carte», in Margherita d’Austria: costruzioni politiche e diplomazia tra corte Farnese e monarchia spagnola, éd. Silvia Mantini, Rome, Bulzoni, 2003.
Voir également Alfred Cauchie et Léon Van der Essen, Inventaires des archives de Marguerite d’Autriche, dressés après la mort de cette princesse, précédés d’une liste d’anciens inventaires d’archives et de joyaux conservés aux Archives farnésiennes à Naples, Bruxelles, 1907; id., Inventaire des archives farnésiennes de Naples au point de vue de l’histoire des Pays-Bas catholiques, Bruxelles, 1911.
Sa correspondance est partiellement publiée. Pour d’autres documents et plus de détails, voir G. Benzoni, Voir infra Choix bibliographique.

Oeuvres

  • Correspondance de Marguerite d’Autriche, duchesse de Parme, avec Philippe II, éd. L.P. Gachard, 5 vol., Bruxelles, C. Mucquardt, 1848-1879.
  • I. D’Onofrio, Il carteggio intimo di M. d’A. duchessa di Parma e Piacenza, Naples, N. Jovene, 1919 (correspondance).
  • Correspondance française de Marguerite d’Autriche, duchesse de Parme, avec Philippe II, éd. J.S. Theissen, 2 vol., Utrecht, Kemink et fils, 1925-1941.
  • Marguerite a fait bâtir à Plaisance le palais Farnèse par l’architecte Vignola.
  • À Rome elle a laissé son nom à deux propriétés héritées d’Alexandre de Médicis: le Palazzo Madama (achevé en 1505 pour le cardinal Jean de Médicis, futur Léon X), actuel siège du Sénat italien, et la Villa Madama (construite à partir de 1518 sur des plans de Raphaël pour le cardinal Jules de Médicis, futur Clément VII).

Choix bibliographique

  • Canosa, Romano, Vita di Margherita d'Austria, Ortona-Pescara, D'Abruzzo libri, 1998.
  • Benzoni, Gino, "Margherita (Margarita) d’Austria, duchessa di Firenze, poi duchessa di Parma e Piacenza", in Dizionario Biografico degli Italiani, Volume 70, 2007 [1].
  • Dumont, Georges Henri, Marguerite de Parme… Biographie, Bruxelles, Le Cri, 1999.
  • Mantini, Silvia (éd.), Margherita d’Austria: costruzioni politiche e diplomazia tra corte Farnese e monarchia spagnola, Rome, Bulzoni, 2003.
  • Puaux, Anne, Madama, fille de Charles Quint, régente des Pays-Bas, Paris, 1987.

Choix iconographique

  • 1562 : Antonio Moro (Antonis Mor), "Marguerite de Parme" (huile sur toile, 106,3x77,6), Berlin, Gemäldegalerie.
  • 1564-65 : Taddeo Zuccari, "Paul III unit en mariage en 1539 Marguerite d’Autriche, fille de Charles Quint, et son petit-fils Octave, duc de Camerino", (fresque), Caprarola, palais Farnèse, salle des Fastes Farnèse.
  • 1562 : Alfonso Sanchez Coello, "Marguerite d’Autriche duchesse de Parme" (huile sur bois, 72x69 cm), Bruxelles, Musées Royaux des Beaux-arts de Belgique, Inv. 1295.
  • Milieu du XVIe s. : Sebastiano del Piombo (atelier), "Portrait de Marguerite d'Autriche" (huile sur toile, 169x105), Parme, Galleria Nazionale, Inv. 1466.

Jugements

  • (à propos du cortège nuptial de Marguerite) «Le Révérendissime cardinal Cibo en habits d’apparat vint l’accueillir, accompagné de toute la noblesse et des grands, vêtus de leurs plus beaux atours, de velours, de damas, et parfois de voile de soie, en raison de la chaleur; il y avait environ deux cent cinquante cavaliers, chose bien belle à voir, qui s’avançaient quatre par quatre; enfin venaient tous les docteurs en droit et en médecine. [… Marguerite est bénie par l’archevêque puis] après avoir baisé la croix elle remonta à cheval sous un haut baldaquin de toile d’or, pourpre et or, avec des rubans pourpres, noirs et blancs, que soutenaient trente-deux jeunes gens vêtus de satin cramoisi, pourpoint, chausses, béret, les garnitures d’épée en argent, et des plumes blanches sur la tête. […] Devant son Excellence se trouvaient deux dromadaires, don de sa Majesté Impériale au Duc, et après ceux-ci deux rangées de gentilshommes, puis venait Baldo le massier, avec deux grandes besaces en travers de son cheval, qui jetait de l’argent, les pièces que frappe le Duc, des grosses, des moyennes, et parmi elles quelques écus d’or.» (Vasari, Lettre à l’Arétin, 1535, in Lettere scritte a P. Aretino, t.1, éd. P. Procaccioli, Rome, 2003, n° 260, trad. M.F.P.).
  • (l’auteur vient d’évoquer le mythe platonicien de l’androgyne) «Celles qui étaient femelles, ou qui descendent de celles qui étaient femelles des deux côtés, aiment la beauté l’une de l’autre, les unes purement et saintement comme la belle Laudomia Forteguerri [poétesse siennoise qui a dédié des sonnets à M.] l’illustrissime Marguerite d’Autriche, d’autres lascivement comme dans l’antiquité Sapho de Lesbos, et de nos jours à Rome la grande courtisane Cicilia Viniziana» (Firenzuola, "De la beauté des dames", 1548, in Opere, éd. D. Maestri, Torino, UTET, 1977, p. 734, trad. M.F.P.).
  • (au moment de renoncer à sa seconde régence) «il me peine infiniment de me voir traitée ainsi, après tout ce que j’ai souffert et enduré, après que j’ai sacrifié au service du roi ma réputation et ma santé» (Lettre de Marguerite à Granvelle, 1er août 1583, citée par Anne Puaux, Voir supra, Choix bibliographique, p.400)
  • «Marguerite naît dans un monde en mouvement dont la mutation échappe à ceux qui le dirigent et cause à leur orgueil et à leur foi les plus amères déceptions. Elle ne sera pas épargnée par ses remous et accomplira stoïquement l’éclatant et cruel itinéraire d’une princesse de la Renaissance» (Anne Puaux, 1987, Voir supra, Choix bibliographique, p.8)
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