Marguerite Dutertre/Aloïs Delacoux
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[107] LAMARCHE (MARGUERITE DUTERTRE). Maîtresse jurée sage-femme de la Ville et de l’Hôtel-Dieu de Paris, née en la même ville, en 1638, de parens pauvres, et orpheline dès les premières années de sa vie. Une demoiselle respectable, du nom de Latouche, recueillit la jeune Marguerite, prit soin de son éducation, et lui tint lieu de mère. De bonne heure, Marguerite Dutertre annonça d’heureuses dispositions, et fut destinée par sa bienfaitrice à la vie claustrale et mystique. Une hospitalière de l’Hôtel-Dieu changea la vocation de la jeune Dutertre, et la fit admettre à suivre les leçons d’accouchement qui se faisaient à cet hospice. La jeune élève eut bientôt appris tout ce qu’il fallait savoir pour la pratique des accouchemens, et se livra à l’étude de l’anatomie et de la médecine. Reçue maîtresse sage-femme jurée, elle épousa à vingt-trois ans Jean Didiot, sieur de Lamarche. À vingt-quatre ans madame Lamarche obtint le titre de sage-femme en chef de l’Hôtel-Dieu, et se livra à l’enseignement des apprenties dans l’art des accouchemens. Les élèves qu’elle formait et les preuves d’habileté qu’elle donnait journellement lui établirent une grande réputation. À la sollicitation des administrateurs de l’Hôtel-Dieu, elle rassembla et publia, sous forme de catéchisme pratique, les principales connaissances sur l’art des accouchemens, sous le titre: d’Instruc-[108]tions familières et très-faciles, faites par questions et réponses touchant toutes les choses principales qu’une sage-femme doit savoir pour l’exercice de son art. Cet ouvrage est dédié à haut et puissant seigneur, messire Guillaume de Lamoignon, chevalier de Basville, etc. La première édition de ce livre, imprimée en 1677, est fort rare aujourd’hui; une deuxième, imprimée en 1710, a été augmentée d’une foule de recettes puisées sans choix dans l’ouvrage de Bourgeois (Voyez ce nom). Le livre de madame Lamarche a été composé uniquement à l’intention des sages-femmes. En reproduisant ici les préliminaires de ce livre, nous mettrons nos lectrices à même de juger de la considération que portait madame Lamarche à la profession qu’elle exerçait. Elle dit qu’une sage-femme doit être vertueuse et experte pour accoucher et délivrer les femmes, et pour les soulager dans le temps de leur accouchement. Une sage-femme doit être vertueuse, afin qu’elle ne se laisse jamais corrompre, et qu’elle garde invariablement les secrets qui lui sont confiés. Une sage-femme se corrompt en se laissant engager, pour quelque prétexte ou intérêt, à donner des remèdes nuisibles et propres à procurer l’avortement, à supposer des enfans et à en soustraire. Une sage-femme doit être savante et experte, afin de bien exercer sa profession, et de ne point commettre de fautes qui pourraient dans le temps de l’accouchement mettre la femme et l’enfant en danger.
Tout le savoir de madame Lamarche est d’avoir su ramener l’art des accouchemens à des questions pratiques faciles à saisir et clairement résolues. L’auteur s’est surtout attachée à bien détailler les différens cas qui se présentent dans l’accouchement naturel, mais parle très-succinctement [109] des accouchemens contre nature, et du mécanisme pratique de cette opération. Il semblerait, en lisant l’ouvrage de madame Lamarche, qu’elle accouchait presque également par la tête et par les pieds. Quelque habileté et quelque adresse qu’on suppose à cette célèbre sage-femme, nous n’admettons point le talent dont elle se prévaut dans son livre. Dans ce livre tout élémentaire, les diverses positions du foetus sont bien indiquées, mais les manoeuvres à employer sont mal exposées. L’auteur ordonne de déchirer les membranes si elles sont trop fortes, pour hâter l’accouchement; mais on ne saurait lui tenir compte de cette recommandation. Elle dit avoir vu un utérus double. L’ouvrage de madame Lamarche est divisé en trois parties. La première a pour objet: les choses que la sage-femme doit savoir, qui précèdent l’accouchement; la seconde: les choses qui arrivent dans le temps de l’accouchement, dont la sage-femme doit avoir connaissance; la troisième: les choses qui suivent l’accouchement, dont la connaissance est nécessaire à la sage-femme. Ce livre fut approuvé par une commission de docteurs régens à la faculté de médecine de Paris. Cette espèce d’approbation par des hommes même qui n’ont rien fait pour la postérité, prouve évidemment qu’entre les mains des femmes l’art des accouchemens a presque toujours été censuré, même souvent sans connaissance de cause.
Madame Lamarche est morte, en 1706, à l’Hôtel-Dieu, qu’elle ne quitta jamais, même durant la vie de son mari.