Madeleine de Boullongne/André Félibien
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[Notice «Boulogne, Louis»]
[64] LOUIS BOULOGNE a exercé la Charge de Professeur. Il a peint quantité d'ouvrages. Un des derniers et des plus considerables est le plafond d'un cabinet, qu'il fit peu avant sa mort dans la maison de M. Le Menestrel alors Tresorier des Bastimens, [65] où Geneviéve et Magdelaine de Boulogne ses filles travaillerent aussi. Il mourut en Juin 1674.
[65, 76] GENEVIEVE ET MAGDELAINE BOULOGNE soeurs; pour le païsage, les fleurs & les fruits.
Entretiens sur les vies... vol. 5
[Neuvième entretien, sur Louis Boulogne]
[161] Boulogne se fit aider dans le ornemens de cét ouvrage par Geneviéve et Magdelaine Boulogne ses filles, qui travaillent encore aujourd'huy de Peinture avec beaucoup d'estime, de mesme que deux fils qu'il a laissez.
[Dixième entretien, sur Louis Boulogne]
[159] Mais pour parler de ce qu'il a fait de luy-mesme [Louis Boullogne], je vous diray que le plus grand ouvrage que j'en aye veû est dans une Maison proche la ruë de Richelieu. Pendant que M. le Menestrel Grand Audiencier estoit Tresorier des Bastimens, il voulut faire orner le platfond de son cabinet de quelques Peintures qui eussent raport aux fonctions de sa Charge. Boulogne representa au milieu de ce platfond Jupiter assis sur un Aigle. A costé, mais un peu plus bas, est Minerve, et audessous Mercure. Il semble que Jupiter ordonne à Minerve d'envoyer Mercure faire des liberalitez, et distribuer des Couronnes de Laurier à ceux qui excellent dans les Arts et dans les Sciences. Pour cét effet le Peintre a representé plusieurs personnes audessus de la Corniche qui regne autour du cabinet, ausquelles, pour les bien faire connoistre, il a [160] donné des marques convenables aux Arts qu'ils professent, et aux Sciences dont ils font leur étude. Mais afin que son ouvrage ne fust pas moins agreable par la diverse disposition des Figures que par la difference de leurs actions, il a fait en sorte qu'il y a toûjours une Figure qui represente quelque habile Homme dans les Arts mécaniques, proche un de ceux qui s'appliquent aux Arts liberaux et aux Sciences les plus élevées. Et comme chacun d'eux envisage differemment l'honneur de la recompense, ceux qui travaillent de la main semblent interrompre leur travail, et font voir par leurs actions de l'empressement à recevoir les liberalitez que Mercure leur distribuë. Les Sçavans dans les Arts liberaux demeurant attachez à l'étude avec un repos et une gravité conforme à leur application, sont dans des attitudes tranquilles, et opposées à celles des autres, ce qui fait un agreable contraste d'actions. Il est vray neanmoins que parmi ces Sçavans on remarque un Poéte qui paroist quiter son ouvrage, et qui regarde en haut une Couronne de Laurier qui semble venir se poser sur sa teste. La joye qui est répanduë dans ses yeux et sur tout son visage, [161] est exprimée d'une maniere qui fait voir que ce n'est pas les pieces d'or et d'argent qu'il considere le plus; mais bien cette Couronne qu'il regarde comme la plus glorieuse récompense de ses veilles et de ses travaux.
Enfin tout ce qu'il y a de peint dans ce platfond est judicieusement ordonné, et l'on connoist que l'intention du Peintre a esté de marquer par cette Peinture la grandeur et la liberalité du Roy dans la récompense de la vertu.
Boulogne se fit aider dans les ornemens de cét ouvrage par Geneviéve et Magdelaine Boulogne ses filles, qui travaillent encore aujourd'huy de Peinture avec beaucoup d'estime, de mesme que deux fils qu'il a laissez.