Madame Chevet/Aloïs Delacoux

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[57] CHEVET (la dame), sage-femme jurée à Paris en 1750. Levret, Pusos et Nihell, citent souvent cette sage-femme, leur contemporaine. À l’occasion d’un accouchement funeste qui se présenta dans le cours de la pratique de la dame Chevet, Levret examina un point de doctrine qui de nos jours est loin d’être parfaitement éclairci, bien que les indications pratiques qui s’y rattachent aient [58] été déterminées rigoureusement. Nous voulons parler du décollement du placenta. Quand cet accident est la cause immédiate des hémorragies utérines qui surviennent à la fin de la grossesse, quelles sont les circonstances de ce décollement? Il peut y avoir décollement sans déplacement et décollement avec déplacement. Le diagnostic de l’un et de l’autre cas devant régler la conduite à tenir, il importe donc beaucoup de les déterminer. Le premier cas est plus fréquent, et de nombreux exemples nous en ont été transmis par Platner, Brunet, Hiester, Pusos, Portal et beaucoup d’autres; le second, quoique rare et exceptionnel, aurait été observé par Lamotte, Peu, Moriceau et Viardel. C’est principalement lors de la présence du placenta à l’orifice de l’utérus, dans les cas d’hémorragie, que ces divers auteurs ne sont pas d’accord. Selon les derniers, très-souvent le placenta s’est détaché des points supérieurs postérieurs de la matrice et s’est précipité vers son orifice; ainsi, d’après leur opinion, il y aurait déplacement de l’oeuf et changement de position et de rapports des parties. Ce raisonnement porte tout-à-fait à faux. Ce mouvement de rotation ne pourrait avoir lieu qu’autant que l’oeuf serait libre dans la matrice, et d’une forme parfaitement sphérique, ce qui n’est point; et comme la capacité de la matrice et le volume de l’oeuf tant que les eaux ne sont point écoulées, sont exactement en rapport immédiat; l’oeuf étant immobile, le placenta, en quelque point qu’il soit, ne peut donc point se déplacer pour venir se présenter à l’orifice de la matrice.

Lorsque le placenta se rencontre à ce même orifice, c’est que son implantation s’y est effectuée primitivement, et qu’alors au terme de la grossesse le décollement est inévita-[59]ble de même que l’hémorragie, l’un et l’autre phénomènes résultent alors d’un travail commençant. Du plus tôt au plus tard voici ce qui a lieu: tant que le col de la matrice reste fermé, tout se passe régulièrement; mais, aussitôt que la dilatation commence, une partie de la surface externe ou adhérente du placenta est abandonnée, et cette partie devient d’autant plus grande que la dilatation est plus considérable; comme cette dilatation continue, les adhérences du placenta au pourtour du col se rompent: de là l’hémorragie commençante, laquelle persiste et augmente en raison directe de la dilatation. Viennent ensuite les contractions de l’utérus, qui poussent les eaux sur la partie du placenta qui n’a plus d’appui, font poche à l’ouverture du col, et en imposent souvent aux accoucheurs et aux sages-femmes peu expérimentés. Tel fut le cas où se trouva la dame Chevet.

Levret dit à cette occasion que le tomentum faisait saillie, de sorte que la sage-femme croyait à une môle vésiculaire. Le même auteur ajoute que vainement il chercha le point du décollement, bien qu’il admette ici décollement véritable. Pour nous, le décollement n’existe point, mais il y a rupture des adhérences du pourtour du col au placenta.

En telle occurrence, l’accouchement devînt-il rigoureusement nécessaire, l’indication la plus rationnelle est de percer les membranes à travers le placenta, pour faire écouler les eaux; l’accouchement ou l’expulsion de l’enfant peut ensuite être abandonné à la nature, ce qui ne se fait jamais attendre plus de 12 à 24 heures. C’est en procédant de la sorte qu’on remédie à l’hémorragie et qu’on prévient une foule d’accidens consécutifs à des manoeuvres violentes et de longue durée. Les auteurs de nos jours ne se sont peut-être [60] pas assez étendus sur cette série de questions de doctrine.

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