Jeannette Gallien/Aloïs Delacoux
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[157] WYTTENBACH (JEANNETTE GALLIEN, madame), née à Hanau le 31 décembre 1773. Son père Jean-Louis Gallien, né à Paris, avait fondé, à Hanau, une école de dessin dont il était le directeur et le professeur. Il jouissait de la réputation de savant et habile dessinateur, surtout en anatomie. Gallien avait eu l’attention de donner de bonne heure l’éducation la plus soignée à sa fille qui encore en bas âge perdit sa mère, Suzanne Wyttenbach, née à Berne.
Dès ses premières années, Jeannette Gallien montra de grandes dispositions pour le dessin et pour l’étude des langues; le français, le hollandais, l’anglais lui devinrent bientôt aussi familiers que l’allemand qui était sa langue maternelle. À l’âge de 18 ans elle eut l’avantage d’être appelée auprès de son oncle Daniel Wyttenbach, né à Berne, un des plus savans hellénistes de son époque, alors professeur de littérature grecque et latine à l’Athénée d’Amsterdam, ensuite professeur dans cette même carrière à l’université de Leyde.
Jeannette Gallien partageait son temps entre l’adminis-[158]tration de la maison de son oncle et l’étude des langues anciennes dont elle acquit une connaissance fort étendue. Deux ans avant sa mort, Wyttenbach épousa sa nièce qui était devenue son intendante, son lecteur, son secrétaire et la compagne la plus affectueuse et la plus assidue. Autant dans le but d’honorer son mérite que le nom de Wyttenbach, la veuve du savant helléniste reçut, en 1827, le diplôme de docteur et maître ès-arts de la faculté de Marbourg.
Dans un dernier voyage en Allemagne sa patrie, madame Wyttenbach alla visiter cette université qui l’avait distinguée l’année précédente d’une manière si honorable. Pour lui témoigner sa reconnaissance, elle fonda quelques prix pour les élèves en médecine et en littérature. Un autre prix fut fondé pour les élèves sages-femmes de la clinique de Marbourg; l’idée de cet acte lui fut suggérée par madame Boivin dont elle avait fait connaissance dans un de ses voyages en France, et pour qui elle conserva une estime et une amitié toute particulière. Une économie sévère pour tout ce qui lui était personnel permit à cette femme, non de faire le bien, mais de le répandre. Modèle de piété et de vertus évangéliques, retirée à la campagne, après les désastres de Leyde, en 1807, elle fut jusqu’à sa mort une providence pour le malheur et l’humanité souffrante, sans aucune distinction de culte.
La société philhellénique de Paris associa à ses travaux madame Wyttenbach; son dévouement et sa générosité envers les Grecs lui avaient mérité cette distinction spéciale. Une simplicité de langage, des manières aisées et un abord facile, eussent fait prendre madame Wyttenbach pour une de ces femmes qui n’ont d’autres dehors que ceux de la bonté. Des études sérieuses dans les langues anciennes avaient, pour [159] ainsi dire, imprimé à son esprit une tendance à ne trouver beau que le beau antique, non-seulement dans ce qui est du modus vivendi, mais encore dans le modus rationis. Aussi dans sa conversation apportait-elle toujours une touche d’hellénisme qui décelait aussitôt une intelligence saturée de dialectes classiques. Cette préférence pour le style ionien principalement s’est montrée dans tout son jour dans un petit ouvrage qu’elle a publié sous le titre de: Theagène au banquet de Leontès. Une imagination toute hellénique se voit encore dans un autre ouvrage ingénieusement composé, sous le titre de: Histoire d’Hermione, les Symposiaques et Alexis. Ces deux livres, publiés en français, ont été traduits en allemand, en hollandais; le dernier l’a été en grec moderne.
Madame Wyttenbach a traduit du hollandais en français une observation très-détaillée et du plus haut intérêt, d’un cas d’absorption du placenta, recueillie et suivie par le docteur Salomon de Leyde. Cette traduction a été recueillie et placée à la suite d’un travail sur le même sujet, publié par madame Boivin. Madame Wyttenbach a encore traduit de l’allemand la partie de l’ouvrage du professeur Busch, qui traite de l’état de l’art des accouchemens en France et en Allemagne.
Pour les sciences comme pour l’humanité, madame Wyttenbach est morte beaucoup trop tôt. Elle vit arriver sa fin avec une tranquillité d’ame dont les esprits les plus forts n’ont point donné d’exemple. La beauté mythologique grecque lui présentait le départ de cette vie comme une scène fort extraordinaire; l’image de notre fin est un enfant qui renverse un flambeau pour l’éteindre. Elle savait trop bien que la vie [160] n’est donnée à l’homme qu’à la condition rigoureuse de la rendre à celui qui la lui a donnée. Une des dernières volontés de madame Wyttenbach, fut de charger M. Hoffmann Perkamp de Leyde, de faire connaître dans une note écrite en latin, à madame Boivin, le résultat de son autopsie. Elle mourut le 26 avril 1830; ses restes furent placés à côté de ceux de son illustre époux, et non loin des cendres de Boerrhave.