Jeanne de Flandre (1295-1374)/Philibert Riballier et Catherine Cosson

[302] JEANNE, Comtesse de Montfort, fille de Louis de Flandres, Comte de Nevers, et [303] femme de Jean IV, Duc de Bretagne, fut élevée de bonne heure à manier les armes, à connoître les meilleures manoeuvres de la guerre, à poursuivre et combattre les animaux les plus féroces et les plus dangereux, à savoir résister aux plus rudes fatigues. Cette mâle éducation lui servit beaucoup lorsqu’elle entreprit de relever la maison de son mari des désastres et des pertes qu’elle avoit essuyés. Devenue veuve, et chargée de la tutelle de son fils, Jeanne attaqua tous ceux qui avoient usurpé ses propriétés légitimes, sur-tout le Comté de Bretagne, et après avoir remporté sur eux plusieurs victoires et sur mer et sur terre, rentra triomphante dans tous les anciens fiefs de la Maison de Bretagne. Elle fit principalement admirer sa valeur héroïque à Hennebon, où elle s’étoit renfermée pour défendre elle-même cette place. Le Comte de Blois, qui en faisoit le siége, ayant ordonné un assaut, cette hardie Princesse, après avoir donné de bons ordres pour le soutenir, sortit par un endroit que les assiégeans avoient négligé d’investir, et, suivie seulement de soixante hommes choisis, alla brûler les tentes, les provisions, et tout ce qui se trouvoit dans le camp ennemi. Quelques jours après, ayant été au-devant d’un secours de cinq cens chevaux qui lui arrivoit, elle se mit à la tête, força les lignes des François, rentra dans Hennebon, et avec ce nouveau renfort, se vit en état d’attendre que les Anglois vinssent l’aider à faire entiérement lever le siége.