Henriette de Savoie/Hilarion de Coste
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[I,801] HENRYE DE SAVOYE (1), DUCHESSE DE MAYENNE.
HONORAT de Savoye Comte, puis Marquis de Villars, Mareschal et Amiral de France, second fils de René legitimé de Savoye, Comte de Villars, Grand Maistre de France, Gouverneur et Lieutenant general pour le Roy en Provence, et d'Anne Comtesse de Tende (2), qui estoit issue de l'Imperiale Maison de Lascaris, laquelle a possedé l'Empire d'Orient ou de Constantinople, épousa Françoise de Foix, fille unique et seule heritiere d'Alain de Foix Vicomte de Chastillon, et de Françoise de Montpesat, dont il a eu aussi une seule fille unique et heritiere. Henrye de Savoye Dame fort chaste et honneste, qui a esté recherchée en mariage par plusieurs Princes et Seigneurs, tant pour ses vertus et ses merites, que pour ses grands biens et ses richesses.
Elle avoit esté soigneusement nourrie et élevée à la vertu et à la pieté par son pere l'Amiral de Villars, fidele serviteur de nos Rois, et grand defenseur de la Religion Catholique, duquel le nom est celebre en l'Histoire pour sa valeur et sa generosité, auquel le Roy Charles IX. donna la charge d'Amiral de France, vaquante par la mort de l'Amiral de Chastillon, tué aux Matines de Paris l'an 1572.
Henrye de Savoye estant en l'aage où la coustume veut que l'on marie les filles, on songea à luy choisir un mary qui fut digne d'estre gendre d'un Mareschal de France. Enfin elle fut mariée, et par les voeux du public, et par les diligences de son pere et de ses tantes paternelles Magdelaine Duchesse de Montmorency, Marguerite Comtesse de Ligny et de Brienne, et Isabelle Comtesse du Bouchage, avec Melchior des Prez, Seigneur de Montpezat (3), et du Fou en Poitou, Lieutenant general du Roy au Gouvernement de Guyen-[802]ne, et Seneschal de Poitou, fils d'Antoine des Prez, Seigneur de Montpezat Mareschal de France, duquel elle eut cinq enfans, deux fils, et trois filles, sçavoir
Emanuel des Prez, dit de Savoye, Marquis de Villars, mort pour le service de Dieu et du Roy Louys XIII. au siege de Montauban l'an 1621. sans laisser des enfans de sa femme Leonor de Thomasin, fille de René de Thomasin, dit de saint Barthelemy, Seigneur de Montmartin, et de Jeanne de Vaudetar sa femme. Cette Dame de la Maison de Thomasin en Lyonnois, et qui possedoit plusieurs belles terres en Daufiné, avoit épousé en premieres noces Claude de Vergy Gouverneur du Comté de Bourgongne pour le Roy d'Espagne.
Henry des Prez Marquis de Montpezat n'a point eu aussi de lignée de Susanne de Grandmont, fille d'Antoine Comte de Guische. Les grandes charges ausquelles ces deux Seigneurs là ont esté appellez, sont des veritables preuves de l'estime que le monde a fait de leur courage et de leur fidelité.
L'aisnée des filles s'appelloit Magdelaine des Prez, mariée à Rostan de la Baume (4) Comte de Suze en Daufiné, dont elle a eu plusieurs enfans, entre autres Messieurs le Comte de Suze, et l'Evéque de Viviers.
Leonor des Prez la 2. est encor vivante, veuve de Gaspar de Pontevez (5), Comte de Carces en Provence, duquel elle a eu deux enfans Jean de Pontevez aussi Comte de Carces, et Lieutenant pour le Roy au Gouvernement de Provence, et Marguerite de Pontevez veuve de Guillaume de Simiane Marquis de Gordes, Chevalier des Ordres du Roy, et premier Capitaine des gardes du corps de sa Majesté.
Gabrielle des Prez, 2. femme de Jean de Saulx (6), Vicomte de Tavanes et de Ligny, fils puisné de cet Heros Gaspar de Saulx Seigneur de Tavanes, Mareschal de France, et Gouverneur de Provence, dont elle a eu plusieurs enfans, 4. fils et 3. filles, sçavoir Henry Marquis de Mirebel: Jaques Vicomte de Ligny, mort devant Montauban, neuf jours aprés le Duc de Mayenne son oncle maternel: Melchior de Saulx: Lazare-Gaspar de Saulx. Claude de Saulx mariée [803] au Comte de Barrault: Anne de Saulx mariée au Comte de Bueil; et Jeanne de Saulx Religieuse.
Melchior Marquis de Montpezat, premier mary de Henriette de Savoye estant decedée cette Dame, quoy que mere de cinq enfans fut recherchée en secondes noces pour sa haute vertu, et pour les belles terres dont elle jouissoit, par plusieurs Princes et Grands de ce Royaume; car elle estoit Comtesse de Montpezat, Vicomtesse de Chastillon, Baronne d'Aiguillon, de Magdailan, de saint Liarade [Sainte-Livrade?], Captale de Buch, et Dame de plusieurs autres riches Seigneuries en Agenois, en Gascogne, en Bourdelois, et en d'autres Provinces.
Ce fut Charles de Lorraine Duc de Mayenne, Pair, et Grand Chambellan de France (digne fils de François Duc de Guyse, et d'Anne de Ferrare) qui eut le bon-heur d'épouser cette tres-sage et tres-riche Dame, qu'elle prefera à tous ceux qui la demandoient en mariage: le choix en fut aisé; car il avoit en gros ce que tous ses competiteurs ne possedoient qu'en détail, effaçant comme un grand astre la lueur de ces moindres estoilles. Tous les autres Seigneurs ayant sceu que cette Dame avoit de l'affection pour ce genereux Prince, frere puisné de Henry Duc de Guyse, et qui avoit beaucoup acquis de gloire aux sieges de Poitiers contre les Huguenots, et de Navarrin en Grece contre les Infideles, ne voulurent contester un tel prix avec luy, car il n'y avoit point de honte de luy ceder; estre devancé de ce Prince, estoit une espece d'avantage, et estre vaincu, une maniere de victoire.
Le contract de mariage fut passé à Paris le 23. de Juillet 1576. (7) en presence du Roy Henry III. des Reynes Caterine et Louise, des Cardinaux de Bourbon et de Guyse, de Jacques de Savoye Duc de Nemours, et de sa femme Anne d'Est mere du Duc de Mayenne, de Henry de Lorraine Duc de Guyse son frere, et de Charles de Lorraine Duc d'Aumale son cousin, et de plusieurs Seigneurs et Dames de la Cour. Elle eut de ce Prince quatre enfans, deux fils, et deux filles, sçavoir
Henry de Lorraine Duc d'Aiguillon et 2. Duc de Mayenne aussi Pair et Grand Chambellan de France, qui vint au monde le 20. Decembre de l'an 1578. à Dijon, et fut baptisé [804] en la sainte Chappelle de la mesme ville, au mois de Fevrier de l'année suivante. Ce Prince qui porta le nom de Henry que luy donna le Roy Henry III. son parrain, a esté l'un des plus hardis et des plus genereux Princes de ce siecle, comme il a fait paroistre en plusieurs occasions, au siege de Laon, et depuis en celuy de Soissons, où estant assisté d'une florissante Compagnie de Noblesse, il s'enferma pour soutenir le siege contre une armée Royale, commandée par le Comte d'Auvergne, à present Duc d'Angoulesme: Mais comme il estoit resolu de se defendre; et de mourir à la bresche, la pique ou la pertuisane à la main, plustost que de souffrir la honte d'estre exposé en triomphe à la risée de ses ennemis: Ce siege fut levé par la mort de celuy que l'on disoit estre l'autheur de cette guerre, qui fut tué à Paris sur le pont du Chasteau du Louvre le 24. d'Avril 1617. Cinq jours auparavant que le siege fust levé, ce Prince acquit bien de la gloire estant sorty tambour battant, traisnant deux canons aprés luy, ayant battu et forcé à un quart de lieue de Soissons le brave Bussi Lamet dans son quartier (8), défait son Regiment, pris le Mestre de Camp et les Capitaines avec leurs drapeaux qu'il avoit arborez sur les murailles de cette ville là. Le Grain et quelques autres Historiens ont écrit que ce Prince Lorrain en ayant receu le premier la nouvelle par une lettre que le feu Roy mesme luy en écrivit, l'envoya au Comte d'Auvergne: mais ils en parlent à veue de pays; car Monsieur le Duc d'Angoulesme, (lors Comte d'Auvergne) eut cette nouvelle par un commis du President de Chevry sur les neuf heures du soir (9), puis sur les quatre heures du matin le sieur de Tavanes arriva de la part du Roy, et le Comte l'envoya dire au Duc de Mayenne, qui estoit bien adverty dés le soir auparavant de la mort du Mareschal d'Ancre, par un nommé Saint Martin que Mr. le Cardinal de Guyse luy envoya; mais il n'en eut nouvelles du Roy que le lendemain à midy.
Le Roy Louys XIII. ayant declaré la guerre aux Rebelles de la Religion Pretendue Reformée ce Prince rendit de notables services à sa Majesté aux Provinces d'Agenois et de Gascongne, où les villes de Layrac, de Mas de Verdun, de Mauvezin, de l'Isle Jourdain, de Corbejaux, d'Albias, de Realville, de Negrepelisse, [805] de Caussade, de Bourniquet, et autres esprouverent ce que peut un courage animé du zele de sa Religion; ce qu'il continua jusques à ce qu'il fust tué pour le service de Dieu et du Roy le 17. Septembre 1621. devant Montauban, au grand malheur de la France; aussi son nom est en benediction parmy les François, qui témoignerent l'affection qu'ils luy portoient par les regrets qu'ils firent à son decés, estant pour son courage, sa candeur, sa franchise digne d'une plus longue vie. Les honneurs funebres que l'on rendit à sa memoire en plusieurs Eglises et Chapelles font voir le regret de sa perte. Cet Heros estoit aussi justement regretté pour n'avoir point laissé d'enfans de sa femme Henriette de Gonzague de Cleves, tres-vertueuse Princesse, qui mourut en couche l'an 1601. comme j'ay dit en l'Eloge precedent. Il avoit eu plusieurs honneurs durant sa vie: Le Roy Henry le Grand erigea Aiguillon en Duché et Pairie en sa faveur, et l'envoya son Ambassadeur extraordinaire vers les Archiducs Albert et Isabelle; et le Roy Louys XIII. et la Reyne sa mere l'envoyerent aussi Ambassadeur extraordinaire en Espagne vers le Roy Philippe III. pour demander à sa Majesté Catholique Anne Infante d'Espagne sa fille aisnée pour femme de ce Monarque, où il receut encore de plus grands honneurs. Il a esté grand Chambellan de France, Gouverneur de l'Isle de France, et depuis de Guyenne. Le Pere Bourdon Religieux Augustin et Docteur de la Faculté de Paris a fait une Oraison funebre en la Chapelle des Penitens bleus de Tolose, dans laquelle il a publié les vertus de ce Prince.
Le 2. des fils d'Henriette de Savoye et de Charles de Lorraine Duc de Mayenne, estoit Charles Emanuel de Lorraine Comte de Sommerive, qui eut pour parrain Charles Emanuel I. Duc de Savoye; il nâquit à Grenoble l'an 1581. au grand contentement des Daufinois, qui par les courses de bagues, les festins, les balets et les carouzels firent voir la joye qu'ils avoient pour la naissance de ce Prince, 2. masle du Duc et de la Duchesse de Mayenne, qui se firent aymer en cette Province là, non seulement des Catholiques, mais aussi de ceux de la Religion Pretendue Reformée qui appelloient le Duc de [806] Mayenne le Prince de la Foy, tant il faisoit estat de maintenir sa parole. Le Comte de Sommerive fit paroistre son adresse devant Henry le Grand, au beau balet à cheval qui se fit en la court du Chasteau du Louvre au mois de Fevrier de l'an 1606. où il estoit le Chef des Chevaliers de l'air. Il mourut l'an 1609. à Naples d'une fiévre qui l'emporta en peu de jours, revenant de Malte, où il estoit allé chercher quelque occasion pour exercer son courage, au grand regret des siens, qui perdirent ce Prince bien nay en la fleur de ses ans, et au fort d'une ambition martiale, qui l'avoit honorablement éloigné des douceurs de son pays, pour luy faire chercher de la gloire dans les terres étrangeres: car si ce Prince eust vécu il n'eust pas acquis moins d'honneur par sa valeur et son courage, que son parent l'incomparable Henry de Lorraine Comte d'Harcourt Grand Escuyer de France, et Viceroy de Catalogne, la terreur et l'effroy des ennemis de cet Estat, qu'il a battus glorieusement aux Isles de saint Honorat, et de sainte Marguerite, à Cazal, à Turin, et à Rose.
L'aisnée des filles estoit Caterine de Lorraine Duchesse de Nivernois (femme de Charles I. Duc de Mantoue, et mere de Louyse-Marie Reyne de Pologne) de laquelle l'Eloge se trouve dans les vies des illustres Caterines.
La 2. des filles s'appelloit Renée de Lorraine, que feu Monsieur de Laval (qui mourut en Hongrie sur la fin de l'an 1605.) devoit épouser; mais aprés le decés de cet Heros, elle a esté mariée à Marie Sforce Duc d'Onano, dont elle a eu un fils. Cette Princesse qui aymoit les belles lettres, et les plus chers nourrissons des Muses, est decedée à Rome l'an 1638. où elle a receu les honneurs de la sepulture dans l'Eglise de la Maison Professe des Peres Jesuites, dite le JESUS.
Henriette Duchesse de Mayenne éleva avec ses filles cette tres-pieuse Heroïne Anne de Caumont Duchesse de Fronsac, et Comtesse de Saint Paul (dont la vie est écrite dans les Eloges des Annes illustres) depuis qu'elle fut livrées par sa mere au Duc de Mayenne: car Marguerite de Lustrac Dame de Caumont, aprés la mort de son gendre le Prince [807] de Carency de la Maison de la Vauguion, supplia Charles Duc de Mayenne qui estoit en Guyenne (où il faisoit la guerre pour le Roy Henry III. aux Religionnaires rebelles) de luy accorder en mariage son fils aisné pour sa fille, elle luy presenta la carte blanche pour en user comme il voudroit. Les affaires de la guerre ne permirent pas au Duc de Mayenne de s'y resoudre, ny de faire autre réponse, sinon que son fils estoit jeune, et desiroit qu'il apprist à servir les femmes premier que de leur commander; mais comme elle vid qu'il estoit sur le poinct de retourner à la Cour, elle renouvella avec plus d'ardeur cette poursuite, adjoustant que dés à present elle luy remettoit le Chasteau de Caumont, et de considerer qu'il seroit mal-aisé de rencontrer une plus grande commodité, leurs biens estans enclavez les uns dans les autres, il sembloit qu'ils deussent estre reunis en une mesme Maison, comme ils en estoient sortis. Il ne voulut pas negliger cette occasion, et y alla d'autant plus vertement qu'on luy donnoit avis que le Vicomte de Turene, nouveau Religionnaire (depuis Duc de Bouillon et Mareschal de France) le vouloit prevenir: Il se presenta au Chasteau où estoit la Princesse de Carency, fille de la Dame de Caumont, dit à celuy qui en avoit la garde qu'il estoit là pour la recevoir comme la promise de son fils: elle fut amenée à la porte, montée dans le carosse de la Duchesse de Mayenne, et conduite à Luzignan; et tout cela se fit si doucement, qu'il n'y eut ny coup ny parole donnée mal à propos. Le President de Thou (comme j'ay remarqué en la vie de la Comtesse de Saint Paul) en parle en faveur de Monsieur de Mayenne.
Je n'ignore point que cette action dépleut au Roy Henry III. et que les interessez dirent que c'estoit un pur ravissement: il s'en offensoit par cette raison qui ne permet pas aux Princes de marier leurs enfans sans son consentement: le Duc et la Duchesse de Mayenne disoient que leur intention n'avoit point esté de l'offenser, mais d'empescher et prevenir les desseins qui pouvoient fortifier et authoriser les ennemis de sa Majesté, et ne defaillir à eux-mesmes. Ils envoyerent au Roy pour le supplier de ne le trouver pas [808] mauvais, d'autant que les considerations generales de son service y avoient eu autant ou plus de part que les leurs particulieres: il ne se contenta point de cela, et commanda que la Princesse de Carency ou Marquise de Fronsac fust mise en liberté: le Duc et la Duchesse de Mayenne remonstrerent que ce qu'ils avoient fait estoit sur le consentement de la mere, et des plus proches parens, que c'estoit la femme de leur fils, et ne pouvoit estre en meilleure main qu'aux leurs, que le Roy s'offensoit du service qu'on luy avoit rendu, parce que ce mariage ramenoit en son obeissance plusieurs bonnes places de Guyenne qui appartenoient à cette heritiere. Il fut arresté que la Marquise seroit remise entre les mains de la Reyne Louyse, et que la Reyne la remettroit en celles de la Duchesse de Nemours, mere du Duc de Mayenne: ainsi cela fut accommodé. Depuis la Duchesse de Mayenne eut tousjours auprés de sa personne la Marquise de Fronsac, qu'elle éleva avec ses filles, et prit le soin de la faire instruire en la Religion Catholique, aprés luy avoir osté sa Gouvernante et ses Demoiselles qui faisoient profession de la Religion Pretendue Reformée. Ce n'est pas une petite gloire à Henrye de Savoye Duchesse de Mayenne d'avoir fait embrasser la vraye Religion à Anne de Caumont Comtesse de Saint Paul, qui a tant fait de bonnes oeuvres aprés sa conversion à la foy Catholique.
Cette Princesse de la Maison de Savoye estoit fort sage et fort devote. La pieté luy a tousjours fait une fidelle compagnie; son Hostel estoit un seminaire de vertu, une pepiniere de devotion, et comme l'Academie de la gloire. Il y a encore plusieurs personnes en vie qui ont eu le bon-heur de voir cette vertueuse Princesse, et qui sçavent le bel ordre qui estoit en sa Maison. La probité, la modestie, la chasteté, l'humilité, la prudence, la charité et la temperance ont esté les vertus qui l'ont rendue plus recommandable. Pour preuve de cela, je rapporteray deux exemples fort notables de sa temperance, d'où nous pouvons recueillir la disposition de son esprit és autres parties de cette vertu là. Cette Princesse se trouvant en Gascongne, où elle possedoit de grandes et de riches Seigneuries voisines d'un [809] celebre Monastere de filles, dit le Paradis, Religion digne de ce beau nom, (tant à cause du Fondateur nommé Herman de Paradis, comme aussi parce que cette Maison là ne respire que le Ciel) cette Duchesse ayant la permission du Pape d'entrer aux Maisons des Religieuses, ne voulut jamais user de son pouvoir, afin que son exemple servist de barriere à tout le pays, faisant entendre que les vierges voilées ne devoient pas estre veues des hommes, puis qu'elles se sont consacrées à la divinité comme épouses de JESUS CHRIST.
L'autre a esté à Soissons y ayant favorisé d'un grand zele l'Evéque Hierôme Hennequin en la juste severité, qui le porta à l'entiere closture des Religieuses de tout son Diocese, sçachant que la femme peut d'ordinaire plus exceder en malfaisant, qu'exceller aux bonnes oeuvres. Ce bon Prelat donc veillant sur son Troupeau, jugeoit tres-bien que la fragilité de ce sexe là, mesmement en la jeunesse, et singulierement en ce temps corrompu a besoin pour sa tutelle d'un mary, ou d'un mur: c'est pourquoy il renouvella l'ancienne discipline de la closture: surquoy il recevoit plusieurs empeschemens que cette Duchesse avec le Duc son mary retrancherent de tout leur pouvoir, arrestant par authorité et par de belles remonstrances quelques jeunes Seigneurs, qui ne consideroient pas assez l'importance de cette profanation des Temples vivans de Dieu, en presence duquel on s'essaye de commettre ces execrables sacrileges, qui crient vengeance contre nous, et attirent l'indignation du Ciel.
Cette Princesse et le Duc son mary, ont laissé des marques de leur pieté et de leur liberalité en plusieurs Eglises de Soissons, entre autres à celles de sainte Caterine Vierge et Martyre, ou des Minimes: aussi en reconnoissance de leurs biens faits, il ont esté declarez Fondateurs du Convent de Soissons, avec le commun consentement des Religieux qui assistoient au Chapitre General tenu l'an 1605. (10) au Convent de JESUS MARIA, prés de Génes, auquel presidoit le Reverend Pere Pierre Hebert, François, XXXII. General de l'Ordre, dont le nom est en benediction parmy nous (11).
[810] Elle assista tres-charitablement les pauvres honteux qui estoient en cette ville là, où non seulement sa memoire est venerable pour ses vertus, mais aussi à Dijon, à Grenoble, et aux autres, où elle a fait son sejour avec le Duc son mary, que plusieurs ont loué pour avoir esté homme de bonne foy, Prince tres-avisé, et tres-grand Capitaine, et qui n'a jamais hay le Roy Henry IV. et le Royaume. Elle véquit en grande paix et amitié avec ce sage Prince, qui mourut au commencement d'Octobre de l'année 1611. estant de retour d'un pelerinage qu'il venoit de faire à Nostre-Dame de Liesse (12). Cette bonne Princesse voyant son mary si malade tomba aussi en indisposition pour la crainte qu'elle avoit de le perdre: mais depuis son decez, elle fut si touchée de la perte de ce bon Prince, (de qui on dit qu'elle ne s'estoit jamais non plus éloignée que Mercure de son Soleil) que peu de jours aprés sa mort elle rendit son ame à Dieu, ayant receu les Sacremens avec ferveur: tellement que leurs corps n'eurent qu'une méme ceremonie, et pompe funebre à saint Gervais de Soissons, où Monsieur l'Evéque de Soissons, Hierôme Hennequin fit les obseques, et le Reverend Pere Jean Gontery de la Compagnie de JESUS prononça l'Oraison funebre, qu'il a depuis fait imprimer. L'Abbé de Cornar, le sieur de Nervese, et les autres qui ont écrit des Discours funebres, ou la vie de Charles Duc de Mayenne, parlent tousjours avec Eloge de cette vertueuse Princesse sa femme qui estoit cousine issue de germaine du Roy Henry le Grand. Anne de Caumont Comtesse de saint Paul, ayant appris à Amiens la nouvelle du decez de cette Princesse, et du Duc Mayenne son mary; leur fit rendre les derniers devoirs par des pompes funebres, en l'Eglise de Nostre-Dame, par reconnoissance d'avoir esté convertie par leurs soins, à la Religion Catholique.
(1) Savoye, blazonné page 280.
(2) Tende, de gueules, à l'Aigle esployée d'or, qui est de l'Empire de Constantinople ou de Lascaris party de gueules, au chef d'or qui est de Tende.
(3) Des Prez Montpezat, d'or, à trois bandes de gueules, au chef d'azur chargé de 3. molettes d'argent: Les autres disent de gueules à trois estoiles d'or.
(4) La Baume, d'or, à trois chevrons de sable, au chef d'azur chargé d'un lyon naissant d'argent, couronné d'or, et lampassé de gueules.
(5) Pontevez, de gueules, à un pont d'or de deux arcades.
(6) Saulx, d'azur, au lyon d'or, armé de gueules; et pour devise, Vicit leo de tribu Juda.
(7) Le contract fut passé par devant Fauquelin et Croizet, Notaires au Chastelet de Paris.
(8) Le Seigneur de Bussi Lamet a rendu depuis par sa valeur de signalez services au feu Roy Louys XIII.
(9) Ils en furent tous deux advertis en mesme temps.
(10) La Novius in Chronico Minimorum Generali.
(11) Le Convent des Minimes de Soissons reconnoist poour premier Fondateur le Venerable Pere Pierre Moreau, de bien-heureuse memoire.
(12) Le coeur de Charles Duc de Mayenne, fut porté en l'Eglise des Minimes de Soissons.