Georgette de Montenay
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Georgette de Montenay | ||
Titre(s) | Dame de Saint-Germier | |
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Conjoint(s) | Guyon du Gout [du Goust] (avant 1520-février 1574), sire de Saint-Germier, gouverneur du Férenzaguet | |
Biographie | ||
Date de naissance | Vers 1540, en Normandie | |
Date de décès | Décembre 1606 ou début1607 au château de Saint-Germier | |
Notice(s) dans dictionnaire(s) ancien(s) | ||
Dictionnaire Pierre-Joseph Boudier de Villemert (1779) | ||
Dictionnaire Fortunée Briquet (1804) | ||
Dictionnaire Philibert Riballier et Catherine Cosson (1779) |
Sommaire
Notice de Régine Reynolds-Cornell, 2012
Georgette de Montenay est née en Normandie vers 1540, de Jacques, sire de Montenay, baron de Garancière et de Baudemont, vicomte de Fauguernon, et d’Isabeau d’Estouteville, issus de vieilles familles nobles de la province, mariés en 1527. Les documents testamentaires attestent la mort des deux époux en 1548, ainsi que le legs des biens de leur fils aîné, Philippe de Montenay, tué en 1553 au siège de Thérouanne, à ses trois sœurs. Georgette, la benjamine, hérite alors du château de Fauguernon. Ce bien constitue sa dot lorsqu’elle épouse, en Normandie, vers la fin de 1561 ou au tout début de 1562, Guyon du Gout, né peu avant 1520 d’une bonne et ancienne famille gasconne, militaire et diplomate au service de la famille royale.
Après la paix d’Amboise (1563), le couple quitte la Normandie pour la Gascogne, s’installant à Saint-Germier (Gers). Dans une lettre à Catherine de Médicis, écrite à Pau et datée du 24 septembre 1563, Guyon indique avoir remis ses lettres à la reine de Navarre, en même temps que son appel à tempérer ses ardeurs religieuses (Jeanne d’Albret avait, un an plus tôt, proclamé le calvinisme religion officielle de son royaume). Les Estouteville ayant des liens de parenté avec les Albret, Georgette de Montenay est vite reçue à la cour de Navarre, où l’on se livre à des divertissements artistiques, jeux de mots, emblèmes, chansons, énigmes… autour d’une reine férue de poésie. Sans doute penchait-elle déjà vers la Réforme avant de quitter la Normandie, où vivaient de nombreux convertis. Il est toutefois vraisemblable que c’est après son arrivée dans sa nouvelle demeure, et encouragée par ses nouveaux amis, qu’elle a entrepris la rédaction de ses emblèmes, c’est-à-dire des ensembles faits d’une maxime, d’une gravure et d’un poème. C’est la première fois qu’une femme utilise l’emblème dans un contexte religieux. Dans la dédicace à Jeanne d’Albret, elle indiquera ce qui l’a inspirée: «Alciat feit des emblemes exquis,/ Lesquels voyant de plusieurs requis,/ Desir me prit de commencer les miens,/ Lesquels je crois estre premiers chrestiens.» (115-118). Chacun des 100 emblèmes est bâti autour d’une citation en latin généralement tirée de la Vulgate, inscrite en haut de la gravure qui l’illustre, celle-ci étant suivie d’un huitain décasyllabique qui la commente.
Le recueil est achevé lors du séjour qu’elle fait à la cour de France dans l’entourage de la reine de Navarre, fin 1566-début 1567. Dédicataire du volume, Jeanne d’Albret l’a aussi vraisemblablement financé. Le privilège d’imprimer est accordé en octobre 1566 au protestant lyonnais Philippe de Castellas. Un autre protestant, l’excellent artiste Pierre Woeiriot, est chargé de «pourtraire, graver et entailler les figures en cuyvre et taille douce» des dessins, ainsi que le portrait de la reine de Navarre, sujet du premier emblème, et celui la poétesse. Ce dernier est suivi d’un huitain signé d’une anagramme, Gage d’or tot ne te meine, qui suggère que sa principale joie n’est pas dans le gain, mais dans la célébration de la gloire de Dieu. Le volume ne paraît toutefois qu’en 1571, après la paix de Saint-Germain qui met fin à la troisième guerre civile et religieuse.
Bien qu’affichant sa foi protestante, Georgette de Montenay semble s’être bien entendue avec son mari, décrit par Monluc comme un catholique bon serviteur du roi. Dans son testament, écrit en 1573, il souligne qu’il ne lui a jamais reproché ses choix. Après sa mort, en 1574, elle ne quitte pas le domaine de Saint-Germier. Elle y accueille Henri de Navarre, futur roi de France, en 1579. Elle est alors depuis un an, avec nombre de ses voisins, en conflit avec les Chambres de l’Édit [de pacification de 1576], créées pour juger les affaires où étaient impliqués les Réformés. Elle refuse de leur remettre divers documents, mais permet qu’ils soient inventoriés chez elle, en sa présence. Elle en fournira finalement une partie, en 1598, après la signature de l’Édit de Nantes. Elle meurt au tournant de l’année 1606-1607.
Sans doute ses Emblèmes – le seul livre qu’on lui connaisse – ont-ils joui d’une certaine notoriété dans les milieux protestants français et en Navarre, voire plus largement grâce à leurs éditions bilingues latin/français parues de son vivant (1584, 1602) et l’édition polyglotte de 1619. L’œuvre a été rééditée en 1697 et 1717. Georgette de Montenay est encore citée par Fortunée Briquet (1804). Par la suite, elle semble avoir été oubliée jusqu’à ces dernières décennies, où elle a quelque peu bénéficié du renouveau des études sur les femmes.
Oeuvres
- 1571 : Emblesmes ou devises chrestiennes composees par Damoiselle Georgette de Montenay, Lyon, J. Marcorelle, 1571, avec Privilege (cette édition commence par l’épître dédicatoire, «A tresillustre et vertueuse princesse Madame Jeanne d’Albret, royne de Navarre, Georgette de Montenay humble salut», 136 décasyllabes dont le vers 47 est manquant, suivis d’un envoi [«Vostre treshumble & tresobeissante / Subjette, vraye & fidele servante / Que de nommer honte n'ay / Georgette de Montenay»]. Suivent: «Aux lecteurs», 84 décasyllabes; «A Ma Damoiselle Georgette de Montenay, Autheur du livre, son humble serviteur Salut», 18 alexandrins signé P.D.C. [Philippe de Castellas]. Suivent les 100 emblèmes. Pour finir: «A la Reine de Navarre», 2 sonnets suivis d’un quatrain; «A Monseigneur de la Caze, Gouverneur de Monseigneur le Prince de Navarre: Sur l’envoy des six sonnets suivants», huitain suivi de 6 sonnets décasyllabiques; «Epistre sur la conservation du present livre», 72 alexandrins suivis de «Louange a Dieu» et d’un quatrain heptasyllabique, dont le dernier vers est l’anagramme «Gage d’or tot ne te meine»; «Aenigme», monologue de 84 alexandrins écrits à la première personne et au féminin -- Cette édition a été reproduite par Scholar Press, avec Introduction de C.S. Smith, Menston, Royaume-Uni, 1973 -- Voir édition en ligne sur le site Gallica [1].
- 1584 : Georgiae Montaneae, Nobilis. Gallaea, Emblematum Christianorum Centuria, cum eorundem latina interpretatione. Cent Emblemes Chrestiens de Damoiselle Georgette de Montenay, Zurich, Chr. Froschoverum, 1594 (les différences avec l’édition précédente sont: après les 18 alexandrins signé P.D.C., présence de 2 sizains en latin, le premier signé L.C.S., le suivant T.R.A.; le portrait de G. de M., suivi de son huitain. Les emblèmes sont disposés sur deux pages: texte français page paire, gravure et traduction latine [seulement 4 vers] page impaire. Cette édition a été réimprimée en 1602 à Heidelberg, chez Jean Lancelot, sous le titre Georgiae Montaneae, Nobilis Gallaea, Emblematum Christianorum Centuria, cum eorundem latina interpretatione. Cent Emblemes Chrestiens de Damoiselle Georgette de Montenay -- Voir édition en ligne sur le site Gallica [2]
- 1619 : Livre d’Armoiries, En signe de Fraternite, contenant cent comparaisons de vertus et Emblemes chrestiens agences et ornes de belles figures gravees en cuivre premierement descripte en langue francoisse (sic) par Docte Eloquente & Noble Damoiselle Georgette de Montenay. Mais a present R’Augmentes de vers Latins, Espagnols, Italien (sic), Allemans, Anglois & Flamands, Francfort, J.-Ch. Unckel, 1619 (les différences avec l’édition précédente sont: après l’épître et «Aux lecteurs», présence du titre «De Georgetta Montanea Rythmorum Gallicarum et Embelatum inventrice», suivi des 2 sizains signés L.C.S. et T.R.A.; viennent ensuite: une interprétation de l’«anagramma & Symbolum», puis « A lector », suivi de sa traduction en italien, allemand, anglais. Les emblèmes, donnés un par un dans les six langues -- Cette édition a été reproduite par les éditions Amateurs de livres/Bibliothèque interuniversitaire de Lille, avec une Introduction de Simone Perrier, Lille, 1989).
Choix bibliographique
- Labrousse, Elisabeth et Jean Philippe, «Georgette de Montenay et Guyon du Gout, son époux», Société archéologique et historique du Gers, troisième trimestre, 1990, p. 369-402.
- Margolin, Jean-Claude, «Georgette de Montenay, ses Emblèmes ou Devises chrestiennes (1571)», Bibliothèque d’Humanisme et Renaissance, Genève, t. I, 1989, p. 419-423.
- Reynolds-Cornell, Regine, «Georgette de Montenay, Emblèmes ou Devises Chrétiennes (1571)», dans Writings by Pre-Revolutionary French Women, éd. Anne Larsen et Colette H. Winn, Londres/New York, Garland Publishing, 2000, p. 123-136.
- Reynolds-Cornell, Regine, Witnessing an Era, Georgette de Montenay and the Emblemes ou Devises Chrestiennes, Birmingham (Alabama, USA), Summa Publications, 1987.
- Zelula, Jindrich et Robert Clements, «La troisième Lyonnaise: Georgette de Montenay», L’Esprit Créateur, 1965, p.90-101.
Choix iconographique
- 1567 : Portrait de Georgette de Montenay suivi du huitain liminaire, gravure sur cuivre de Pierre Woeiriot -- Georgiae Montaneae, Nobilis. Gallaea, Emblematum Christianorum Centuria, cum eorundem latina interpretatione..., Zurich, Chr. Froschoverum, 1594.
Jugements
- « A ma Damoiselle Georgette de Montenay. Autheur du Livre, son humble serviteur Salut. // De l’Eternel le veuil non content seulement // De t’avoir (o Georgette) assez abondamment // Orné et enrichy de ses dons précieux, // Et des graces qu’on voit reluire aux vertueux, // Pour se faire cognoistre icy bas en tout lieu // Aux Chrestiens zelateurs de la gloire de Dieu, // Il a voulu & veut, cent Emblemes Chrestiens // Estre mis en lumiere: tu les peux dire tiens: // Tiens, je di, pource que l’invention est tienne: // Laquelle, en les lisant, on cognoistra Chrestiene. […] » (Philippe de Castellas, poème non daté, imprimé pour la première fois dans Emblesmes ou devises chrestiennes composees par Damoiselle Georgette de Montenay, Lyon, J. Marcorelle, 1571).