Colette-Marie-Françoise Cifolelli

Notice de Jean-Philippe Van Aelbrouck, 2005

Née à Gand le 14 mars 1764, Colette-Marie-Françoise Cifolelli est la fille du musicien Jean-Baptiste Cifolelli, ancien compositeur de l’Électeur palatin, qui donnera au Théâtre-Italien deux opéras-comiques: L’Indienne en 1770 et Perrin et Lucette en 1774. Lors du séjour de la famille à Paris, à l’occasion des représentations des deux opéras-comiques, Mlle Cifolelli a l’occasion de se produire dans quelques salons, où elle remporte un grand succès. De retour dans les Pays-Bas vers 1775, son père se lie avec le prince de Ligne, pour lequel il compose la musique de l’opéra Céphalide, ou les Autres mariages samnites, représenté à Bruxelles le 30 janvier 1777. La maîtresse du prince, Angélique D’Hannetaire, fille d’un ancien directeur du Théâtre de la Monnaie, accepte de prendre la jeune Cifolelli sous sa protection et de lui enseigner l’art du chant. Le père tente ensuite de la faire entrer au Grand-Théâtre de Bruxelles, sans succès semble-t-il.

Le 14 mai 1777, Cifolelli et sa fille donnent un concert au Théâtre de Maestricht, au cours duquel la jeune chanteuse interprète des airs italiens et français de la composition de son père; le public l’apprécie pour la délicatesse de sa voix. Le 10 mars de l’année suivante, la famille donne un concert remarqué à Amsterdam: Colette chante, l’un de ses frères joue de la mandoline et le cadet, âgé de sept ans, accompagne sa soeur au chant. La famille interprète des airs de La Probité villageoise, petit opéra inédit de Cifolelli, et de l’Orphée et Eurydice de Gluck. Enfin, le 15 mai 1779, Cifolelli obtient l’autorisation de donner des concerts au Théâtre de Lille avec sa famille.

Mlle Cifolelli débute ensuite, le 7 mars 1781, au Théâtre-Italien de Paris, où son père a travaillé comme compositeur: on lui trouve un physique agréable et une voix prometteuse, mais on lui reproche un jeu affecté et un manque d’aisance sur scène. N’étant pas reçue, elle tente sa chance au Concert spirituel où, le 25 mars, jour de l’Annonciation, elle débute en compagnie de Mlle Renaut, sans y laisser non plus un souvenir impérissable.

On signale ensuite son passage à Marseille où, en février 1782, elle chante dans l’opéra-comique de Belleval Psyché esclave de Vénus. Trois ans plus tard, elle débute à Bruxelles le 26 avril 1785 par le rôle de Colombine dans Le Tableau parlant (comédie-parade de Louis Anseaume, musique de Grétry). Elle y rencontre le comédien Jacques-Charles Ricquier, nouvellement engagé lui aussi, qu’elle épousera l’année suivante. Le mariage religieux a lieu le 24 avril 1786, avec pour témoins le directeur du Théâtre de la Monnaie, Jacques-Pierre-Paul Adam, et le père de l’épouse. Dorénavant, Mlle Cifolelli chante les premiers rôles sous le nom de Madame Ricquier. Un premier garçon, Charles-François-Armand, naît le 3 avril 1787.

Le couple passe la saison 1789-1790 à Lille, où Ricquier tient les rôles de jeunes premiers et chante les premières hautes-contres, tandis que son épouse est première chanteuse. Dès les débuts de Mme Ricquier le 21 avril 1789 dans L’Amant statue de Dalayrac, on lui trouve une voix belle et facile, pleine, moelleuse, brillante et légère. Un deuxième fils, Séraphin-Louis-Nathalie, naît le 4 juin 1789. En 1792-1793, Mme Ricquier chante au Théâtre Montansier, puis quitte vraisemblablement Paris pour sillonner la province française. On rencontre en effet le couple à Montpellier où naît, le 24 février 1799, Philippe-Élisabeth. Les époux font ensuite partie de la troupe de Toulon où, le 23 juin 1803, naît Antoine, qui décédera à Bruxelles à l’âge de dix-neuf ans.

On perd momentanément leur trace, avant de les retrouver à Bordeaux en 1817-1818; ils reviennent ensuite à Bruxelles en 1820 y tenir les premiers rôles jusqu’à leur mort, survenue en 1830 pour Mme Ricquier et l’année suivante pour son époux.

Hormis ses qualités de chanteuse, somme toute ordinaires, Mme Cifolelli-Ricquier n’a pas laissé de traces particulièrement marquantes dans le souvenir des spectateurs et des critiques de son temps. Sa très longue carrière témoigne en tout cas de son professionnalisme, acquis en famille et dûment transmis: ses frères, neveux et nièces Cifolelli ont joué d’Anvers à Toulon et de Laval à Genève; ses enfants et petits-enfants Ricquier ont parcouru semblablement la France jusqu’au début du XXe siècle. Aujourd’hui, son nom a disparu des Histoires du théâtre consacrées aux comédiens et comédiennes du XVIIIe siècle.

Jugements

- «La Dlle Cifolelli a débuté hier par les rôles de Lucette dans la Fausse Magie, & de Colombine dans le Tableau parlant. Elle est jeune, bien faite & d’une figure agréable; elle joint à ces avantages celui d’une voix étendue & qu’elle a dirigé avec beaucoup d’art dans plusieurs morceaux, surtout dans celui de l’Ariette de bravoure de la Fausse Magie, où elle a excité les plus vifs applaudissemens. Mais la Dlle Cifolelli a beaucoup à travailler pour réformer les mauvaises habitudes qu’elle paroît avoir contractés [sic], comme les fréquens mouvemens de tête, une maniere de dire affectée & des gestes qui n’annoncent que l’embarras de prendre une attitude naturelle» (Journal de Paris, 8 mars 1781).

- «Les Dlles Renaut & Cifolelli, toutes deux Cantatrices & Débutantes, ont été appréciées, l’une par des transports d’admiration, l’autre par un silence presque général. Mlle Cifolelli n’est peut-être pas sans talens, mais elle a paru dénuée de ces accens qui supposent une ame sensible & tendre, qu’on aime à retrouver dans les personnes de son sexe, & sur-tout de son âge» (Mercure de France, 7 avril 1781).

- «Mlle Cifolelli débuta, le 7 Mars, par les rôles de Lucette dans la Fausse Magie, & de Colombine dans le Tableau parlant. Le lendemain elle joua celui de Belinde dans la Colonie. Si les agrémens de la jeunesse, une jolie taille, une figure agréable, une grande voix conduite quelquefois avec goût, pouvoient suppléer aux qualités nécessaires à une Comédienne, on n’auroit rien eu à reprocher à Mlle Cifolelli; mais il a fallu lui conseiller, entr’autres choses, de rendre ses mouvemens de tête moins fréquens, son débit plus facile, ses attitudes moins forcées & ses gestes plus naturels» (D’Origny, Annales du Théâtre italien, Paris, Veuve Duchesne, 1788, t.II, p.239).