Charlotte Des Essarts/Marguerite Buffet

[257] Eloge de Madame la Maréchale de l'Hopital.

Les Anciens ont tous regardé la fortune somme une aveugle capricieuse qui ne suit pas toûjours le merite de ceux à qui elle presente ses faveurs. Mais bien loin d'avoir fort caressé et fait un grand partage de ses biens à Madame la maréchale de l'Hospital, je soûtiens qu'elle a esté tres-avare à son égard, et que si cette mesme fortune avoit esté plus équitable et plus éclairée, elle auroit sans doute élevée sur le Trône cette illustre Dame, dont la beauté de l'esprit et du corps [258] étoit digne du premier rang. Elle a assez fait connoistre dans les plus importantes actions de sa vie, ce que pouvoit la force et la beauté d'un esprit aussi rare et aussi éclairé que celuy qu'elle possede dans le plus haut degré, apres avoir veu l'agitation d'une foule d'affaires fort épineuses qu'elle a dévelopées avec toute la gloire et l'avantage qu'elle pouvoit souhaiter. Son bel esprit a des lumieres si extraordinaires et si penetrantes, que cette illustre heroïne a toûjours triomphé de ceux qui ont voulu luy faire de l'injustice. Il faut passer plus avant pour estre persuadé de cette verité, qu'il y en a peu dans l'Eu-[259]rope de sa force, pour sa conduite, pour sa vertu, pour ses sciences, et pour tant de belles qualitez qui l'accompagnent. Elle possede encore cet attrait, qui est celuy de sçavoir se faire aimer de tous ceux qui l'abordent, qui est le premier de tous les biens et le plus souhaitable de la vie.