Brunehaut

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Brunehaut
Titre(s) Reine d'Austrasie
Conjoint(s) Sigebert Ier, roi d'Austrasie
Dénomination(s) Brunichilde
Biographie
Date de naissance Avant 547
Date de décès 613
Notice(s) dans dictionnaire(s) ancien(s)


Notice de Sabine Savoye, 2005

Née entre 532 et 547, Brunehaut est la fille d’Athanagild, roi des Wisigoths d'Espagne. En 566, elle épouse Sigebert Ier, roi d’Austrasie, qui recherche une épouse noble et digne de son rang, et elle se convertit au catholicisme, abandonnant l’arianisme. Sa soeur Galswinthe, femme de Chilpéric Ier, roi de Neustrie et demi-frère de son époux, ayant été assassinée à l’instigation de Frédégonde, la concubine de Chilpéric, Brunehaut, qui exerce une forte influence sur la cour austrasienne, pousse Sigebert à faire la guerre contre son frère afin d’obtenir réparation et de récupérer la morgengabe (sorte de douaire) accordée à Galswinthe lors de son mariage. Après de nombreux accrochages, Sigebert est assassiné en 575 (d’après Grégoire de Tours, par Frédégonde), laissant Brunehaut dans une position délicate. Celle-ci est exilée par Chilpéric à Rouen, alors que son fils Childebert II est confié au duc Gundovald, chargé de le faire accepter par les grands d’Austrasie. Elle épouse alors Mérovée, le fils de Chilpéric, qui semble avoir vu dans ce mariage une occasion de renforcer sa position et de devenir roi. Mais celui-ci est capturé puis est assassiné par l’un de ses fidèles. Brunehaut retourne à Metz, où Childebert II vient d’être proclamé roi à cinq ans. Elle joue peut-être un rôle dans l’assassinat de Chilpéric en 584. Soucieuse de maintenir l’autorité royale, elle gouverne au nom de son fils, malgré l’opposition d’une partie de l’aristocratie austrasienne. Proclamé majeur en 585, Childebert II impose son autorité et renforce le pouvoir de sa mère, qui élimine ses rivaux. Le pacte d’Andelot, en 587, fait de Childebert II l’héritier de Gontran, frère de Sigebert, reconnaissant à Brunehaut le droit d’être protégée et de revendiquer la morgengabe de sa soeur. Après la mort de son fils, en 595-596, la reine gouverne au nom de ses petits-fils, Thierry II, roi de Burgondie, et Théodebert II, roi d’Austrasie, tout en soutenant le pape Grégoire le Grand dans sa volonté de réformer l’église austrasienne. Devant l’hostilité des grands d’Austrasie, elle est obligée de se retirer en Burgondie en 599, dans des circonstances confuses. Brunehaut rencontre une forte opposition à la cour de Thierry II, où se trouvent deux opposants, saint Colomban, installé à Luxeuil, et saint Didier, évêque de Vienne. Elle fait condamner le premier en 602, et aurait conseillé à son fils de faire mettre à mort le second. Après le décès de Théodebert II, en guerre avec son frère (612), Thierry II se retourne contre Clotaire II, roi de Neustrie, qui empiète sur son territoire, mais il meurt dès 613. Trahie par les grands d’Austrasie, Brunehaut est livrée à Clotaire, qui la fait exécuter sauvagement, avant de réunifier les trois royaumes à son profit.

Les contemporains de Brunehaut ont laissé d’elle une image très positive. L’admiration de Fortunat, l’adhésion de Grégoire de Tours à son action, les fondations monastiques qu’elle a réalisées à Autun et la demande au pape Grégoire le Grand de lettres d’exemption pour les monastères, le témoignage de Baudonivie, dans sa Vie de sainte Radegonde (vers 609-614), font de Brunehaut la digne héritière des reines chrétiennes de la première moitié du VIe siècle. En revanche, dès la deuxième décennie du VIIe siècle, Brunehaut est victime d’une damnatio memoriae massive. Qualifiée de seconde Jézabel dans l’hagiographie favorable à Clotaire II, elle apparaît comme l’ennemie de saints hommes (Didier de Vienne, Colomban), comme la grand-mère qui favorisa la guerre civile entre ses petits-fils, mais aussi comme reine punie qui périt piétinée par les chevaux de Clotaire II. Devenue, avec Frédégonde, puis en comparaison avec Catherine de Médicis, l’incarnation de la méchante reine, elle est devenue une figure essentielle de l’historiographie, puis des manuels d’histoire de France. Cette légende noire n’a commencé à s’atténuer que dans les dernières décennies du XXe siècle.

Choix bibliographique

- Lanteri, Roger-Xavier, Brunehilde. La première reine de France, Paris, Perrin, 1995.
- Grand-Hock, Heike, “Brunehild”, dans Lexikon des Mittelalters, II, Munich, Artemis-Verlag, 1983, p.761-762.
- Nelson, Janet L., “Queens as Jezebels: Brunhild and Balthild in Merovingian History”, dans Nelson, Janet L.,Politics and Ritual in Early Medieval Europe, Londres, Hambledon Press, 1986, p.1-48.
- Santinelli, Emmanuelle, Des Femmes éplorées? Les veuves dans la société aristocratique du haut Moyen Age, Villeneuve d’Ascq, Presses universitaires du Septentrion, 2003.
- Wood, Ian, The Merovingian Kingdoms, Londres, Longman, 1992, p.450-751.

Choix iconographique

- Le supplice de Brunehaut, Les Grandes Chroniques de France [vers 1280], Paris, BnF fr. 2813, fol.60v.
- Le supplice de Brunehaut, dans Augé-Petit, Cours élémentaire, Paris, Larousse 1893-1923, p.15; Gauthier-Deschamps, Cours élémentaire-Cours Moyen, Paris, Hachette, 1932-1952, p.17 (reproduits dans Françoise et Claude Lelièvre, L’Histoire des femmes publiques contée aux enfants, Paris, PUF, 2001, p.37 et 38).

Jugements

- «Brunehaut, plus brillante que la lampe du ciel, et dont la figure lance plus de feux que les pierres précieuses, tu es une autre Vénus, et tu as pour dot l’empire de ta beauté. Il n’est point de Néréide nageant dans la mer d’Ibérie, aux sources de l’Océan, qui puisse t’être comparée, point de Napée qui soit plus belle que toi. Devant toi s’inclinent les nymphes des fleuves. Tu as un teint de lait que relève la couleur de l’incarnat, le lys mêlé à la rose et l’or à la pourpre, luttant à qui se surpasserait en beauté, ne parviendraient même pas à t’égaler. Le saphir, le diamant, le cristal, l’émeraude, le jaspe, tous te cèdent la palme [...].» (Venance Fortunat [VIe siècle], Opera Poetica, Poèmes, Berlin, MGH AA, IV/1, 1881, p.566)
- «C’était, en effet, une jeune fille élégante de manières, jolie d’aspect, honnête et distinguée de moeurs, sage dans sa conduite et agréable dans sa conversation [...].» (Grégoire de Tours [VIe siècle], Dix livres d’histoire, Paris, Les Belles Lettres, 1996, p.575-594)
- «Mais l’antique serpent s’empara de l’âme de sa grand-mère Brunehaut, nouvelle Jézabel, et la dressa contre l’homme de Dieu en excitant son orgueil instinctif, car elle voyait Thierry obéir à l’homme de Dieu [...]. Elle ourdit dès lors des complots insidieux, envoyant aux voisins du monastère l’ordre d’empêcher quiconque de mettre les pieds hors du domaine monastique, et de n’accorder aux moines de Colomban aucune hospitalité ni aucun secours.» (Jonas de Bobbio, Vie de saint Colomban [vers 639-642], Bégrolles-en-Mauges, Abbaye de Bellefontaine, 1988, p.639-642)
- «Clotaire, devant qui Brunehaut est présentée et qui nourrissait une vive haine à son égard, lui impute le meurtre de dix rois [...]. Après lui avoir infligé, pendant trois jours, divers tourments, il ordonne qu’on la conduise à travers toute l’armée juchée sur un chameau, puis qu’on l’attache, par les cheveux, un pied et un bras, à la queue d’un cheval fougueux. Là, elle a les membres désarticulés par ses coups de sabots et par la rapidité de sa course.» (Frédégaire, Chronique des temps mérovingiens [vers 660], éd. J.M. Wallace-Hadrill, Turnhout, Brepols, 2001, p.123)
- «Quant le roi eut dit toutes ces choses devant le peuple, il se retourna devers les barons et leur dit: “Seigneurs, nobles princes de France, mes compagnons et mes chevaliers, jugez par quelle mort et par quels tourments doit périr une femme qui tant de douleurs a faites”. Ils s’écrièrent tous qu’elle devait périr par la plus cruelle mort que l’on pourrait imaginer. Lors commanda le roi qu’elle fût liée par les bras et par les cheveux à la queue d’un jeune cheval qui jamais n’avait été dompté, et traînée parmi toute l’armée. Ainsi que le roi l’avait commandé, cela fut exécuté. Au premier coup d’éperons que reçut le cheval, il lança les sabots arrière si rapidement qu’il lui fit voler la cervelle. Le corps fut traîné par buissons, par épines et par monts et par vallées, tellement qu’elle fut toute démembrée.» (Primat, Grandes Chroniques de France [vers 1280], éd. J. Viard, Paris, 1920,vol.2, p.74)
- «Les annales et histoires font mention en cet endroit de la mort de Brunehilde et racontent d’elle des méchancetés et malheureux actes par elle commis, lesquels je pense être controuvés [inventés], au moins la plus grande partie.» (Jean Du Tillet, La Chronique des roys de France, puis Pharamond jusques au roy Henry, second du nom, selon la computation des ans, jusques en l'an mil cinq cens quarante et neuf..., Paris, Galiot Du Pré, 1549, année 613)
- «Or comme ainsi soit que Brunehaut, au jugement de tous, semble avoir emporté le prix de méchanceté entre toutes [les gouvernantes], et que nos historiens, parlant de cette malheureuse Frédégonde, l’appellent “la malicieuse du monde après Brunehaut”, il semble, à considérer les actions de cette-ci [Catherine de Médicis] qu’elle n’ait eu autre but toute sa vie que d’en emporter le prix par dessus elle, comme il sera aisé à voir à qui fera comparaison des actions de l’une avec celle de l’autre.» (Discours merveilleux de la vie, actions et deportemens de Catherine de Medicis, Royne-mère [1574], éd. Nicole Cazauran et al., Genève, Droz, 1995, p.262)
- «La veuve du roi Sighebert se trouva bientôt en présence de son mortel ennemi, sans autre protection que sa beauté, ses larmes et sa coquetterie féminine. Elle avait à peine vingt-huit ans; et quelles que fussent à son égard les intentions haineuses du mari de Frédégonde, peut-être la grâce de ses manières, cette grâce que les contemporains ont vantée, eût-elle fait sur lui une certaine impression, si d’autres charmes, ceux du riche trésor dont la renommée parlait aussi, ne l’avait d’avance préoccupée.» (Augustin Thierry, Récits des temps mérovingiens [1846], Paris, Complexes, 1995, p.104)

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