Bathilde
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Bathilde | ||
Titre(s) | Reine de Neustrie | |
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Conjoint(s) | Clovis II | |
Dénomination(s) | Sainte Bathilde | |
Biographie | ||
Date de naissance | Après 600 | |
Date de décès | 680 | |
Notice(s) dans dictionnaire(s) ancien(s) | ||
Dictionnaire Pierre-Joseph Boudier de Villemert (1779) |
Notice de Emmanuelle Santinelli, 2006
Née vers 630, esclave d'origine anglo-saxonne achetée par Erchinoald, maire du palais de Neustrie, Bathilde épouse, probablement en 648 (et au plus tard en 651), le roi Clovis II (639-657), aux côtés duquel elle joue un rôle non négligeable. Elle en a trois fils Clotaire III, Childéric II et Thierry III, encore mineurs à la mort de leur père. Bathilde en retire une autorité plus importante, exerçant le pouvoir royal au nom de l'aîné qui succède à son père dans le royaume de Neustrie-Bourgogne. Elle bénéficie alors du soutien de puissants prélats, parmi lesquels figurent Éloi, Ouen et Chrodebert, évêques respectifs de Noyon-Tournai, Rouen et Paris, et elle s'appuie sur les communautés monastiques, auxquelles elle fait de larges concessions, confirmant leurs privilèges et leur accordant l'immunité. Elle s'attache, en outre, à contrôler les désignations épiscopales (Genès à Lyon, Léger à Autun, Erembert à Toulouse et probablement Sigobrand à Paris), à réformer les principaux monastères (Saint-Denis, Saint-Germain d'Auxerre, Saint-Médard de Soissons, Saint-Pierre-le-Vif de Sens, Saint-Aignan d'Orléans, Saint-Martin de Tours) et à interdire la simonie, autant d'interventions tant dans le domaine religieux que dans le domaine politique: ils lui permettent, en effet, de récompenser ses fidèles, de gagner leur reconnaissance, et d'assurer par leur intermédiaire le contrôle territorial du royaume. Elle oeuvre aussi au maintien de la paix entre les royaumes mérovingiens, à l'interdiction du trafic des esclaves chrétiens, et elle intervient dans la fiscalité (suppression de la capitation), ce qui suggère la diversité de ses domaines d'action. On lui doit, enfin, la fondation des abbayes de Chelles et de Corbie, ainsi que la donation du domaine qui permet celle de Jumièges. Elle n'est probablement pas étrangère à la désignation, en 662, de son fils Childéric II comme roi d'Austrasie, marié de ce fait à sa cousine Bilichilde, dernière enfant vivante de Sigebert III (mort depuis 656); Childéric passe alors sous le contrôle de l'aristocratie austrasienne et de sa tante et belle-mère Chimnechilde.
Vers 664-665, une fraction de l'aristocratie, conduite par le maire du palais de Neustrie Ebroïn, l'écarte du pouvoir, en la contraignant à se retirer dans l'abbaye de Chelles, dirigée par l'abbesse Bertille, où elle aurait alors vécu avec piété, mais sans prononcer de voeux monastiques. Sa retraite ne rompt cependant pas tout contact avec son fils Clotaire, et c'est probablement à son initiative que celui-ci est inhumé dans le monastère en 673. À sa mort, le 30 janvier 680, elle y est, à son tour, ensevelie. Ses restes y ont été retrouvés en 1983.
Bathilde figure parmi les reines mérovingiennes à forte personnalité qui se sont illustrées sur le plan politique et religieux. Malgré sa modeste origine, elle a su utiliser sa position d'épouse et de mère de rois pour imposer son autorité et mettre en oeuvre une politique personnelle. Elle a notamment mis à profit ses années de vie conjugale pour créer son propre réseau d'alliances et de fidélités, dans le milieu laïc comme dans le monde ecclésiastique, ce qui lui a permis d'asseoir, une fois veuve, son pouvoir exercé au nom de son jeune fils. Elle illustre aussi, cependant, la fragilité d'une telle position, remise en question à la majorité de son fils.
Bathilde a aussi été l'une des reines mérovingiennes dont la sainteté a été reconnue peu après sa disparition. Son souvenir a été entretenu par la communauté de Chelles et son culte, promu par l'abbesse Bertille: des miracles se seraient produits sur son tombeau. Elle a fait, peu après sa mort, l'objet d'une vita, rédigée probablement par une moniale de Chelles. Son culte officiel ne s'initie toutefois qu'au moment de la translation de sa dépouille, organisée par Louis le Pieux en 833, de l'abbatiale primitive à la nouvelle, édifiée au début du IXe siècle. La postérité n'a cependant pas conservé qu'une image positive de la reine: dans les royaumes anglo-saxons, la Vita Wilfridi, rédigée au début du VIIIe siècle, a diffusé l'image d'une Jézabel qui a participé à l'assassinat de plusieurs clercs, dont l'évêque de Lyon, Aunemond. Depuis l'étude pionnière de Janet Nelson, Bathilde suscite aujourd'hui un renouveau d'intérêt dans le monde de la recherche.
Choix bibliographique
- Laporte, Jean-Pierre, «La reine Bathilde ou l'ascension sociale d'une esclave», dans La femme au Moyen Âge, Michel Rouche éd., Jean Heuclin, Maubeuge, éd. Ville de Maubeuge, diff. J. Touzot, 1992, p.147-169.
- Nelson, Janet, «Queens as Jezebels: the Careers of Brunehild and Balthild in Merovingian History», dans Medieval women, Derek Baker éd., Oxford, B. Blackwell, 1978, p.31-77.
- Santinelli, Emmanuelle, «Les reines Mérovingiennes ont-elles une politique territoriale?», dans Rita Compatangello-Soussignan, Emmanuelle Santinelli, Territoires et frontières en Gaule du Nord et dans les espaces septentrionaux francs, Revue du Nord, t.85, 351, juillet-septembre 2003, p.631-653.
- Santinelli, Emmanuelle, Des Femmes éplorées? Les veuves dans la société aristocratique du haut Moyen Âge, Lille, Septentrion, 2003.
- Stafford, Pauline, Queens, Concubines and Dowagers. The King Wife in the Early Middle Ages, Athens, University of Georgia Press, 1983.
Jugements
- «Exerçant cette grâce de sagesse qui lui venait de Dieu, elle avait soin d'obéir au roi comme à son maître; elle était comme une mère pour les grands, une fille pour les prêtres; excellente mère nourricière pour les jeunes gens et les adolescents, elle était aimable pour tous, chérissant les prêtres comme des pères, les moines comme des frères et les pauvres comme une pieuse nourrice. À chacun de ceux-ci, elle distribuait de larges aumônes et veillait à ce que les décisions des princes soient conformes à leur dignité; elle exhortait toujours les jeunes à la religion et intervenait sans cesse, humblement, auprès du roi, en faveur des églises et des pauvres» (Vita Bathildis A [fin VIIe siècle], c.4, éd. Bruno Krusch, Monumenta Germania Historica, Scriptores Rerum Merovincarum, t.2, Hanovre, Imensis Bibliopolii Hahniani, 1888, p.485-486; traduit du latin par G. Duchet-Suchaux, Bulletin du groupement archéologique de Seine et Marne, 23, 1982, p.31).
- «En ce temps, une reine malveillante du nom de Bathilde s'acharna sur l'église du seigneur, à l'image de la reine très impie Jézabel qui tua les prophètes de Dieu, puisque elle ordonna de tuer neuf évêques, sans compter des prêtres et des diacres» (Eddius, Vita Wilfridi episcopi [début VIIIe siècle], c.6, éd. W. Lewison, Monumenta Germania Historica, Scriptores Rerum Merovincarum, t.6, Hanovre, Imensis Bibliopolii Hahniani, 1913, p.199; traduit du latin).
- «Avec Bathilde, est morte le dernier représentant d'une monarchie mérovingienne effective» (Jean-Pierre Laporte, «La reine Bathilde...», voir supra, choix bibliographique, p.160).