Anne Depoirieux

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Anne Depoirieux
Conjoint(s) Sr Fleury
Dénomination(s) La Fleury
Biographie
Date de naissance vers 1645
Date de décès après 1724
Notice(s) dans dictionnaire(s) ancien(s)


Notice de Nicole Pellegrin, 2018

Anne Depoirieux serait née en 1645 en Champagne et elle est peut-être la mère d’une fille illégitime, l’écrivaine Marguerite de Lussan (1682-1758). Les rares données biographiques que l’on possède au sujet de cet étrange personnage d’aventurière proviennent de l’enquête menée à l’occasion de son arrestation le 24 janvier 1724 comme chiromancienne, « devineresse » et « fausse sorcière ». Son dossier, court mais étonnamment riche, a été découvert dans les archives de la Bastille par Doris Cuff, la spécialiste de Marguerite de Lussan. Il est maintenant consultable en ligne.
En 1724, « la Fleury » se dit âgée de soixante-dix-neuf ans et être veuve du « sieur Fleury, Brigadier des Sauvesgardes de M. de Luxembourg » ; elle demeure « rue Mazarine, paroisse St. Sulpice » et y vivrait de ses rentes et du produit de fermages tirés de terres situées près de son village natal de Saint-Phal (Champagne) ; elle déclare en outre recevoir l’aide financière de « la demoiselle de Lussan qu’elle a ellevée ». Soupçonnée d’activités moins licites, elle doit reconnaître « qu’il venoit différentes personnes chez elle, des quelles elle examinoit les lignes des mains et auxquelles elle parloit suivant les lumières que lui a données la connaissance qu’elle a de la chiromancie, mais qu’elle n’a jamais receu d’argent […] de qui que ce soit, […] elle ne le faisoit que pour amusement […] depuis sa plus tendre jeunesse » (c’est-à-dire dès l’âge de neuf ans).
Deux autres documents précisent sa clientèle, apparemment très féminine, et dénoncent des méthodes de divination aptes à séduire et, à l’occasion, suborner des jeunes filles. Pour l’avoir consultée, un certain Monnet raconte qu’elle commence « à demander à la personne de voir ses deux mains pour y voir le bonheur qu’il avait eu en devant et celuy qui pourroit avoir à l’avenir, luy ayant ensuitte assuré que tout ce qu’il luy demandoit réussiroit infailliblement, ayant regardé pour cela dans le livre d’astronomie dont elle sert depuis plusieurs années, qui est rempli d’escritures et de toutes les parties du corps avec des chiffres qui désigne tout ce qui doit arriver à l’homme ». Quant au sieur Legros, loueur de carrosses, il dit partager les inquiétudes de deux prêtres de la paroisse de Saint-Sulpice et dénonce « des particularités […] des plus capables de porter une jeune fille à se laisser corrompre. La dite Fleury a considéré son pied gauche à nud, lui dit qu’elle auroit un enfant d’un homme de condition, mais qu’il répareoit son honneur en l’épousant. La Dame Fleury se mesle de deviner, de prédire l’avenir, plusieurs dames et demoiselles vont la consulter, elle abuse de plusieurs passages de l’Écriture sainte en leur parlant ; comme elle ne garde pas beaucoup de mesures on pourra la prendre sur le fait et ce sera un grand bien de la faire enfermer ».
Jugée « dangereuse et capable de séduire des esprits foibles » en raison de son « mestier de devineresse », la Fleury a beau affirmer qu’elle pratique la chiromancie « pour son plaisir », elle est enfermée, au moins un temps, à la Salpêtrière. On ne sait actuellement rien de son devenir si ce n’est qu’elle a prié sa fille putative de demander la permission d’accéder « à son petit appartement » (une chambre) et de prendre soin des « petits effets » qui s’y trouvaient. À noter que la police y avait trouvé deux livres dont « l’un a pour titre, Science Curieuse, ou la Chiromancie [probablement l’ouvrage de Jean Taisnier [1], et l’autre est un livre de psaumes en latin et en français, qui est très suspect, ny ayant point à la teste du livre, ny le titre, ny l’endroit où il est imprimé ».
Vieillissante mais pleine de ressources, Anne Fleury a su mettre à profit la crédulité de ses semblables et ses dons d’éventuelle courtisane semi-lettrée, pour avoir une activité lucrative de voyante et d’entremetteuse. Exemple d’une « agentivité » féminine répandue, elle dévoile l’existence « d’autres Lumières » où l’irrationnel domine encore et toujours et où la science des astres se dit « astronomie » quand elle n’est qu’astrologie.

Principales sources

  • Bibliothèque de l'Arsenal. Archives de la Bastille. Deuxième section. Prisonniers. Dossiers individuels et documents biographiques, 1724, 16 dossiers, Fa-Fo (sv Fleury) [2]

Choix bibliographique

  • Cuff, Doris A., « Introduction à une étude sur Marguerite de Lussan et le roman historique au commencement du XVIIIe siècle », Revue d’Histoire Littéraire de la France, 1936, p. 1-19. [3] . Les citations figurant dans la notice sont extraites de cette étude.

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