Élisabeth-Charlotte de Wittelsbach
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Élisabeth-Charlotte de Wittelsbach | ||
Titre(s) | Princesse électorale palatine du Rhin Duchesse d'Orléans | |
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Conjoint(s) | Philippe de France, duc d'Orléans | |
Dénomination(s) | La Palatine | |
Biographie | ||
Date de naissance | 1652 | |
Date de décès | 1722 | |
Notice(s) dans dictionnaire(s) ancien(s) | ||
Dictionnaire Fortunée Briquet (1804) |
Sommaire
Notice de William Brooks, 2005. (mise à jour : octobre 2008)
Élisabeth-Charlotte, nommée Liselotte par sa famille et, aujourd'hui encore, par les auteurs allemands, naît le 17/27 mai 1652 à Heidelberg, capitale du Palatinat, territoire dont son père, Karl Ludwig, est rentré en possession après la guerre de Trente Ans. Malgré une mésentente constante entre ses parents, elle passe une enfance heureuse, en partie au côté de sa tante Sophie, plus tard électrice de Hanovre. En 1671, Karl Ludwig, souhaitant s'attirer les bonnes grâces de Louis XIV, la marie au frère du roi, Monsieur, veuf; sacrifice inutile, puisque Louis ne se montre pas plus amical pour autant.
En France, Élisabeth-Charlotte doit renoncer au protestantisme et à son pays. Vite nostalgique de sa terre natale, elle écrit assidûment à ses amis et à sa famille des lettres estimées à 60 000 (en cinquante et un ans), à un rythme qui s'accélérera après son veuvage en 1701. Bien que la princesse tolère l'homosexualité et le manque d'égards de son mari (qui accomplit son devoir en ayant avec elle trois enfants), les amis de celui-ci complotent contre elle, probablement à cause de son franc-parler. Élisabeth-Charlotte ne s'identifie pas à la politique de Louis XIV, notamment les persécutions subies par les huguenots, ce qui la réduit au désespoir, mais elle lui reste personnellement fidèle. La mort de son frère, dernier héritier mâle en ligne droite de l'Électorat palatin, provoque un événement particulièrement douloureux: Louis envahit le Palatinat en le réclamant pour son frère de la part d'Élisabeth-Charlotte. Celle-ci perd alors le sommeil, imaginant son pays dévasté et, pire, sachant qu'on la désigne auprès de ses compatriotes comme responsable de la guerre. Plus tard, elle accepte le mariage de son seul fils survivant, le futur Régent, avec l'une des filles du roi et de Mme de Montespan, liaison adultère qu'elle a pourtant en horreur. Connue pour sa franchise, la princesse consigne également ses pensées les plus profondes dans ses lettres, particulièrement celles à sa tante et, plus tard, à sa demi-soeur mondaine Louise.
Élisabeth-Charlotte sublime son chagrin en se remémorant son enfance. Plus tard, elle filtre les souvenirs de ses premières années à la cour de France, dont elle retient également les bons moments. Consciente de son statut de princesse royale, elle est, avec Saint-Simon, la meilleure source de renseignements sur la préséance et l'étiquette de la Cour. En tant qu'étrangère, cependant, elle est perçue comme potentiellement déloyale, et ses lettres sont régulièrement ouvertes et traduites par les agents du roi. Aussi les fait-elle livrer par porteur autant que possible. Cavalière accomplie, elle se passionne pour la chasse. Spectatrice de théâtre assidue, elle effectue des comptes rendus des représentations auxquelles elle assiste, et raconte des anecdotes sur le théâtre et l'opéra. Elle écrit sur la religion et les services religieux, la nourriture, la Cour et les courtisans (elle déteste Madame de Maintenon et méprise Louvois), la santé (elle se méfie des médecins français), la vente des offices, Paris (elle déteste la ville mais adore les Parisiens), sa vie quotidienne.
Excessivement fière de son fils, le Régent, Élisabeth-Charlotte vit toutefois ses dernières années dans le deuil de sa tante bien-aimée. En dépit d'une santé robuste, elle cède au harcèlement de ses domestiques et de ses amis et permet aux médecins de la saigner et de lui administrer des «remèdes par précaution» qui l'affaiblissent. Après avoir fait l'effort suprême d'assister au couronnement de Louis XV à Reims en octobre 1722, principalement dans le but de voir sa fille, également nommée Élisabeth-Charlotte (devenue duchesse de Lorraine), elle retourne à Paris, où elle meurt le 8 décembre. Parmi ses descendants directs figurent Louis-Philippe, roi des Français, ainsi que les familles royales autrichiennes et italiennes.
Des extraits de ses lettres paraissent en allemand et en traduction française (peu fiable) à la fin du XVIIIe siècle, et les publications se multiplient au XIXe siècle. Ses lettres les plus caractéristiques sont en allemand: environ 4000 subsistent, mais un grand nombre demeurent inédites, et les anthologies reprennent les mêmes lettres. Les traductions anglaises sont en grande partie fidèles à son style robuste, mais les traductions françaises sacrifient l'exactitude à l'élégance. Les 850 lettres en français qui nous restent se sont révélées plus riches et intimes que prévu. Certains commentateurs français cherchent à saper son importance en tant que témoin de la France et de la vie française, en la présentant comme une commère geignarde et grivoise, alors que les commentateurs allemands insistent sur ses souffrances, sa noblesse d'esprit et son esprit de sacrifice. La vérité se situe entre ces extrêmes. Élisabeth-Charlotte offre une mine de renseignements à quiconque cherche une opinion personnelle, poignante, drôle, irritée, dépourvue de tact, iconoclaste, obtuse, sensible et sincère d'une femme irrépressible de la cour de Louis XIV.
(Traduction de Chantal Turbide)
Oeuvres
Lettres originales en langues allemande et française
- 1661-1722 : Liselotte von der Pfalz in ihren Harling-Briefen, éd. Hannelore Helfer, 2 vol., Hannover, Verlag Hahnsche Buchhandlung, 2007.
- 1671-1722 :Madame Palatine: Lettres françaises, éd. Dirk Van der Cruysse. Paris, Fayard, 1989 (rassemble les 900 lettres françaises encore existantes).
- 1672-1714 : Aus den Briefen der Herzogin Elisabeth Charlotte von Orléans an die Kurfürstin Sophie von Hannover, éd. Eduard Bodemann, 2 vol. Hannover: Hahn, 1891 (loin d'être intégrale, cette sélection de lettres écrites à sa tante est néanmoins la plus complète que nous ayons).
- 1676-1722 :Briefe der Herzogin Elisabeth Charlotte von Orléans, éd. W. Holland. 6 vol. Stuttgart, Literarische Verein, 1867-1881 (lettres écrites à ses demi-frères et demi-soeurs).
- 1715-1716 : Briefe der Herzogin Elisabeth Charlotte von Orléans an Leibniz, in Zeitschrift des Historischen Vereins für Niedersachsen, Hannover, 1884, p.1-66.
- 1715-1722 : Elisabeth Charlottens Briefe an Karoline von Wales und Anton-Ulrich von Braunschweig-Wolfenbüttel, éd. Hans F. Helmolt. Annaberg, Graser, 1909 (réimpression des premières «anecdotes» tirées de ses lettres à la princesse de Galles et à son cousin Anton Ulrich et parus en 1789, ouvrage de nos jours presque introuvable).
- 1717-1722 : Briefe an Johanna Sophie von Schaumburg-Lippe, éd. Jürgen Voss. St. Ingbert, Röhrig Universitätsverlag, 2003 (52 lettres auparavant inédites).
Meilleures anthologies en langue allemande
- Briefe der Herzogin Elisabeth Charlotte von Orleans, im Auswahl herausgegeben, éd. Hans F. Helmolt. 3e édition (la meilleure). Leipzig, Insel Verlag, 1925.
- Briefe der Liselotte von der Pfalz, éd. Helmuth Kiesel. Frankfurt, Insel Verlag, 1981.
- Liselotte von der Pfalz: Briefe, éd. Annedore Haberl. Sl, Carl Hanser/Langewiesche-Brandt, 1996.
Anthologies de lettres traduites en anglais
- The Letters of Madame. Translated and edited by Gertrude Scott Stevenson, 2 vols. London, Arrowsmith, 1924-25.
- Letters from Liselotte. Elisabeth Charlotte, Princess Palatine and Duchess of Orléans. Translated and edited by Maria Kroll. London, Victor Gollancz, 1970.
- A Woman's Life in the Court of the Sun King. Translated and introduced by Elborg Forster, Baltimore and London, Johns Hopkins, 1984.
Anthologies de lettres traduites en français
- Correspondance complète de Madame Duchesse d'Orléans, éd. G. Brunet. 2 vol. Paris, Charpentier, 1855 (La première anthologie à grand tirage. N'est nullement «complète» et contient énormément d'erreurs).
- Correspondance de Madame Duchesse d'Orléans, éd. Ernest Jaeglé. 3 vol. Paris, Quantin, 1890 (grande anthologie qui contient même un petit nombre de lettres à sa tante qui n'ont jamais paru en langue originale).
- Lettres de Madame Palatine, suivies du dossier de sa correspondance avec Leibniz, éd. H. Juin. Paris, Club du meilleur livre, 1961.
- Lettres de Madame duchesse d'Orléans, née Princesse Palatine, éd. Olivier Amiel, Paris, Mercure de France, 1981 (réimpression en 1985 avec index).
Choix bibliographique
- Barine, Arvède, Madame mère du Régent, Paris, Hachette, 1909.
- Brooks, William & P.J. Yarrow, The Dramatic Criticism of Elizabeth Charlotte, duchesse d'Orléans, with an annotated chronology of performances of the popular and court theatres in France (1671-1722) reconstructed from her letters, Lewiston, N.Y., Queenston, Ont., et Lampeter, Edwin Mellen, 1996.
- Funck-Brentano, Frantz, Liselotte duchesse d'Orléans et mère du Régent, Paris, Nouvelle Revue Critique, 1936.
- Lebigre, Arlette, La Princesse Palatine, Paris, Albin Michel, 1986.
- Van der Cruysse, Dirk, Madame Palatine, princesse européenne, Paris, Arthème Fayard, 1988.
Liens électroniques
- Site entretenu par l'université de Heidelberg (en allemand), comprenant bibliothèque virtuelle, bibliographie et «Liselotte digital», projet de numérisation des lettres d'Élisabeth-Charlotte[1]
Jugements
- «[Je] vis l'épousée de Monsieur pour la première fois. Je la trouvai jolie, l'air jeune et spirituel. On dirait qu'elle a été élevée en cette Cour; il ne lui manque plus qu'un peu de langage. Elle n'est pas étonnée et a l'air de grandeur qu'apportent les princes du berceau» (Lettre du 11 décembre 1671, in Thomas-François Chabot, marquis de Saint-Maurice, Lettres sur la cour de Louis XIV, 1667-1673, éd. Jean Lemoine. Paris, Calmann-Lévy, 1910, II, p.205).
- «Tous les ouvrages d'esprit la touchent. Elle caresse les Auteurs, & juge mieux que personne de tout ce qu'on voit de beau au Théâtre» (Le Mercure galant, octobre 1677, p.237-238).
- «Voilà un deuil pour toute l'Europe. [...] On perd une bonne princesse, et c'est chose rare» (Mathieu Marais, [journal de décembre 1722] Journal et Mémoires, éd. M. de Lescure, Paris, Firmin-Didot, 1863-68, II [1863], p.377-378.
- «Madame tenait en tout beaucoup plus de l'homme que de la femme. Elle était forte, courageuse, allemande au dernier point, franche, droite, bonne et bienfaisante, noble et grande en toutes ses manières, et petite au dernier point sur tout ce qui regardait ce qui lui était dû. Elle était sauvage, toujours enfermée à écrire hors les courts temps de cour chez elle; [...] dure, rude, se prenant aisément d'aversion, et redoutable par les sorties [= violents emportements] qu'elle faisait quelquefois, et sur quiconque; nulle complaisance, nul tour dans l'esprit, quoiqu'elle ne manquât pas d'esprit, nulle flexibilité; jalouse, comme on l'a dit, jusqu'à la dernière petitesse de tout ce qui lui était dû; la figure et le rustre d'un Suisse; capable avec cela d'une amitié tendre et inviolable» (Saint-Simon, Mémoires; additions au Journal de Dangeau, éd. Yves Coirault, 8 vol. Paris, Gallimard, 1982-88, VIII [racontant l'an 1722], p.553).
- «Telle qu'elle est, avec toutes ses crudités et ses contradictions sur ce fonds de vertu et d'honneur, Madame est un utile, un précieux et incomparable témoin de moeurs. Elle donne la main à Saint-Simon et à Dangeau, plus près de l'un que de l'autre. Elle a du coeur; ne lui demandez pas de l'agrément mais dites: Il manquerait à cette Cour une figure et une parole des plus originales si elle n'y était pas. [...] Elle dépouille ce grand siècle de l'idéal, elle l'en dépouille trop; elle irait presque jusqu'à le dégrader si l'on n'écoutait qu'elle» (Livraison du 17 octobre 1853, in fine, in C.A. Sainte-Beuve, Causeries du lundi, Paris, Garnier, 1869, t.IX, p.78-79).
- «La duchesse d'Orléans au jugement brutal, impulsif et sincère, qui ne se laisse pas abuser par le nom de l'auteur, discute dans le détail la valeur des oeuvres (composition, psychologie) et sait reconnaître le génie sans en dissimuler les faiblesses» (Pierre Mélèse, Le Théâtre et le public à Paris à Paris sous Louis XIV (1659-1715), Paris, Droz, 1934, p.409).
- «Les visiteurs contemporains de la crypte royale de Saint-Denis qui déchiffrent, à deux mètres du sol, [sa] plaque funéraire, ne cherchent pas Madame là où elle se trouve: dans un prodigieux corpus épistolaire qui s'étale de la lettre du 23 novembre 1659 [à son père] jusqu'à celle du 3 décembre 1722 [à Louise]. [...] Élisabeth-Charlotte a eu de graves doutes sur l'immortalité de l'âme. Elle s'inquiétait sans raison: son âme est inscrite à tout jamais dans sa correspondance» (Dirk Van der Cruysse, Madame Palatine, voirsupra, choix bibliog., p.621).