Jeanne Pinczon du Hazay

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Jeanne Pinczon du Hazay
Conjoint(s) Hilarion Jean de Forsans, sieur du Houx
Dénomination(s) Jeanne du Hazay, Madame du Houx, sœur Jeanne Marie Pinczon ; « l’Epouse de la Croix ».
Biographie
Date de naissance Rennes, 2 septembre 1616
Date de décès Rennes, 24 septembre 1677
Notice(s) dans dictionnaire(s) ancien(s)


Notice de Nicole Pellegrin, 2014

Fille de François Pinzon de Cacé et de Renée Sion, qui meurt en 1620, Jeanne naît en 1616 dans une famille de robe de Haute-Bretagne. Maltraitée par sa marâtre, elle est en partie élevée chez des parents dont elle portera le nom pendant sa jeunesse (du Hazay). Malgré son désir de devenir religieuse, elle est mariée en 1636, mais prend soin d’enfouir des épines dans sa coiffure de mariée, ce qui, d’après son biographe, lui laissera un suintement sanglant jusqu'à sa mort. Souvent souffrante dès cette époque, elle mène une vie austère, vouée à des œuvres charitables et marquée par une dévotion quasi obsessionnelle à la Passion du Christ. Veuve neuf ans plus tard, elle satisfait sa première vocation en entrant à la Visitation du Colombier à Rennes en 1646, d’abord comme « bienfaitrice séculière », puis, un an plus tard, comme converse, partageant son temps entre ce cloître et « le monde ». Au cours d’incessants voyages, elle défend les intérêts des Visitandines bretonnes et noue des liens spirituels très forts avec des membres du milieu dévot (le jésuite Surin en premier lieu, l’aumônier du roi et évêque de Tréguier, Balthazar Grangier, etc.) et avec des femmes pieuses, laïques ou religieuses de différents ordres. En 1654, elle se rend à Loudun et y devient l’amie « d’esprit » de la mère Jeanne des Anges, ex-possédée, porteuse-faiseuse de miracles et directrice d’âme. Elle revient la voir plusieurs fois, lui écrit souvent (162 lettres au moins), craint un temps l’inauthenticité des visions de l’ursuline et l’assiste dans ses derniers moments pendant l’hiver 1664-1665. On lui doit, semble-t-il, la conservation de plusieurs écrits de la religieuse loudunaise. Jeanne voit par ailleurs ses dons de discernement et ses qualités de guide spirituelle appréciés des autorités diocésaines : les évêques de Rennes et de Tréguier la chargent personnellement d’œuvrer à la conversion de leurs ouailles. En 1668, avec l’aide du jésuite Vincent Huby et à la demande de Catherine de Francheville, elle fonde à Vannes une maison de retraite pour femmes qu’elle dirige pendant neuf années. Revenue en 1677 à la Visitation de Rennes, elle y prononce ses vœux sur son lit de mort.
Les conseils matériels et spirituels que Madame Du Houx n’a cessé de dispenser oralement ou par lettres tout au long de sa vie en font un guide religieux de premier plan, autant qu’un personnage contesté (ses liens avec Jeanne des Anges, ainsi que son dolorisme exacerbé lui seront reprochés). Critiqué par certains prêtres, son rôle de « direction » et de quasi apostolat la place au centre d’un réseau d’amitiés et d’échanges qui mériterait d’être analysé de façon approfondie, car sans être unique, il a des spécificités provinciales que l’hagiographie ancienne ne pouvait démêler. Femme d’action et médiatrice « des choses intérieures », elle use d’un vocabulaire mystique propre à des pratiques de dévotion fascinées par les manifestations physiques du Divin : visions, maladies, etc.

Oeuvres

  • « Bref recueil de ma vie passée », mss perdu adressé au père Surin. Des fragments de ce texte sont cités par son hagiographe, le chevalier d’Espoy (voir Principales sources).
  • Correspondance avec le père Surin jadis conservée dans les archives, désormais dispersées, de la Visitation de Rennes II (couvent supprimé en 1790, archives transférées à la Visitation de Rennes I, puis au Grand Fougeray [Ille-et-Villaine], maison fermée depuis 1978). Localisation actuelle incertaine.
  • Correspondance avec Jeanne des Anges, dans le fonds « Ursulines de Loudun » des archives jésuites de la Province de France, consultable à Vanves.
  • [1652-1664] : Lettres échangées entre Madame du Houx et la mère Jeanne des Anges, dans Elisabeth Goldsmith et Colette Winn, éd., Lettres de femmes. Textes inédits et oubliés du XVIe au XVIIe siècle, Paris, Champion, 2005, p. 223-253.
  • Nombreuses mentions de lettres échangées avec Surin (avec références aux lieux de conservation), dans Jean-Joseph Surin, Correspondance, éd. M. de Certeau, Paris, Desclée de Brouwer, 1966 (voir, notamment, p. 556-563).

Principales sources

  • Espoy, M. d’, La vie de Madame Du Houx, surnommée l’épouse de la Croix. Décédée après avoir fait les Vœux de religion au Second Monastère de la Visitation Sainte Marie de Rennes, & pris le nom de Sœur Jeanne Marie Pinczon, Paris, François Babuty, 1713. [1]
  • Lobineau, Guy-Alexis, « Dame Jeanne Pinczon », dans Les Vies des saints de Bretagne et des personnes d’une éminente piété…, Rennes, La compagnie des imprimeurs-libraires, 1725, p. 491-505 [2]

Choix bibliographique

  • Brémond, Henri, Histoire littéraire du sentiment religieux en France, (1916-1932), rééd. Paris, Colin, 1967-1971, vol. V, p. 140-147.
  • Catta Étienne, « du Houx, Jeanne », dans Dictionnaire de spiritualité ascétique et mystique, t. III, 1957, col. 1769-1773.
  • Goldsmith, Elisabeth, Publishing Women’s Life Stories in France, 1647-1720. From Voice to Print, Aldershot, Ashgate, 2001.
  • Goujon, Patrick, Prendre part à l’intransmissible. La communication spirituelle à travers la correspondance de Jean-Joseph Surin, Paris, Paris, J. Million, 2008.
  • Henneau, Marie-Elisabeth, « Houx, Jeanne du, visitandine », dans Audrey Fella (dir.), Les femmes mystiques. Histoire et dictionnaire, Paris, Laffont « Bouquins », p. 453-454.

Jugements

  • « On blâmait ses fréquens voyages ; on trouvait à redire qu’une femme se mêlât de donner des conseils à toute sorte de personnes : la généreuse épouse de la croix supporta ces reproches avec patience et humilité [… peu, même parmi les parfaits, ont porté plus loin que madame du Houx l’amour des souffrances et la conformité à son dieu crucifié ». (Guy-Toussaint-Julien Carron de La Carrière, « Vie de Mademoiselle d’Epernon », dans Vies des dames françaises qui ont été les plus célèbres dans le XVIIe siècle, par leur piété et leur dévouement pour les pauvres…, 6e éd., Lyon et Paris, Perisse, 1839, p. 433).
  • « À partir de 1657, entre Rennes et Bordeaux, s’inaugure une correspondance, au sens plein du terme : deux mystiques [Surin et Mme du Houx] se parlent, tous deux brûlés de la même passion apostolique et captivés par la même présence, l’un plus hardi, plus « roide », plus génial, l’autre plus fidèle aux détours et à l’humeur de ceux par qui Dieu la saisit. Bien que la distance estompe cette conversation – ils ne se sont jamais rencontrés –, bien que les confidences les plus intimes de Surin soient pour Jeanne des Anges, c’est avec Mme du Houx, toujours attentive, qu’il semble être le plus en accord et avoir comme la prieure [Jeanne des Anges] le recours le plus sûr. » (Michel de Certeau, [introduction à la lettre 157] dans Jean-Joseph Surin, Correspondance, Paris, DDB, 1966, p. 559).
  • « La correspondance de Jeanne des Anges avec Madame du Houx […] constitue un témoignage fascinant de l’amitié qui se développe entre les femmes dans le contexte des mouvements de la Contre-réforme et de la nouvelle possibilité qui s’offre à elles de transmettre leurs croyances au public par voie épistolaire » (Elisabeth Goldsmith, Lettres de femmes. Textes inédits et oubliés du XVIe au XVIIe siècle, Paris, Champion, 2005, p. XXXIX).
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