Décès de notre adhérente bienfaitrice Nathalie Zemon Davis

La SIEFAR a le regret et la tristesse de vous annoncer le décès de l’historienne Nathalie Zemon Davis, qui fut pendant plusieurs années bienfaitrice de la SIEFAR. Nous nous associons à l’hommage rendu par Clio, Femmes, Genre, Histoire, à cette grande historienne américaine disparue le 21 octobre dernier :

“Le comité de rédaction de la revue Clio, Femmes, Genre, Histoire, exprime sa tristesse à l’annonce du décès de la grande historienne Natalie Zemon Davis, survenu le 21 octobre 2023, et envoie ses pensées à sa famille et ses nombreux collègues et ami.es, de part et d’autre de l’Atlantique.
Née en 1928 dans une famille juive américaine de gauche, Natalie Zemon a très tôt été animée par la passion de l’histoire et a rapidement fait le choix de l’exercer sur le seizième siècle français. Ses premiers travaux sur le monde de l’imprimerie lyonnaise l’ont amenée à étudier le versant social de la Réforme, et à se pencher notamment sur les pauvres et les systèmes d’assistance, les groupements de jeunesse et les troubles populaires, les femmes et leur rôle dans les corporations de métier (Les cultures du peuple. Rituels, savoirs et résistances, trad. fr. 1979).

Dès ses premières années universitaires, elle avait également découvert l’importance de travailler sur les femmes dans le mouvement humaniste. L’histoire des femmes fut l’un des domaines d’études qu’elle a ensuite contribué à fonder à travers ses propres travaux (Juive, Catholique, Protestante. Trois femmes en marge au XVIIe siècle, trad. fr. 1997) et sa participation à des entreprises collectives dont la co-direction avec Arlette Farge du tome 3 de L’histoire des femmes en Occident, dirigé par Michelle Perrot et Georges Duby (1991). Mais dès la fin des années 1970, elle usait volontiers de la notion de genre, estimant que l’histoire des femmes ne pouvait se passer d’être celle de relations, de transgressions et de dynamiques partagées.

Douée d’une insatiable curiosité, intéressée par le dialogue avec des disciplines comme la linguistique et l’anthropologie, Natalie Zemon Davis laisse une œuvre considérable qui frappe par son originalité et sa capacité à susciter de nouvelles recherches. Elle était tout aussi habile pour partir de figures singulières, inconnues (Martin Guerre) ou plus célèbres (Léon l’Africain, Marie de l’Incarnation) afin de livrer des analyses anthropologiques et culturelles de longue portée, que pour aborder des sujets qui la touchaient et l’intriguaient comme la violence, le corps ou le don (Pour sauver sa vie. Les récits de pardon au XVIe siècle, trad. fr. 1988 ; Essai sur le don dans la France du XVIe siècle, trad. fr. 2003).

Natalie Zemon Davis était aussi une intellectuelle au sens plein du terme, ayant subi les conséquences du maccarthysme qui avait exclu son mari, le mathématicien Chandler Davis, de l’université américaine. D’une totale indépendance d’esprit, elle n’a cessé d’être préoccupée par l’autonomie de la sphère intellectuelle et l’avenir de l’université.

Natalie Zemon Davis s’est volontiers exprimée sur son métier d’historienne, son engagement intellectuel et ses choix de vie. Outre ses livres qui nous resteront chers et que nous appelons à découvrir ou redécouvrir, il est possible d’entendre sa voix grâce aux entretiens publiés (L’Histoire tout feu, tout flamme, entretiens avec Denis Crouzet, 2004). Juste avant sa disparition, la revue Clio FGH avait entrepris, avec son autorisation, de traduire en français un entretien qu’elle avait accordé en 1980 à laRadical Historical Review, et qui avait été traduit dans la revue italienne Memoria en 1983. Nous n’aurons pas eu le temps de lui présenter cette traduction de la version italienne à paraître en décembre dans le numéro 58 de Clio, et qui est pour nous un témoignage d’intelligence, de chaleur humaine et de lucidité.”

Ainsi qu’aux autres hommages lui ont été rendus :