Marie de Pech

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Marie de Pech
Conjoint(s) Henri de Calages
Dénomination(s) Mademoiselle de Calages ou Calage
Biographie
Date de naissance 1623
Date de décès 1661
Notice(s) dans dictionnaire(s) ancien(s)
Dictionnaire Fortunée Briquet (1804)


Notice de Nathalie Grande, 2012.

Marie de Pech naît sans doute en 1623. Ses parents, Georges de Pech-Kersalan et Marguerite de Druille, appartiennent à la noblesse de robe du Languedoc. On ne sait rien de son éducation, mais on peut être sûr de son désir d’apprendre, puisque dans un «Discours aux dames» de 1660, elle évoque en quelques pages «Mademoiselle d’Escudéry» (Scudéry) dont elle regrette de ne pas avoir eu «la gloire de [l’]approcher quelquefois», et renvoie à la Judith de Du Bartas, aux traductions de l’Imitation de Jésus-Christ de Desmarets (1654) et de Corneille (1652), au Discours sur les œuvres de Monsieur Sarasin (1655) de Pellisson. Mariée probablement en 1649, c'est-à-dire à 26 ans, à Henri de Calages, lui-même issu d’une famille de magistrats de la région de Fanjeaux (Aude), Marie de Pech passe l’essentiel de sa vie à Mirepoix (Ariège). Elle souligne elle-même la disponibilité intellectuelle que donne un mariage tardif en insistant sur la difficulté d’écrire pour une femme mariée, et n’ayant jamais quitté sa province : «Souvenez-vous qu’une femme tout à fait engagée dans l’embarras d’une famille n’a pas toute la liberté d’esprit nécessaire pour ces ouvrages, non plus que la politesse étant éloignée de la Cour, et de ces grands Génies qui inspirent les belles choses par la seule conversation» («Discours aux dames»).

C’est sous le nom de «Mademoiselle de Calages» que Marie de Pech publie en 1660 à Toulouse une unique œuvre: Judith ou la délivrance de Béthulie, poème saint dédié à la reine, vaste épopée de plus de cinq mille alexandrins, parue chez Arnaud Colomiez, «imprimeur ordinaire du Roy et de l’Université». Le choix du genre épique est suffisamment rare chez une femme pour retenir l’attention. Par ailleurs, le texte affiche clairement, par sa dédicace à la jeune épouse de Louis XIV, un souci de prestige sinon une ambition littéraire que confirme la teneur de l’épître adressée à Marie-Thérèse: Marie de Pech y célèbre la reine comme «l’arche d’alliance» qui vient de sceller la paix entre les peuples ; le mariage entre Louis XIV et l’infante d’Espagne faisait en effet partie des clauses du Traité des Pyrénées qui venait de mettre un terme à la guerre entre France et Espagne. Quant au choix du sujet biblique, qui s’inscrit dans la lignée des figures de femmes fortes, son orientation féministe est renforcée par le «Discours aux dames» qui le précède, où l’autrice explique ses choix littéraires. La figure de Judith prend des inflexions nouvelles sous sa plume : précieuse avant la lettre, elle refuse avec obstination le mariage ; chargée de représenter la très catholique reine de France, elle apparaît d’une vertu scrupuleuse et d’une piété exemplaire. Il semble que Marie de Pech ait voulu offrir son épopée en guise d’épithalame à l’occasion des noces royales ; en effet le texte, achevé d’imprimer le 30 avril 1660, n’a pas seulement été dédié à la reine, mais lui aurait précisément été offert lors des cérémonies qui ont accompagné la célébration des noces. D’après Jules de Lahondès, un érudit du XIXe siècle qui reste un de ses rares commentateurs, Marie de Pech avait même prévu de faire le voyage à Saint-Jean-de-Luz pour aller en personne présenter son œuvre à l’infante et future reine. Une maladie l’en aurait empêchée, et c’est son mari qui aurait récolté ses lauriers. Cette offrande littéraire et nuptiale de prestige (pensons aux modestes dimensions de l’ode «La nymphe de la Seine à la Reine» offerte par Racine pour la même occasion: 240 vers) fut visiblement appréciée puisque, outre les honneurs, l’autrice reçut de très importantes gratifications : 6000 livres de la jeune reine, 1500 livres du roi, autant de la reine mère, 500 livres de la Grande Mademoiselle… en tout 10 000 livres, une somme considérable. Cela aurait pu lancer une carrière ; mais sa mort prématurée l’année suivante, à l’occasion de la naissance de son quatrième enfant, fit qu’il n’en fut rien. Elle est mise en terre le 25 octobre 1661 au terme d’un parcours qui témoigne de l’effort consenti par une femme pour sortir des limites que lui imposait sa condition sociale, pour exister autrement que comme épouse et comme mère de famille, pour accéder à une reconnaissance littéraire et sociale dépassant le cercle familial et relationnel.

Cette fin brutale, après une œuvre unique, ainsi que son statut de provinciale, participent à expliquer l’oubli dans lequel elle tomba rapidement. Mentionnée par Fortunée Briquet (1804), elle ne figure dans aucun autre dictionnaire de femmes célèbres, mais est encore citée dans le Dictionnaire des Lettres françaises du cardinal Grente (1951).

Oeuvres

  • Judith ou la délivrance de Béthulie, poème saint dédié à la reine, A. Colomiez, Toulouse, 1660.

Choix bibliographique

  • Lahondès, Jules de, «Une poétesse épique toulousaine», Revue des Pyrénées, Toulouse, mai-juin-juillet-août 1899, p. 585-601.
  • Enderlé, Marcelle, «Une Judith au Grand Siècle», Cahiers de Littérature du XVIIe siècle, 1980, n° 2, p. 41-51.
  • Grande, Nathalie, «Une figure féminine épique : Judith de Marie de Calages», dans Epopée et mémoire nationale au milieu du XVIIe siècle, F. Wild éd., Presses Universitaires de Caen, 2011, p 115-125.

Jugements

  • «Il est certain que si le poème de Judith n’est plus lu depuis longtemps, il le fut avec estime au moment où il parut. Un vers de Phèdre en est un emprunt manifeste. […] Mme de Genlis dans son Influence littéraire des femmes […] accuse la jalousie des hommes d’avoir enseveli le poème dans l’oubli» (Jules de Lahondès, «Une poétesse épique toulousaine», voir supra).
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