Marie d'Angleterre

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Marie d'Angleterre
Titre(s) Reine de France, reine douairière de France, duchesse de Suffolk
Conjoint(s) Louis XII, roi de France
Duc de Suffolk
Dénomination(s) Mary Tudor-Suffolk, Mary Tudor-Brandon, The French Queen
Biographie
Date de naissance 18 mars 1496 à Londres
Date de décès 25 juin 1533 à Westhorpe, Suffolk
Notice(s) dans dictionnaire(s) ancien(s)


Notice de Jacky Lorette, 2012

Marie Tudor, née le 18 mars 1496, est le cinquième enfant d’Henri VII Tudor et d’Élisabeth d’York, dont le mariage, en 1486, avait mis fin à la Guerre des Deux-Roses. En 1508, elle est fiancée puis mariée par procuration à Charles de Castille, futur Charles Quint, mais cet accord est rompu en 1514 par Henri VIII, qui préfère l’unir à Louis XII, 52 ans, veuf d’Anne de Bretagne, père de Claude et de Renée, et qui désire un fils. Le mariage est célébré à Abbeville le 9 octobre. Marie est couronnée à Saint-Denis le 5 novembre et fait son entrée dans Paris le lendemain. Louis XII, déjà malade, meurt le 1er janvier 1515. Selon la coutume, Marie est retenue pendant six semaines à l’Hôtel de Cluny, portant le deuil en blanc. Elle n’est toutefois pas enceinte. La couronne française passe alors à François Ier et à son épouse Claude.
En février, Marie épouse secrètement, à Cluny, Charles Brandon, duc de Suffolk, envoyé en France pour la rapatrier en Angleterre. Pour François Ier, c’est le moyen d’écarter la menace d’un second mariage politique de Marie, nuisible à la France. Pour elle, c’est une manière de suivre ses inclinations personnelles et une habile stratégie politique. Un mariage public suit, fin mars. Né vers 1484, Charles est un «parvenu». Son père étant mort lors de la Guerre des Deux-Roses, il est devenu le compagnon des fils d’Henri VII. Henri VIII l’a fait duc de Suffolk en 1514 en lui donnant le titre et les terres d’Edmund de la Pole, exécuté pour ses sympathies yorkistes. Dès 1515, c’est l’un des hommes politiques les plus influents et l’un des propriétaires terriens les plus riches d’Angleterre. Il est probable que Marie l’aimait dès avant son départ pour la France. Les rares documents conservés prouvent qu’Henri VIII a promis à sa sœur préférée de la laisser épouser qui elle voudrait une fois veuve, et a fait promettre à Brandon de ne lui faire aucune avance pendant son ambassade en France. On possède une lettre de Marie à son frère disculpant Charles, et implorant son pardon. La réponse du roi est longue à venir et le prix exigé élevé: tous deux doivent acquitter l’importante somme de 100.000 livres. Marie restitue l’argenterie, abandonne la moitié de sa dot, rend les bijoux reçus de Louis XII; elle paiera 2000 livres par an pendant douze ans. Charles renonce à la tutelle d’Élisabeth Grey, orpheline de onze ans, et au contrat de mariage avec elle, revendus pour 4000 livres. Moyennant quoi, un troisième mariage a lieu le 13 mai 1515 à Greenwich, en présence de la Cour.
Marie a quatre enfants de Charles: Henri, Frances (qui sera la mère de Jane Grey), Eleanor et Henri. Elle élève également Anne et Marie, les deux filles que Charles a eues de son premier mariage. Percevant jusqu’à sa mort son douaire français (une rente de 55000 livres tournois), elle introduit à la cour anglaise la culture et la mode françaises. Son rôle politique est limité. Après 1523, retirée dans le Suffolk, elle ne fait que de brèves apparitions à la cour. Elle ne peut se permettre de prendre une position publique de soutien à son amie la reine Catherine d’Aragon, quand Henry VIII demande l'annulation de son mariage pour épouser Anne Boleyn. Malade, elle vit ses trois dernières années à Westhorpe. Elle meurt le 25 juin 1533 à 37 ans, très aimée dans le pays d’après l’ambassadeur de France. Son effigie mortuaire la représente en reine de France, vêtue de ses habits royaux, une couronne et un sceptre d'or, symboles de son ancien pouvoir. Ses enfants sont inscrits par Henri VIII dans sa succession, après ses propres filles.
Pierre Gringore a fait le récit de son entrée royale à Paris. Brantôme l’a évoquée à propos d’un improbable flirt avec François Ier, que Louise de Savoie aurait stoppé net. Cette rumeur a alimenté en France bien des propos malveillants et misogynes à son encontre. Sa vie a été romancée, notamment, en France, par Jean de Préchac (1678) et Marguerite de Lussan (1749). Fontenelle l’a fait dialoguer avec Anne de Bretagne (1683). Son mariage avec Louis XII a fait l’objet d’un opéra comique, La Basoche (livret Albert Carré, musique André Messager), créé en 1890. Elle est demeurée un sujet de prédilection pour les romanciers et les cinéastes anglo-saxons. En 1981, André Arnaud, ancien cartonnier à Aubusson, a proposé de voir en elle la mystérieuse dame de la tenture La Dame à la licorne du musée de Cluny à Paris, commanditée par Antoine Le Viste et peut-être exécutée à partir de dessins de Jehan Perréal.

Oeuvres

  • [XVIe s.]: 38 lettres publiées dans The French Queen’s Letters: Mary Tudor Brandon and the Politics of marriage in sixteenth-century Europe, éd. Erin Sadlack, New York, Palgrave Macmillan, 2011, X-266 p.

Choix bibliographique

PRINCIPALES SOURCES
Les documents publics et les lettres privées relatant la vie de Mary Tudor sont localisés principalement au British Museum, au Public Record Office de Londres, à la Bibliothèque nationale de France. La plupart des lettres anglaises sont conservées au département des Cottonian Manuscripts du British Museum.

PRINCIPALES ETUDES

  • Arnaud, André, «La Dame à la licorne révèle enfin son secret vieux de 5 siècles. Un secret enfin dévoilé», Galerie des Arts, n° 209, octobre 1981.
  • Gunn, Steven, Charles Brandon, Duke of Suffolk, Oxford, Basil Blackwell, 1988.
  • Jones, Michael & Malcolm Underwood, The King’s Mother. Lady Margaret Beaufort, Countess of Richmond and Derby, Cambridge (R.U.), Cambridge University Press, 1992.
  • Loades, David, Mary Rose: Tudor Princess, Queen of France, the Extraordinary Life of Henry VIII’s Sister, Stroud (Gloucestershire, R.U.), Amberley, 2012.
  • Richardson, Walter, Mary Tudor, The White Queen, Londres, Peter Owen, 1970.

Choix iconographique

  • 1514: attribué actuellement au Maître de la reine Marie Tudor (attribué auparavant à Jean Perréal), Mary Tudor (en Marie Madeleine) (huile sur bois, 29 x 21,5cm), Paris, Musée des Arts Décoratifs.
    [1]
  • Fin 1514: anonyme français, La Royne Marie (dessin présent dans l’album Fontette), Ashmolean Museum, Oxford [le seul authentique selon David Loades; sept autres dessins, tous dans la manière de Jean Clouet, se trouvent dans des albums au Louvre, Aix-en-Provence, Chantilly, Lille et Florence] [2]
  • 1515 ?: Jan Gossaert (dit Jan Mabuse ou Jean de Maubeuge), Portrait de mariage de Mary Tudor et Charles Brandon, collection du comte de Yarborough, Brocklesby Park, Lincolnshire [il existe plusieurs copies de ce tableau, dont une à Woburn Abbey dans le Bedfordshire] [3].
  • 1526 ?: Jean Clouet (attribué à), La Royne Marie, dessin présent dans un recueil de divers portraits crayonnés que possédait Madame d’Angest, l’épouse d’Artus de Brissy, Aix en Provence, Bibliothèque Méjanes [François Ier a écrit à gauche : « plus fole que royne »] [4].
  • 1530 ?: Johannes Corvus, Mary Tudor, Duchesse de Suffolk, Sudeley Castle, Gloucestershire [5]

Choix de liens électroniques

  • Deux sites en anglais avec de nombreux liens et des portraits de Marie d'Angleterre : [6] et [7]
  • Fontenelle, "Dialogues des morts modernes. Dialogue entre Anne de Bretagne et Marie d’Angleterre. Comparaison de l’ambition et de l’amour (1683)" in Œuvres de Fontenelle, t. I, Paris, J.F. Bastien, 1790, p. 259-265 [8]
  • L’hypothèse d’André Arnaud, pour qui Marie Tudor est la dame présentée dans la tenture de La Dame à la licorne du musée de Cluny à Paris, est développée ici [9]

Jugements

  • Haec niuei tantum fastigia protulit oris // Sensim at dehiscens turgidos rumpit sinus.
    [En voilà une autre qui dévoile sa pointe neigeuse, // Et, lentement, rompt son calice turgescent.]
    Nescio quid Maria praeclari spondet ab ipso // Nunquam occidentis syderis cognomine.
    [J’ignore ce que Mary fera de son illustre prénom // Provenant d’une étoile qui jamais ne se couche.]
    (Érasme, Ode pour dire les mérites de l’Angleterre, de son roi Henry VII et des enfants royaux [1499] trad. Alexandre Vanautgaerden et Alain Van Dievoet, in Érasme et l'Angleterre, dir. Alexandre Vanautgaerden, Bruxelles, La lettre volée à la maison d'Erasme, coll. Notulae Erasmianae, vol. 2, 1998)
  • «Mon seigneur, quand je suis arrivé à Paris, j’ai entendu beaucoup de paroles qui m’ont mis en grande peur, ainsi que ce que m’a dit la reine; et la reine ne m’a jamais laissé en paix jusqu’à ce que j’accepte de l’épouser. Et ainsi, pour être franc avec vous, je l’ai épousée de tout cœur et j’ai couché avec elle, au point que je crains qu’elle ne soit enceinte.» (Charles Brandon, "Lettre à Wolsey, 5 mars 1515, de Paris", in Richardson, Mary Tudor, voir supra, choix bibliog., p.172, ma trad.)
  • « On dit que la reyne Marie d’Angleterre, tierce femme du roy Louis XIIe, n’en fit pas de mesme [ne préféra pas «apuyer sa grandeur sur sa chasteté et vertu [plutôt] que sur une lignée sortie de vice »]; car, se mescontentant et deffiant de la foiblesse du roy son mary, voulut sonder ce guet, prenant pour guide M. le comte d’Angoulesme, qui despuis fut le roy François, lequel estoit alors un jeune prince beau et très-agréable, à qui elle faisoit très bonne chaire, l’apellant tousjours “Monsieur mon beau filz”; aussi l’estoit-il, car il avait espousé desjà Mme Claude, fille du roy Loys. Et de fait en estoit esprise; et luy la voyant en fit de mesme; si bien qu’il s’en falut peu que les deux feuz ne s’assemblassent.» (Pierre de Bourdeille, abbé de Brantôme, Sur les femmes mariées, les veuves et les filles, à sçavoir desquelles les unes sont plus chaudes à l’amour que les autres [années 1580, publié dans Les Dames galantes, 1665], in Recueil des dames, poésies et tombeaux, éd. Pierre Vaucheret, Paris, « Bibliothèque de la Pléiade », 1991, p. 528).
  • « Dans tout ce qu’elle a fait, Mary était une Tudor, aussi impitoyable dans sa petite sphère qu’Henry le fut dans la sienne. Que ce soit en pleurant, menaçant, cajolant, ou charmant, elle espérait tracer son propre chemin parmi les gens, partageant un trait de famille qui refusait d’accepter toute rebuffade. Bien que supportant la vie à la campagne, il lui manquait la splendeur d’une vie régulière à la Cour refusée à elle par son second mariage, n’oubliant probablement jamais tout à fait qu’elle avait été l’épouse choyée d’un monarque régnant. Pourtant, en dépit de ces frustrations, les années avec Brandon ne furent pas ingrates. Elle avait un mari fiable, le favori du roi, dont le succès en politique et à la guerre était envié au Conseil, des enfants pour la réconforter et la satisfaire, et une vie tranquille même si elle n’était pas passionnante dans le Suffolk. Elle réussit mieux que la plupart des Dames royales du XVIe siècle, en trouvant dans l’amour et le mariage un certain bonheur refusé à la majorité d’entre elles.» (Richardson, Mary Tudor, voir supra, choix bibliog., p.9 ma trad.)
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