Jeanne Frémiot

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Jeanne Frémiot
Jeanne de chantal.jpg
Titre(s) Baronne de Chantal
Conjoint(s) Christophe de Rabutin, baron de Chantal
Dénomination(s) Jeanne Frémyot, Jeanne Françoise Frémiot, sœur Jeanne Françoise Frémiot de la Visitation, Jeanne de Chantal, sainte Jeanne de Chantal
Biographie
Date de naissance 23 janvier 1572
Date de décès 13 décembre 1641
Notice(s) dans dictionnaire(s) ancien(s)
Dictionnaire Pierre-Joseph Boudier de Villemert (1779)
Dictionnaire Hilarion de Coste (1647)


Notice de Isabelle Brian et Marie-Elisabeth Henneau, 2017

Seconde fille du magistrat Bénigne Frémyot et de Marguerite de Berbisey, Jeanne Françoise naît à Dijon le 23 janvier 1572. Elle perd sa mère l’année suivante, à la naissance de son frère André, futur archevêque de Bourges. Dans le contexte troublé des guerres de religions, son père qui demeure fidèle à Henri III et combat la Ligue, l’envoie dans le Poitou avec sa sœur aînée. Elle ne revient en Bourgogne qu’en décembre 1592 pour épouser Christophe de Rabutin, baron de Chantal. En 1596, elle donne naissance à Celse-Bénigne – le père de Mme de Sévigné –, puis à trois filles : Marie-Aimée, Françoise et Charlotte. Son mari réside périodiquement à la cour alors qu'elle gère les affaires du ménage dans leur résidence de Bourbilly (Côte d’Or). Il meurt accidentellement à l’automne 1601. Très affligée, la jeune veuve se place l’année suivante sous la direction spirituelle d’un religieux, qui exige d’elle une totale soumission. En charge de l’éducation de ses enfants, elle est contrainte d’aller résider chez son beau-père, le baron Guy de Chantal, où elle subit quantité de vexations. En 1604, elle rencontre pour la première fois François de Sales, évêque de Genève (en résidence à Annecy), venu prêcher le Carême à Dijon. Après quelques hésitations, elle accepte de se placer sous sa conduite. C’est le début d’une longue amitié spirituelle.
Refusant de se remarier, elle se rend en Savoie à deux reprises et projette avec François de Sales l’établissement d’une nouvelle congrégation, principalement destinée à accueillir des femmes que la santé ou la vocation ne disposent pas à de grandes austérités. Dans cette perspective et malgré les réticences de sa famille, Jeanne songe à s’installer à Annecy et renforce ses liens avec l’évêque de Genève : en 1609, elle marie sa fille Marie-Aimée avec Bernard de Sales, le frère de François, tandis que celui-ci commence à rédiger pour elle les constitutions provisoires de la future Visitation (1610). Après avoir prononcé des vœux simples, Jeanne et ses deux compagnes consacrent leur temps à visiter les nécessiteux de la ville. Lorsqu’une nouvelle maison est établie à Lyon en 1615, l’archevêque de Marquemont exige de ces femmes des vœux solennels. Elles sont alors soumises à la clôture et la congrégation est érigée en ordre religieux. Il n’est plus question pour elles d’« aller et venir » dans le monde, mais bien de prier derrière les grilles.
En dépit des deuils – la mort de son gendre et de sa fille aînée (1616), de François de Sales (1622), puis de son fils (1627) –, elle poursuit son action en faveur du développement de son ordre. D’une santé chancelante, elle multiplie toutefois les voyages pour veiller à la fondation de monastères en Savoie, en France et en Lorraine (87 établis de son vivant), elle surveille de près la construction des bâtiments et la conformité de leur architecture, et répond aux questions des religieuses par une abondante correspondance (env. 2800 lettres). Elle s’emploie aussi à réunir des témoignages sur la vie de François de Sales en vue de sa canonisation, tout en travaillant au coutumier de l’ordre. Elle favorise encore l’établissement des Pères de la Mission en Savoie et la fondation d’un monastère à Turin. Renonçant au supériorat de la communauté d’Annecy le 11 mai 1641, elle se rend au monastère de Moulins, appelée par Marie-Félicie des Ursins, duchesse de Montmorency, en passe de prendre le voile. Elle y meurt le 13 décembre 1641, après une dernière entrevue à Paris avec Anne d'Autriche. Sa dépouille est ramenée à Annecy et inhumée dans l’église de la Visitation.
Les liens entretenus avec Angélique Arnauld, abbesse de Port-Royal, ou avec Saint-Cyran, favorisant des soupçons de jansénisme, ont retardé sa béatification et sa canonisation, finalement prononcées le 21 août 1751 et le 16 juillet 1767. Elle est surtout considérée comme un modèle de perfection et d’humilité dans les différents états d’épouse, de mère, de veuve et de religieuse. La figure de Jeanne de Chantal a été systématiquement associée à celle de François de Sales, mais les avis divergent aujourd’hui sur l’ascendant exercé par l’un-e ou l’autre. Bremond, qui considérait que l’épanouissement mystique de Jeanne était plus précoce, a vu son ouvrage Sainte Chantal (1912) mis à l’Index car accordant trop d’importance à l’expérience religieuse individuelle. La recherche contemporaine s’efforce de s’intéresser à cette femme pour elle-même : on n’a pas fini de découvrir son intelligence, sa force de caractère, son esprit d’initiative et ses talents de direction et de gouvernance et son influence.

Oeuvres

  • 1632 : Responses de Nostre Très-Honorée et digne Mère Jeanne Françoise Frémiot sur les Règles, Constitutions et coutumier de nostre ordre de la Visitation de Ste Marie, Paris, s.n. -- 2e éd., Paris, s.n., 1665.
  • 1634 : Les Épistres spirituelles du bien-heureux François de Sales,... avec l’oraison funèbre de M. le duc de Mercoeur, recueillies par Messire Louys de Sales... [et par sainte Jeanne-Françoise Frémiot de Chantal], 4e éd., Lyon, V. de Coeursilly.
  • 1637 : Coustumier et directoire pour les soeurs religieuses de la Visitation saincte Marie [précédé de deux lettres de Jeanne-Françoise de Chantal], Paris, S. Huré.
  • 1644: Les Épistres spirituelles de la Mère Jeanne Françoise Frémiot, baronne de Chantal…, Lyon, V. de Coeursillys, 1644 -- 2e éd. Lyon, A. Cellier, 1666.
  • s.d. : Déposition de sainte Chantal pour la canonisation de saint François de Sales, suivie d'une lettre [au R. P. Jean de Saint-François] sur ses vertus..., Tours, Mame et fils, 1873.
  • s.d. : « Préface » au Coustumier et directoire pour les sœurs religieuses de la Visitation Sainte-Marie, Paris, F. Muguet, 1667.
  • Sainte Jeanne-Françoise Frémyot de Chantal, sa vie et ses œuvres, éd. par les sœurs de la Visitation d’Annecy, Paris, E. Plon, 1874-1879, 7 vol.
  • Sainte Jeanne de Chantal, Correspondance, éd. Sr Marie-Patricia Burns, Paris-Chambéry, Cerf-Centre d’études franco-italien, t. 1 (1605-1621), 1986 ; t. 2 (1622-1625), 1987 ; t. 3 (1626-1630), 1989 ; t. 4 (1630-1634), 1991 ; t. 5 (1635-1640), 1993 ; t. 6 (1640-1641), 1993.

Principales sources

En plus des fonds d’archives conservés aux Archives départementales de Haute-Savoie, à la Visitation d’Annecy et autres maisons de l’ordre voir :

  • Alexandre Fichet, Les saintes Reliques de l'Érothée, en la sainte vie de la Mère Jeanne-Françoise de Frémiot, baronne de Chantal,... excellent original de sainteté et vrai pourtrait de l'épouse de Jésus, Paris, S. Huré, 1643.
  • [Maupas du Tour, Henry de], La vie de la vénérable Mère Jeanne Françoise Fremiot, fondatrice et première Mère et religieuse de l’Ordre de la Visitation de Saincte Marie, Paris, S. Piget, 1643 (nombreuses rééditions).

Ces deux biographies sont largement nourries des « Mémoires sur la vie et les vertus de Jeanne-Françoise de Chantal », rassemblés par sa secrétaire Jacqueline de Chaugy, alors manuscrits.

  • Chaugy, Françoise-Madeleine de, Mémoires sur la vie et les vertus de sainte Jeanne- Françoise de Chantal [1642], éd. T. Boulangé, Paris, Debécourt, 1843.
  • Chaugy, Françoise-Madeleine de, Sainte Jeanne-Françoise Frémyot de Chantal, sa vie et ses œuvres, t. I, Mémoires sur la vie et les vertus de sainte-Jeanne-Françoise Frémyot de Chantal par la mère Françoise-Madeleine de Chaugy [1642], Paris, E. Plon, 1874.
  • Bussy-Rabutin, Louise-Françoise de, La Vie en abrégé de madame de Chantal, première mere et fondatrice de l'ordre de la Visitation de Sainte Marie, Paris, S. Benard, 1697.
  • Marsollier, Jacques. La Vie de la vénérable Mère de Chantal, Fondatrice, première Religieuse et première Supérieure de l'Ordre de la Visitation de Sainte Marie, 2 vol., Paris, Babuty, 1717.

Choix bibliographique

  • Bougaud, Émile, Histoire de Sainte Chantal et des origines de la Visitation, Paris, J. Lecoffre, 1861.
  • Devos, Roger, Sainte Jeanne de Chantal et la Visitation, Châteaulin, éd.d’Art Jos Le Doaré, 1972.
  • Dompnier, Bernard et Dominique Julia (dir.), Visitation et Visitandines aux XVIIe et XVIIIe siècles, Saint-Étienne, Publications de l'Université de Saint-Étienne, 2001.
  • Barbiche, Bernard, Julien Coppier, Marie-Élisabeth Henneau et al. (dir.), Pour Annecy et pour le monde. L'ordre de la Visitation (1610-2010). Actes du colloque international d'Annecy (1er-3 juin 2010), Milan-Annecy, Silvana editoriale-Archives départementales de la Haute-Savoie, 2011.
  • Ravier, André, Jeanne-Françoise Frémyot, baronne de Chantal, sa race et sa grâce, Paris, At. H. Labat, 1983.

Choix iconographique

  • s.d. : Anonyme, « Portrait de Jeanne-Françoise Frémyot, baronne de Rabutin Chantal », Huile sur toile, Voiron (Isère), Monastère de la Visitation.
  • s.d. : Anonyme d’après Philippe de Champaigne, « Portrait de Ste Jeanne de Chantal », Huile sur toile 66,3 x 54,2 cm), Chambéry, Musée des Beaux-Arts, M 170.
  • s.d. : Anonyme, « Portrait de J. F. Fremiot, baronne de Chantal », gravure au burin, dans Recueil, Collection Michel Hennin, Estampes relatives à l'Histoire de France (1640-1641), t. 34, Pièces 2981-3080, BnF RESERVE QB-201 (34)-FOL.


Jugements

  • « Il faudrait un volume entier pour parler de la force de cette digne Mère, car toute sa vie en rend témoignage. Nous ne voulons pas rappeler avec quel courage elle s’est arrachée des mains de ses parents et a passé sur le corps de son propre fils pour obéir à Dieu, qui l’inspirait de sortir de sa famille. La perfection de sa force peut se juger par la constante guerre que l’ennemi lui a faite si longtemps sans rien gagner sur elle. C’était un fort et ferme rocher, qui voyait briser à ses pieds les diverses adversités, comme faisant hommage à sa constance. Lorsqu’on l’eût jugée plus faible, c’est alors qu’elle était la plus forte par la grâce de Notre-Seigneur ; forte en prospérité, ne s’évanouissant point dans la complaisance et la vanité ; forte dans l’adversité, sans s’abattre ; forte à soutenir et à supporter le prochain ; forte à se vaincre et à s’abaisser elle-même ; forte à souffrir les blâmes et les contradictions ; forte à ne point se désister des choses entreprises pour les fondations et le bien de son ordre… » (Marie-Madeleine de Chaugy, Mémoires sur la vie et les vertus de sainte Jeanne- Françoise de Chantal [1642], éd. T. Boulangé, Paris, Debécourt, 2e éd., 1845, p. 354).
  • « Dieu luy avoit tant donné de son Esprit et l’Esprit de Diue luy avoit tant desparty de sagesse et de capacité pour la conduite des Ames, qu’elle sembloit estre la Maistresse universelle de toutes les sciences mystiques et la Secrétaire des Oracles divins. Nous sçavons des Archevesques qui l’ont consultée […] et qui ont désiré une de ses Lettres, et une reigle de leur vie de sa main et de sa mode, nonobstant qu’elle fist bouclier de sa modestie [… et qu’] elle recueillit dans les fleurs de leurs belles remonstrances le plus doux miel de sa vie spirituelle, les honorant de ses obéissances […]. Il n’est aucune sorte de Lettres en laquelle elle n’ayt excellé : elle en composoit de toutes les bonnes modes, mais tant à la fois et avec une si merveilleuse promptitude qu’il sembloit qu’elle avoit plusieurs Ames dans un seul corps.» (Marie-Aymée de Blonay, « Avant-propos », dans Les Epistres spirituelles de la Mère Jeanne Françoise Frémiot, baronne de Chantal…, 2e éd., Lyon, A. Cellier, 1644, n. p.).
  • « Son style est simple, son langage est dévot, son plus grand artifice est de n’en avoir point, non plus dans ses paroles que dans ses actions […] Vous verrez icy une fille, une femme, une vefve, une religieuse douée de toutes les illustres qualitez […] une fille prevenue des graces dès son enfance […], une femme respectueuse à son mary, vigilante en la conduite de ses enfans […], une vefve humble, patiente, debonnaire […], une religieuse dans les plus hautes pratiques de la perfection […] c’est à vous mon cher Lecteur de choisir… » (Henry de Maupas du Tour, La vie de la vénérable Mère Jeanne Françoise Fremiot, fondatrice et première Mère et religieuse de l’Ordre de la Visitation de Saincte Marie, Paris, S. Piget, 1645, p. 13- 14).
  • « Vous faites trop d’honneur à Marie de Rabutin-Chantal de prendre son fait et cause ; mais savez-vous que si Jeanne Frémyot n’étoit dans le ciel, elle vous gronderoit ? Elle étoit fille de deux ou trois présidents (oh ! oh ! pour qui nous prenez-vous ?) et Berbisey par sa mère. » (Mme de Sévigné, Lettre à Mme de Grignan du 2 février 1689, dans Mme de sévigné, Correspondance, éd. R. Duchêne, Paris, Gallimard, coll. « Bibliothèque de la Pléiade », t. III, p. 492).
  • « En 1610, l’épanouissement mystique de sainte Chantal est accompli. Expérience, science, précoce maîtrise, saint Françoise de Sales s'incline allègrement devant elle » (Henri Bremond, Sainte Chantal (1572-1641), Paris, J. Gabalda, 2e éd., 1912, p. 84).
  • « […] sans se prévaloir jamais du titre de Mère générale, sainte Jeanne de Chantal a profondément marqué l’Ordre de la Visitation et lui a permis de passer dans de bonnes conditions l’étape difficile d’une première et rapide croissance. À sa mort, elle laissait quatre-vingt-sept monastères, dont certains déjà solidement établis dans des villes importantes. Par son autorité de fondatrice, de gardienne et d’interprète de la pensée de saint François de Sales, au prix de décisions parfois assez rudes, elle sut maintenir l’union, la régularité et la ferveur […]. Mais on aurait tort de ne voir en elle que « la femme forte » ; Sa correspondance révèle avec un grand bon sens pratique et une profonde connaissance de la psychologie féminine, une sensibilité toute maternelle, toujours disponible pour écouter, consoler, relever les courages » (Roger Devos, Les Visitandines d’Annecy aux XVIIe et XVIIIe s., Annecy, Académie Salésienne, 1973).
  • « [À propos de l’intérêt de la correspondance de Jeanne de Chantal], il nous révèle en pleine lumière cette grande inconnue, j’allais dire cette grande méconnue, dont on a fait trop facilement l’ombre anonyme du prodigieux évêque de Genève. Nous la saisissons ici dans le feu de l’action, à ras de la vie, aux prises avec des problèmes réels, pressants, quotidiens qui exigent des décisions immédiates ; elle se dresse devant nous dans sa haute taille humaine, que la grâce habite et anime, mais sans la déformer. Jeanne de Chantal, en fait, était une très ‘grande dame’, passionnée et toujours maîtresse d’elle-même, […] attachante et attachée, mais toujours libre d’une impétueuse liberté intérieure (André Ravier, « Introduction générale » dans Jeanne de Chantal, Correspondance, éd. M. P. Burns, t. 1, Paris, Cerf, 1986, p. 8).
  • « On la savait déjà femme d’action et mystique, Mère générale informelle, capable de maintenir, avec une « douce fermeté », la régularité et la ferveur au sein de la Visitation par son autorité de fondatrice, de ‘tradition salésienne vivante’, ; contre toute attente, et ses écrits l’attestent, on la découvre aujourd’hui maître de l’ouvrage de son ordre, inspiratrice d’un programme architectural complet, animatrice de plusieurs chantiers (Laurent Lecomte, « Jeanne de Chantal ‘maître de l’ouvrage’ de son ordre », dans Dompnier, Bernard et Dominique Julia (dir.), Visitation et Visitandines aux XVIIe et XVIIIe siècles, Saint-Étienne, Publications de l'Université de Saint-Étienne, 2001, p. 101).
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