Isabelle Péna

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Isabelle Péna
Conjoint(s) Marc Pioche de La Vergne (de février 1633 à décembre 1649); Renaud-René de Sévigné (de décembre 1650 à la mort
Dénomination(s) Mme de La Vergne, Mme de Sévigné, Mme de Sévigny, baronne de Champiré-Baraton
Biographie
Date de naissance vers 1610
Date de décès 2 février 1656
Notice(s) dans dictionnaire(s) ancien(s)



Notice de Nathalie Grande, 2021

Deuxième fille de Michelle Couppe et de François Péna, « médecin ordinaire du roi », la future mère de Mme de Lafayette est une roturière, issue d’une famille d’origine provençale de médecins. On ne sait rien de son enfance sauf qu’elle a perdu jeune ses deux parents et a été recueillie par un oncle également médecin, Lazare Péna : c’est lui qui signe comme tuteur lors de son mariage avec Marc Pioche de La Vergne, dont le nom apparemment noble ne doit pas cacher l’origine roturière. Elle a autour de 20 ans tandis que son époux approche les 45 ans. Des signatures prestigieuses figurent à ce contrat de mariage (Marie-Madeleine de Vignerod, marquise de Combalet, future duchesse d’Aiguillon et très influente nièce du cardinal de Richelieu; Charlotte-Marguerite de Montmorency, princesse de Condé et mère du Grand Condé; sa fille Anne-Geneviève de Bourbon, future duchesse de Longueville; Julie d' Angennes de Rambouillet|Julie d’Angennes]], fille de la marquise de Rambouillet et future duchesse de Montausier) manifestant les relations de haute volée qu’entretiennent les deux époux. Surtout, on note que Mme de Combalet se montre généreuse puisqu’elle dote Isabelle Péna de 10 000 livres : s’agit-il d’une manière de la remercier pour son service auprès d’elle ? Ou bien faut-il y voir une manière de récompenser aussi le futur, alors en charge comme gouverneur de l’éducation du jeune Jean Armand de Maillé, marquis de Brézé, autre neveu du tout-puissant cardinal ? En tout cas cette somme, bien gérée par Marc Pioche, est à l’origine de la fortune patrimoniale du couple : elle a notamment servi à bâtir un hôtel particulier à l’angle de la rue Férou et de la rue de Vaugirard. Pourtant les époux vont s’installer au Petit Luxembourg, chez Mme de Combalet, signe que leur service les appelle tous deux à être des proches de la famille Richelieu. C’est là en 1634 que va naître leur première fille, Marie-Madeleine, la future romancière. La naissance de deux autres filles, Éléonore-Armande en 1635 et Isabelle-Louise en 1636, amène la famille Pioche de La Vergne à quitter l’appartement de fonction pour rejoindre leur hôtel tout proche, signe de l’aisance acquise. La mort brutale de son époux en décembre 1649 n’est pas pleurée longtemps par Isabelle Péna : elle épouse, un an presque jour pour jour après son veuvage, un ex-chevalier de Malte revenu à la vie civile, le chevalier Renaud-René de Sévigné, son aîné d’une quinzaine d’années. Ce modeste cadet de famille est certes un aristocrate (oncle de la fameuse épistolière) mais désargenté. Lors du partage entre entre mère et filles de la petite fortune familiale, Isabelle Péna récupéra la moitié du patrimoine constitué lors de son précédent mariage et favorisa par le contrat de mariage son nouvel époux au détriment de ses enfants. Pour avantager son aînée, Isabelle Péna envoie alors chez les Ursulines de Valençay ses deux filles cadettes, qui y resteront toute leur vie, une stratégie courante à l’époque, pour les filles comme pour les garçons. Grâce à la recommandation de son mari, elle entre en correspondance avec Christine de France, duchesse de Savoie, et l’on sait qu’elle reçoit et est reçue dans les milieux parisiens en vue, par exemple chez Mme de Rambouillet et chez Mlle de Scudéry. Nul doute que cette femme habile n’est pas pour rien dans la visibilité mondaine de sa fille, comme dans sa future élévation aristocratique.
L’échec de la Fronde oblige Isabelle Péna à suivre son époux qui part se retirer dans ses terres angevines, dans sa petite propriété de Champiré-Baraton. Elle l’y rejoint avec sa fille en février 1653, et l’érudit Gilles Ménage est du voyage. Elle rentre fin 1654 à Paris avec Marie-Madeleine, officiellement pour la guérir d’une mauvaise fièvre. En fait, elle négocie le mariage de cette dernière, alors âgée de 21 ans, avec un aristocrate veuf mais encore assez jeune, le comte de Lafayette : le mariage est conclu en février 1655, d’autant plus rapidement que le comte accepte d’épouser la fille sur ses espérances, sans versement immédiat d’une dot. La nouvelle Mme de Lafayette part pour l’Auvergne, tandis que sa mère rejoint son mari en Anjou ; elles ne se reverront plus. Isabelle Péna meurt le 2 février 1656 à Angers et est enterrée paroisse Saint Maurille. Le décès prématuré de sa mère ramène Mme de Lafayette à Paris après presque un an en Auvergne pour s’occuper des détails de la succession, et les époux Lafayette choisissent de laisser l’usufruit de l’ensemble des biens à Renaud-René de Sévigné, moyen pour eux de recouvrer l’intégralité du patrimoine après le décès de ce dernier.
Quoique présente dans différents documents de l’époque, Isabelle Péna n’a jusque là pas suscité l’intérêt des historiens ; pourtant son parcours témoigne des possibilités d’ascension sociale, par le service et par le mariage, offertes aux femmes gravitant dans les clientèles des puissant-e-s. Sa fille, devenue comtesse de Lafayette, en témoigne aussi parfaitement.

Sources

  • Correspondance du chevalier de Sévigné et de Christine de France, duchesse de Savoie, éd. Jean Lemoine et Frédéric Saulnier, Paris, Société de l’histoire de France, 1911.

Choix bibliographique

  • Duchêne Roger, Madame de Lafayette, la romancière aux cent bras, Paris, Fayard, 1988, rééd. 2000.
  • Grande Nathalie, Madame de Lafayette ou les passions subjuguées, SIEFAR, 2021 [1]

Jugements

  • « Madame, dit-on de La Vergne,/ De Paris et non d’Auvergne,/ Voyant un front assez uni/ Au chevalier de Sévigni,/ Galant homme et de belle taille/ Pour aller à la bataille,/ D’elle seule prenant aveu,/

L’a réduit à rompre son vœu./ Si bien, qu’au lieu d’aller à Malte,/ Auprès d’icelle il a fait halte/ En qualité de son mari,/ Qui n’en est nullement marri,/ Cette affaire lui semblant bonne./ Mais cette charmante mignonne,/ Qu’elle [Mme de La Vergne] a de son premier époux,/ En témoigne un peu de courroux/ Ayant cru, pour être fort belle,/ Que la fête serait pour elle,/ Que l’Amour ne trempe ses dards,/ Que dans ses aimables regards,/ Que les filles fraîches et neuves/ Se doivent préférer aux veuves,/ Et qu’un de ces tendrons charmants/ Vaut mieux que quarante mamans. » (Loret, La Muse historique, janvier 1651)

  • « Madame, Encore que je n’aie pas si souvent l’honneur de vous voir que quantité de beaux esprits et de beaux hommes qui font si souvent chez vous de grosses assemblées, je vous prie de croire qu’il n’y a ni bel homme ni bel esprit qui vous honore tant que moi. Cela étant si vrai qu’il n’y a rien de plus vrai, je crois que vous m’obtiendrez de votre grande duchesse [i. e. Mme de Combalet, duchesse d’Aiguillon] une lettre pour le gouvernement du Havre, afin qu’il facilite notre gouvernement [Mme de Combalet a assuré la charge de gouverneur du Havre de 1649 à 1661]. Quand je dis votre grande duchesse, je dirais aussi bien la mienne, si j’osais; mais je sais assez régler mon ambition pour un poète. Vous ne serez quitte avec moi pour une importunité ; je vous prie de donner les placets que je vous envoie à M. de Barillon, et à ceux de sa chambre qui sont connus de vous. Je baise humblement les mains à monseigneur de Sévigné, à mademoiselle de la Vergne, toute lumineuse, toute précieuse, toute, etc., et à vous, madame, à qui je suis de toute mon âme, Madame, votre très-humble et très-affectionné serviteur, Scarron. (Paul Scarron, lettre non datée, Dernières Œuvres de Monsieur Scarron, Paris, Guillaume de Luyne, 1663)
  • « [Catherine Henriette d’Angennes de La Louppe] était jolie, elle était belle, elle était précieuse par son air et par sa modestie. Elle logeait tout proche de Mme de La Vergne [le mémorialiste donne à Isabelle Péna le nom de son défunt mari, et non celui de son mari vivant]. Elle était amie intime de mademoiselle sa fille ; elles avaient même percé une porte par laquelle elles se voyaient sans sortir du logis. Cette Mme de La Vergne était une honnête femme dans le fond, mais intéressée au dernier point et plus susceptible de vanité pour toute sorte d’intrigue, sans exception, que femme que j’aie jamais connue. […L’affaire] était d’une nature à effaroucher d’abord une prude. J’assaisonnai mon discours de tant de protestations de bonne intention et d’honnêteté qu’il ne fut pas rebuté ; mais aussi ne fut-il reçu que sous les promesses solennelles que je fis de ne prétendre jamais qu’elle étendît les offices que je lui demandais au-delà de ceux que l’on peut rendre en conscience pour procurer une bonne, chaste, pure, simple et sainte amitié. » (Paul de Gondi, cardinal de Retz, Mémoires, éd. Simone Bertière, Paris, Livre de Poche/Classiques Garnier, «La Pochothèque», 1999, p. 949)
  • « Mme de La Vergne, qui avait épousé en secondes noces M. le chevalier de Sévigné, et qui demeurait en Anjou, avec son mari, m’y vint voir [à Nantes où le cardinal est incarcéré] et y amena Mlle de La Vergne, sa fille, qui est présentement Mme de Lafayette. Elle était fort jolie et fort aimable, et elle avait, de plus, beaucoup d’air de Mme de Lesdiguières. Elle me plut beaucoup ; la vérité est que je ne lui plus guère, soit qu’elle n’eût pas beaucoup d’inclination pour moi, soit que la défiance que sa mère et son beau-père lui avait donnée, dès Paris, même avec application, de mes inconstances et de mes différentes amours, la missent en garde contre moi. (ibid., p. 1119)
  • « Les liens de la nièce de Richelieu et de la nouvelle mariée [Isabelle Péna] sont énoncés dans le contrat : la première a participé à la dot de la seconde « pour l’amitié qu’elle lui porte ». En langage de notaire, cela veut dire qu’Isabelle Péna fait partie des domestiques de la grande dame, qui la récompense de ses services en la dotant. » Roger Duchêne, Mme de Lafayette, la romancière aux cent bras [1988], Paris, Fayard, 2000, p. 19.
  • « Cette décision (d’envoyer ses filles cadettes au couvent) témoigne d’une alliance entre la mère et sa fille aînée, car seule la mère avait l’autorité pour prendre cette décision pour ses filles mineures, décision qui en les privant de leur qualité d’héritières (une pension de quelques centaines de livres versée au couvent leur vie durant soldait leurs droits), assurait l’avantage de l’aînée. C’est pourquoi on peut douter qu’il y ait eu rivalité entre mère et fille, car Isabelle Péna une fois remariée a continué à veiller précieusement sur sa fille aînée. Par ailleurs, si le mariage de la mère pénalisait l’héritière en titre sur le plan patrimonial, en revanche nul doute qu’il lui a été très favorable sur le plan social. [...] De cette implantation dans le milieu aristocratique témoigne bientôt la charge de «demoiselle d’honneur de la reine» Anne d’Autriche, que Marie-Madeleine reçoit, quelques mois après le mariage de sa mère. Ce titre est purement honorifique, et ne fait pas de la jeune Marie-Madeleine une intime de l’entourage de la reine ; mais il signale comment le mariage de la mère avec un aristocrate a permis à sa fille d’avoir ses entrées à la cour, et comment il a ainsi contribué à préparer sa future accession à la noblesse par mariage interposé. » (Nathalie Grande, Madame de Lafayette ou les passions subjuguées, SIEFAR, 2021, p. 10).
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