Héloïse/Fortunée Briquet
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HÉLOÏSE ou LOUISE, fut célèbre par sa beauté, ses talens et ses malheurs. L'étendue de ses lumières la fit appeler Héloïse, du mot Héloï, qui signifie Divinité. Orpheline de bonne heure, elle dut son éducation à son oncle Fulbert, chanoine de la cathédrale de Paris. Dès l'âge de dix-sept ans, elle savait parfaitement l'hébreu, le grec et le latin. Fulbert, qui voulait que sa nièce fut aussi intéressante par son esprit, qu'elle l'était par sa figure, lui donna pour maître de philosophie le savant Abeilard. Le voir et l'aimer fut pour elle la même chose. On connaît la suite de cette liaison, son mariage avec Abeilard, et la catastrophe qui la sépara de cet époux chéri. Elle se fit religieuse à 32 ans, dans le couvent d'Argenteuil. La régularité de sa conduite l'y fit nommer prieure avant l'âge de 28 ans. L'ambitieux Suger ne respecta pas l'asyle d'Héloise. Pour accroître et embellir le monastère de Saint-Denis, dont il était abbé, il s'appuya de quelques vieux titres du 7e. siècle, par lesquels il prétendit que Saint-Denis avait des droits à d'Argenteuil. Pour arriver plus sûrement à son but, il accusa les religieuses d'excès scandaleux. Héloïse, obligée de sortir de son couvent, en 1129, se retira au Paraclet, dont Abeilard était le fondateur. Huit ou dix de ses compagnes l'y suivirent. D'une voix unanime, elle fut élue supérieure de cette nouvelle maison. Innocent II lui donna le titre d'abbesse. La renommée étendit tellement sa réputation, que Saint Bernard vint lui rendre visite. Ils eurent une discussion, qui donna à Saint Bernard une grande idée de l'érudition et de la modestie d'Héloïse. Elle perdit, en 1142, Abeilard, dont les cendres furent portées au Paraclet. La mort enleva Héloïse à l'âge de 63 ans, le 17 mai 1163. On l'inhuma dans le tombeau de son cher Abeilard. Les aventures de ces deux époux ont fourni à Guys, de l'Académie de Marseille, le sujet d'une pièce dramatique en 5 actes et en vers, intitulée: Héloïse et Abeilard. Leur histoire a été composée par Dom Gervaise, ancien abbé de la Trape, Paris, Musier et Barois, 1720, 2 vol. in-12. On doit un Abregé de leur vie à Charles Cailleau, 1770, in-12. De l'Aulnaye a placé une biographie très-étendue d'Abeilard et d'Héloïse, à la tête de la belle édition que Fournier jeune a publiée des lettres de ces deux amans; Paris, 1796, in-4. Leurs infortunes ont été écrites et chantées dans toutes les langues.
Il est resté d'Héloïse trois Lettres latines, adressées à son époux. Elle les lui envoya du Paraclet. D'Amboise les a mises au jour avec celles d'Abeilard, 1616, in-4. On y trouve l'histoire d'Abeilard et d'Héloïse, avec des notes d'André Duchesne. Leurs lettres parurent à Londres, 1618, in-8. Dom Gervaise les publia en latin et en français, avec des notes historiques, Paris, Musier, 1723, 2 vol. in-12. Ces lettres ont été traduites ou imitées par différens auteurs. Chez les Anglais, on cite Joseph Berington et Pope; chez les Français, on nomme Bussy Rabutin, Beauchamps, Cailleau, Saurin, G.Dourxigné, Feutry, Mercier, Dorat, Colardeau, etc. Les lettres d'Héloïse, au jugement des savans, sont admirables par la pureté de la diction et l'élégance du style. Elles sont pleines de feu et d'imagination.
Ses malheurs et son attachement pour Abeilard rendront sa mémoire toujours chère aux ames sensibles, et ses talens la feront toujours regarder par les littérateurs comme une personne d'un très-grand mérite. Née dans un siècle remarquable par l'ignorance, elle eut un génie qui l'aurait fait paraître un personnage éclatant dans les plus beaux jours du siècle de Louis XIV. Ce qui s'est passé de mémorable sous les règnes de Louis le Gros et de Louis le Jeune est presque oublié, tandis que les infortunes d'Héloïse sont connues de tout le monde. Cette longue célébrité est un sûr garant que son nom ne s'effacera pas dans les fastes de la postérité.