Gabrielle-Emilie Le Tonnelier de Breteuil/Fortunée Briquet
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CHASTELET, (Gabrielle-Emilie le Tonnelier de Breteuil, marquise du) née* à Paris, le 17 décembre 1706. Plusieurs personnages distingués, charmés de son esprit et de ses grâces, recherchèrent le don de sa main. Elle épousa le marquis du Chastelet-Lomon. Douée du goût le plus vif pour l'étude des sciences, elle sut de très-bonne heure plusieurs langues savantes. Le Tasse, Milton et Virgile lui étaient familiers. Après s'être occupée de littérature, elle s'adonna à la physique et aux mathématiques. Le compas d'Uranie ne fut point déplacé dans ses mains. Un poète (Salverte) a dit:
Près de Voltaire et de Newton,
Les dons célestes d'Uranie
Ont placé la belle Émilie
Au temple sacré d'Apollon.
Tout ce qui occupe la société était de son ressort, hors la médisance. Née avec une éloquence singulière, cette éloquence, dit Voltaire, ne se déployait que lorsqu'elle avait des objets dignes d'elle. Le mot propre, la précision, la justesse et la force en étaient le caractère. La fermeté sévère et la trempe vigoureuse de son esprit ne le rendaient pas inaccessible aux beautés de sentiment; jamais oreille ne fut plus sensible à l'harmonie. Elle eut pour Newton l'avantage d'unir à la profondeur de la philosophie, le goût le plus vif et le plus délicat pour les belles-lettres. Voltaire lui dédia Alzire. Cet immortel écrivain chanta souvent dans ses vers les talens et les grâces de Madame du Chastelet; il lui paya le tribut d'admiration qui était dû à son génie, dans l'Eloge historique qu'on a placé à la tête de la Traduction des Principes de Newton. L'académie de l'Institut de Bologne la reçut parmi ses membres. Elle fut l'un des ornemens des fêtes de Sceaux. Un auteur ayant été enfermé, pour avoir écrit contr'elle, Madame du Chastelet prit la plume en sa faveur, et lui procura sa liberté. Elle mourut au palais de Lunéville, le 10 août 1749.
Madame du Chastelet commença une Traduction de l'Enéide, dont le chantre de Henri a vu plusieurs morceaux remplis de l'ame de son auteur. Elle a laissé manuscrites des Observationsjustes et ingénieuses sur la Langue française. Euridioée montra la littérature à ses enfans; Zénobie apprit à ses fils le grec, l'égyptien et le latin; Cornélie, mère des Gracques, leur fit connaître l'éloquence latine; Madame du Chastelet non-seulement enseigna la géométrie à son fils, mais encore Elle composa pour lui: Institutions de Physique, in-8. C'est une explication de la philosophie de Leibnitz. Cet ouvrage est précédé d'un discours préliminaire qui est un chef-d'oeuvre de raison et d'éloquence. Au jugement de Voltaire, elle a répandu dans le reste du livre une méthode et une clarté que Leibnitz n'eut jamais, et dont ses idées ont besoin, soit qu'on veuille seulement les entendre, soit qu'on veuille le réfuter. Madame du Chastelet publia ensuite un Traité de la nature du feu, in-8. Elle avait l'esprit trop juste, pour se contenter des vaines hypothèses de la métaphysique. Elle connut Newton, et le philosophe allemand lui fut sacrifié. Après se l'être rendu familier par le travail le plus opiniâtre, elle traduisit ses Principes mathématiques de la Philosophie naturelle. Elle y ajouta un commentaire, où les principaux phénomènes du système du monde sont expliqués avec précision et clarté. Cet ouvrage fut imprimé après sa mort, en 2 vol. in-4. Voltaire a dit: «Cette traduction, que les plus savans hommes de France devaient faire, et que les autres doivent étudier, une femme l'a entreprise et achevée, à l'étonnement et à la gloire de son pays... On a vu deux prodiges: l'un que Newton ait fait cet ouvrage; l'autre qu'une Dame l'ait traduit et l'ait éclairci». A l'égard du commentaire, il est au-dessus de la traduction. Madame du Chastelet y travailla sur les idées de Clairaut. Elle fit tous les calculs elle-même, et quand elle avait achevé un chapitre, Clairaut l'examinait et le corrigeait. On lui doit encore: Réflexions sur le Bonheur. Ces réflexions ont été publiées dans un recueil intitulé: Opuscules philosophiques et littéraires; Paris, Chevet, 1796, in-8. On avait envoyé pour étrennes à Madame du Chastelet les vers suivans:
Une étrenne frivole à la docte Uranie,
Peut-on la présenter? Oh! très-bien, j'en réponds.
Tout lui plaît, tout convient à son docte génie:
Les livres, les bijoux, les compas, les pompons,
Les vers, les diamans, les biribis, l'optique,
L'algèbre, les soupers, le latin, les jupons,
L'opéra, les procès, le bal et la physique.
Madame du Chastelet répondit:
Hélas! vous avez oublié,
Dans cette longue kirielle,
De placer le mot d'amitié!
Je donnerais tout le reste pour elle.
- Erratum: née, lisez naquit.