Françoise Moreau/Henri Lyonnet
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[27] Le genre noble restait le privilège de l'Opéra. La Comédie italienne, placée au second plan, -bien qu'on s'y amusât plus que partout ailleurs- n'était considérée qu'avec un certain dédain par quelques-uns, et il ne faut pas chercher d'autre cause si la plupart des pièces de Marivaux créées au théâtre italien, ne jouirent pas d'une faveur plus grande en leur siècle. Mais si l'Opéra était le théâtre de l'Aristocratie, il faut reconnaître que c'était une singulière administration que celle où les directeurs tenaient lieu de mercures galants.
Deux soeurs, Louison et Fanchon Moreau, l'une laide, [28] énorme, courte et mal bâtie, l'autre fort belle, gracieuse et d'une taille élégante, figuraient à l'Opéra dans des rôles secondaires. Monseigneur, fils de Louis XIV, épris des charmes de la séduisante Fanchon, ordonne à Francine, directeur de l'Académie, d'expédier cette virtuose à Choisy dans le plus bref délai. Francine, à son tour, charge de ce soin Dumont, son associé. La feuille de route indiquant le lieu et l'heure du rendez-vous est remise par erreur à la grosse Louison. Quelle aubaine pour une fille peu accoutumée à ce genre de fêtes! Louison arrive. Monseigneur la reçoit à bras ouverts, la fait asseoir à sa table. Certes, il faut sans doute attribuer aux illusions du théâtre cette différence physique, mais il n'en persiste pas moins dans son projet. Voici Dumont qui s'aperçoit de la méprise. Il galope vers Choisy tenant en laisse la belle Fanchon pour la substituer à la laide. Trop tard! Monseigneur a poussé les verroux de son cabinet. Dumont crie son erreur à travers la porte, qui ne s'ouvre qu'un quart d'heure plus tard. Une autre fois, ce sera le tour de Fanchon. Le prince glisse dix louis dans la main de la belle délaissée qui les jette au nez de son directeur, tandis que Louison le gratifie en même temps d'un soufflet bien appliqué. Au mois d'avril suivant, Fanchon quittait l'Opéra pour entrer dans un couvent. Le roi lui fit donner 1.500 livres qui devaient être converties en pension le jour où elle prendrait le voile, mais en 1708, la pénitente épousait le marquis de Villiers.