Madeleine-Céleste Fieuzal

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Madeleine-Céleste Fieuzal
Dénomination(s) Madeleine-Céleste Fieusacq
Biographie
Date de naissance 1746
Date de décès 1780
Notice(s) dans dictionnaire(s) ancien(s)
Autre(s) dictionnaire(s) en ligne
Dictionnaire CESAR - Calendrier électronique des spectacles sous l'Ancien Régime et sous la Révolution


Notice de Jean-Philippe Van Aelbrouck, 2005.

Née à Paris le 21 mai 1746, fille cadette des comédiens Jean-François Fieuzal (ou Fieusacq, ainsi qu'il signe), dit Durancy, et de Françoise-Marine-Antoinette Dessuslefour, dite Mlle Darimath -actrice réputée dans le comique de caractère d'après ses contemporains-, Madeleine-Céleste Durancy arrive à Bruxelles avec ses parents et joue les rôles d'enfants dès 1752, dans la troupe du Théâtre de la Monnaie dirigée par son père. Dans l'incapacité de payer le loyer du théâtre, la famille quitte Bruxelles en 1755 pour Bordeaux. Elle gagne ensuite Genève pour se joindre à la troupe de Lemoyne qui, faute d'autorisation, doit s'installer à Carouges, aux portes de la ville protestante.
Dans le courant de l'année 1757 ou 1758, Durancy présente sa fille à Voltaire, qui vient de quitter Paris pour s'établir aux Délices (Ferney). Le philosophe l'estime suffisamment douée pour prendre en charge sa formation théâtrale et la mettre entre les mains du grand comédien Lekain. En peu de temps, elle acquiert le bagage nécessaire à son entrée à la Comédie-Française, où elle débute le 19 juillet 1759 dans les rôles de soubrette (Dorine dans Tartuffe). Sa jeunesse étant ressentie comme un obstacle par la direction des Français, Céleste Durancy va tenter sa chance à l'Opéra: elle est reçue le 19 juin 1762 pour son interprétation de Cléopâtre dans les Fêtes Grecques et Romaines (ballet héroïque de Fuselier et Colin) et se spécialise dans les emplois de reine. Après avoir défrayé la chronique par sa relation houleuse puis sa rupture avec le financier Collet, elle retourne à la Comédie-Française en 1766 pour doubler Mlle Dubois qui avait succédé à Mlle Clairon. Elle est reçue pour les emplois tragiques suite à de nouveaux débuts dans Héraclius, empereur d'Orientde Corneille (rôle de Pulchérie). Mais la jalousie de sa rivale, Mlle Dubois, déclenche une véritable guerre théâtrale à laquelle prennent part Voltaire et Lekain, tous deux en faveur de Mlle Durancy. Ce dernier tente une médiation entre les deux actrices et consigne la correspondance relative à cette querelle dans un journal dont on a malheureusement perdu la trace. Les intrigues de Mlle Dubois finissent par l'emporter sur la qualité de jeu de Mlle Durancy, et celle-ci se résigne à quitter la Comédie-Française, non sans avoir inspiré à Voltaire ces mots devenus légendaires: «Je mourrai bientôt et ce sera avec le regret d'avoir vu le plus beau des arts vilipendé et totalement déchu en France». Quittant les Français vers le milieu de l'année suivante, elle se produit avec beaucoup de succès au Concert spirituel le 28 mai 1767, dans un motet de Jean-Joseph Mouret, puis elle revient à Bruxelles auprès de sa soeur et de son père, séparé de Mlle Darimath depuis trois ou quatre ans. L'Opéra de Paris la réclame à nouveau et le 23 octobre 1767, elle joue le rôle d'Antiope dans le ballet en un acte Amphion (livret d'A.-L. Thomas, musique de J.-B. de La Borde).
Son père meurt à Bruxelles le 16 février 1769. Céleste Durancy poursuit une carrière brillante à l'Opéra de Paris, ponctuée de prestations remarquées par la chronique. Elle décède le 28 décembre 1780, à l'âge de trente-quatre ans.
Comparativement à ses contemporaines, Mlle Durancy a été l'une des rares actrices à avoir bénéficié de commentaires circonstanciés de la part des chroniqueurs de théâtre. Malgré un physique que tout le monde s'est accordé à qualifier d'ingrat, on a généralement loué son jeu plein d'énergie, de sentiment, de noblesse et de vérité. Ses détracteurs, en revanche, lui ont trouvé un excès de dureté et une incapacité à verser et à susciter des larmes. À sa mort, la presse lui a rendu de vibrants hommages. Depuis lors, sa biographie n'a pourtant guère intéressé les chercheurs; le parcours de la famille Durancy est encore mal connu avant son installation à Bruxelles, de même que la vie de Mlle Durancy à Paris.

Choix bibliographique

- Bachaumont, Louis Petit de, Mémoires secrets pour servir à l'histoire de la république des lettres en France depuis 1762, Londres, Adamson, 1777 et 1789, t.XVI-XVII.
- Collé, Charles, Journal historique [1751-1754], Paris, Impr. bibliographique, 1807, t.III, p.280.
- Manne, Edmond-Denis de, Galerie historique des comédiens français de la troupe de Voltaire, Lyon, N. Scheuring, 1877, p.202-206.
- Mettra, Louis-François, Correspondance secrète, politique et littéraire, ou mémoires pour servir à l'histoire des cours, des sociétés, et de la littératures en France, depuis la mort de Louis XIV, Londres, Adamson, 1787-1790, t.VIII et XI.

Liens électroniques

- Notice dans Lemazurier, Pierre David, Galerie historique des acteurs du théâtre français depuis 1600 jusqu'à nos jours, Paris, J. Chaumerot, 1810, II, p.217-221

Jugements

«Le lendemain 13 [décembre 1753], les mêmes Comédiens firent représenter par Mlles Durancy, d'Hannetaire, Deschamps, Sophie et Rosalide, les plus jeunes Filles de la Troupe, les Folies Amoureuses; l'on peut dire qu'elles s'en acquitèrent avec autant de facilité et de présence d'esprit que les Acteurs les plus consommés sur le Théâtre; avant de commencer cette Pièce, Mlle Durancy, autrement nommée Mlle Céleste, si connue par ses Talens naissans, fit au Public un petit discours préliminaire qui fut prononcé avec tout l'Art, la précision et les grâces d'une Fille de 6 ans, il fut generalement applaudi» (Almanach historique et chronologique de la Comédie Françoise établie à Bruxelles, Bruxelles, 1754).
- «Mlle Durancy, âgée de treize ans, et deux mois débuta le 19 Juillet [1759] dans les rôles de Soubrette, par celui de Dorine dans le Tartuffe. Les applaudissemens qu'elle a obtenus ne sont pas l'effet de l'indulgence qu'on a pour une Actrice de son âge. Son jeu n'est ni copié, ni communiqué; il est à elle. Une action vive, naturelle, aisée, beaucoup d'intelligence dans les détails, tels sont les talents qu'elle a fait paroître, mais surtout dans la Soubrette des Folies amoureuses. Ce qui marque un succès bien décidé dans son début, c'est que n'ayant été encouragée par aucun applaudissement en entrant sur la Scène, elle les a tous réunis. On ne doit pas lui dissimuler cependant qu'elle ne ménage pas assez sa voix, qu'elle néglige un peu trop les nuances, et qu'il manque à l'extrême vérité qu'elle met dans ses rôles une certaine gentillesse qui est surtout dans le caractère d'une Soubrette de son âge» (Mercure de France, août 1759).
- «Le 19 Juin [1762], Mlle Duranci débuta [à l'Opéra] dans les Fêtes Grecques et Romaines, par le rôle de Cléopatre, le même rôle par lequel avoit débuté Mlle Hebert [le 15 juin 1762]. La différence de hauteur dans les tailles de ces deux Débutantes a présenté un contraste fort sensible. Quant à la voix, les Musiciens Artistes comme les Musiciens amateurs ont jugé celle de Mlle Duranci très-bien timbrée, d'une qualité de son agréable et d'une singuliere étendue. Le volume, sans être du premier ordre, a paru fort au-dessus de ce qu'on appelle petites voix, et suffisant à tous les caractéres de rôles sur ce Théâtre. Si l'on ne trouve pas encore dans les cadences, ce qu'il faudroit pour admirer, on n'y trouve rien dont on soit choqué» (Mercure de France, juillet 1762).
- «Je me sens un peu mieux quand je songe que ma petite Durancy est devenue une Clairon. J'eus très grande opinion d'elle lorsque je la vis débuter sur des tréteaux en Savoie aux portes de Genêve, et je vous prie quand vous la verrez de la faire souvenir de mes prophéties; mais je vous avoue que je suis étonné qu'elle ait pris Pulchérie pour se faire valoir; c'est ressusciter un mort après 90 ans; Pulchérie est à mon gré un des plus mauvais ouvrages de Corneille. Je sens bien qu'elle a voulu prendre un rôle tout neuf, mais quand on prend un habit neuf il ne faut pas le prendre de bure» (lettre de Voltaire au comte d'Argental, 22 octobre 1766, Voltaire's Correspondance, éd. T. Besterman, Genève, Institut et Musée Voltaire, 1953-1965, no 12731).
- «On trouve d'abord des reproches à faire à Mlle Durancy jusques sur l'excès d'intelligence avec lequel elle détaille, elle détache les moindres parties d'un rôle; on se plaignoit que, par des suspensions et des silences trop affectés, elle découpoit quelquefois le sens d'un vers et démasquoit trop l'art de l'actrice aux dépens de celui du poëte. [...] Les partisans de cette Actrice, en convenant même d'une partie de ce qu'on vient de dire, ont droit à leur tour de faire valoir la véhémence de son jeu et de son expression. [...] Mais tous ces mouvemens, toute cette impétuosité, que l'on applaudit dans la nouvelle Actrice, naissent-ils d'une inspiration naturelle? En un mot, pour nous servir de l'élocution commune, a-t-elle ce qu'on appelle de l'âme, ou n'a-t-elle que de l'art? voilà ce qui paroît encore le plus contesté entre les partis et ce qu'assurément nous ne nous ingérerons pas de décider» (Mercure de France, décembre 1766).
- «Mlle Durancy joue, dit-on (et c'est la voix publique), avec toute l'intelligence et tout l'art imaginable; elle est faitte pour remplacer Mlle Duménil, mais elle ne sçait point pleurer, et par conséquent ne fera jamais répandre de larmes» (lettre de Voltaire au duc de Richelieu, 25 avril 1767, Voltaire's Correspondance..., voir supra, no 13245).
- «Peu de Comédiens ont eu plus à se plaindre des circonstances que cette Actrice, trop peu connue, et qui, par cette raison, sera sans doute trop peu regrettée; on peut même dire qu'il ne lui a manqué que d'être plus jolie pour exciter un enthousiasme pareil à celui qu'ont fait naître quelques Comédiennes plus éloignées d'elle, cent fois, par les talens que par la figure. Si une femme de Théâtre peut être réputée pour laide quand, à de très-beaux yeux, elle joint un masque très-mobile, une physionomie pleine de tout ce que l'expression théâtrale demande de nuances et de vérité, Mlle Durancy étoit laide; mais on peut avancer que les connoisseurs ne lui ont jamais fait ce reproche; et que si elle le méritoit, la noblesse de sa démarche, la grâce de son maintien, la vérité de ses gestes, l'intelligence de son jeu, la sensibilité de son ame, étoient des titres plus que suffisans pour faire oublier ce que les agréables, qui voltigeoient dans les coulisses et dans les foyers, appeloient sa laideur» (Mercure de France, 6 janvier 1781).
- «Avec une figure marquée, elle avoit trouvé le secret de plaire dans le rôle de Colette, tendre et noble dans Ernelinde, touchante dans Castor, elle étoit sublime dans Clytemnestre et se faisoit encore admirer dans les rôles de la Haine et de Méduse. Elle étoit si passionnée dans ses rôles, qu'elle faisoit oublier sa figure. Si elle n'a pas été la meilleure Chanteuse de l'Opéra, elle en a été sûrement la plus grande Actrice. Il ne lui a manqué que de la beauté pour faire rendre plus de justice à ses talens concernant la déclamation et pour exciter de l'enthousiasme. Personne n'a essuyé plus de persécutions et n'a été si peu connue. Elle avoit encore dans la société des qualités rares qui doivent augmenter nos regrets et qui la faisoient chérir de ceux qui la connoissoient. Spirituelle et maligne sans méchanceté, sensible, généreuse, fille pleine de tendresse et de respect, amie délicate et courageuse; en un mot, ses talens et ses vertus paroissoient dignes d'un meilleur sort» (Les Spectacles de Paris, 1782, p.21-23).

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