Jeanne-Marie Bouvier de la Mothe/Fortunée Briquet
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GUYON, (Jeanne-Marie-Bouviere de la Mothe) née à Montargis le 13 avril 1648, épousa en 1666 le fils de l'entrepreneur du Canal de Briare. Devenue veuve à 25 ans, avec de la beauté, de la fortune et un esprit fait pour le monde, elle s'entêta du Quiétisme. Un voyage qu'elle fit à Paris, lui donna le moyen de se lier avec d'Arenthon, évêque de Genève. Les grands sentimens de piété de Madame Guyon engagèrent ce prélat à l'appeler dans son diocèse pour établir à Gex une communauté, et pour travailler à la conversion des protestans. Elle s'y rendit en 1681, après avoir abandonné tous ses biens à ses enfans et ne s'être réservé qu'une modique pension. Il y avait alors dans cette contrée un Barnabite savoyard, nommé la Combe, dont la dévotion allait pour ainsi dire jusqu'au délire. Devenu le directeur de Madame Guyon, il lui communiqua toutes ses rêveries. Ces deux enthousiastes prêchèrent, chez les Ursulines de Gex, le renoncement entier à soi-même, une indifférence totale pour la vie ou la mort, etc. L'évêque de Genève, instruit du progrès que ces deux apôtres faisaient dans leur nouveau système, cessa de les favoriser. Ils passèrent à Thonon, puis à Turin, de Turin à Grenoble, de Grenoble à Verceil, et enfin à Paris. Par-tout ils firent des prosélites. Les jeunes, les courses, les chagrins, achevèrent d'affaiblir leur cerveau. Madame Guyon se qualifiait du titre de fondatrice d'une nouvelle Eglise; elle se mêla même de prophétiser. On l'enferma, en 1688, par ordre du roi, dans le couvent de la Visitation de la rue St-Antoine à Paris. Madame de Miramion s'employa pour elle auprès de Madame de Maintenon, et lui fit rendre la liberté. Elle parut à Versailles et à St.-Cyr. Les duchesses de Charost, de Chevreuse, de Bauvilliers, de Mortemart, de Béthune, touchées de sa piété et de l'onction de son éloquence, la regardèrent comme une sainte, faite pour amener le ciel sur la terre. L'abbé de Fénélon, alors précepteur des enfans de France, forma avec elle un commerce d'amitié et de spiritualité, inspiré et conduit par la vertu. Un rapport d'humeurs, une sympathie invincible, un je ne sais quoi de touchant et d'élevé dans le caractère de l'un et de l'autre, donnèrent lieu à cette liaison. Madame Guyon sûre et fière de son illustre disciple, se servit de lui pour donner de la vogue à ses idées mystiques; elle les répandit sur-tout dans la maison de St.-Cyr. L'évêque de Chartres, Godet-Desmarêts, s'éleva contre la nouvelle doctrine. Madame Guyon crut dissiper l'orage qui se formait, en confiant tous ses écrits à Bossuet. Ce prélat, celui de Châlons, depuis cardinal de Noailles, l'abbé Tronçon, supérieur de St. -Sulpice, et Fénélon assemblés à Issy, dressèrent 34 articles, par lesquels ils voulaient proscrire les maximes pernicieuses de la fausse spiritualité, et mettre à couvert les saines maximes de la véritable. Madame Guyon, retirée à Meaux, souscrivit aux 34 articles, et promit de ne plus dogmatiser. On l'accusa de ne pas tenir parole. La cour fatiguée des plaintes qu'on portait contre elle, l'envoya d'abord au château de Vincennes, ensuite chez les filles de St. -Thomas à Vaugirard, et enfin à la Bastille. Elle en sortit en 1702, après que le Saint-Siège eut terminé la dispute de Fénélon et de Bossuet sur le Quiétisme. Depuis elle mena une vie retirée, et vécut dans un entier oubli. Elle mourut à Blois, le 9 juin 1717.
Madame Guyon est auteur de plusieurs ouvrages. Les principaux sont: les Moyens de faire oraison, Paris, 1687, 1 vol. in-8. -- Cantique des Cantiques, Lyon, 1688, 1 vol. in-8. -- Discours Chrétiens, 2 vol. -- L'Ancien et le Nouveau Testament, avec des explications et des réflexions, 20 vol. in-8. -- Opuscules spirituels, Cologne, de la Pierre, 1704, 1 vol. in-12. -- Lettres chrétiennes et spirituelles sur la vie intérieure, Cologne, de la Pierre, 1717, 4 vol. in-12. -- Sa Vie écrite par elle-même, Cologne, de la Pierre, 1720, 3 vol. in-12. Cette production est la moins commune de toutes celles que Madame Guyon a composées. -- Poésies et Cantiques spirituels, sur divers sujets qui regardent la vie intérieure; Cologne, de la Pierre, 1722, 4 vol. in-8. On remarque dans ces écrits, de l'imagination, du feu, des extravagances et un style emphatique.
Sa conduite et ses ouvrages furent très-souvent attaqués. Ses moeurs étaient pures; l'abbé de la Bletterie a écrit trois Lettres fort estimées, dans lesquelles il justifie Madame Guyon des impostures que ses ennemis avaient inventées pour noircir sa vertu. Quant à ses ouvrages, voici un extrait du testament qu'elle fit au moment de mourir: «Je dois à la vérité, et pour ma justification, protester avec serment qu'on a rendu de faux témoignages contre moi, ajoutant à mes écrits, me faisant dire et penser ce à quoi je n'avois jamais pensé, et dont j'étois infiniment éloignée; qu'on a contrefait mon écriture diverses fois; qu'on a joint la calomnie à la fausseté, me faisant des interrogatoires captieux, ne voulant point écrire ce qui me justifiait, et ajoutant à mes réponses; mettant ce que je ne disais pas, supprimant les faits véritables. Je ne dis rien des autres choses, parce que je pardonne tout, et de tout mon coeur».