Henriette de Coligny/Marguerite Buffet
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[262] Eloge de Madame la Comtesse de la Suze.
Que l'on ne vante plus les Poëtes de l'antiquité, au desavantage de nostre sexe, depuis que nous avons veu briller nostre Minerve Françoise, l'incomparable Madame la Comtesse de la Suze, l'ornement de la Cour, et la merveille de son siecle, qui sçait si bien parler le langage des Dieux, qu'elle merite d'estre au dessus des hommes. C'est dans les rares produ-[263]ctions de son esprit, la delicatesse de ses pensées, et la force de ses expressions, qu'il faut confondre les ennemis de sa gloire, et les envieux de sa reputation. On ne luy peut disputer le premier rang entre les plus beaux esprits du siecle, sans faire paroistre qu'on n'a pas le goust des bonnes choses, et qu'on est tout à fait ignorant en l'art de bien parler et de bien écrire, si le chant de ses Odes est plus charmant que celuy d'Horace. Je puis ajoûter qu'elle ne se plaint pas moins agreablement qu'Ovide dans ses élegies. Tout ce qu'elle a fait est dans les reigles, en sorte qu'on ne peut rien souhaiter dans ses ouvrages, si-[264]non de les voir un peu plus longs et en plus grand nombre. Quand on écrit aussi juste qu'elle fait, on n'écrit jamais assez. Mais je me trompe; les écrits devant servir d'exemples, il faut necessairement qu'ils soient rares.