Anne-Louise-Bénédicte de Bourbon
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Anne-Louise-Bénédicte de Bourbon | ||
Titre(s) | Mademoiselle d’Enghien Mademoiselle de Charolais Duchesse du Maine | |
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Conjoint(s) | Louis-Auguste de Bourbon, duc du Maine | |
Biographie | ||
Date de naissance | 1676 | |
Date de décès | 1753 | |
Notice(s) dans dictionnaire(s) ancien(s) | ||
Dictionnaire Pierre-Joseph Boudier de Villemert (1779) | ||
Dictionnaire Fortunée Briquet (1804) | ||
Dictionnaire Philibert Riballier et Catherine Cosson (1779) |
Sommaire
Notice de Catherine Cessac, 2008
Petite-fille de Louis II de Bourbon, dit le Grand Condé, Anne-Louise-Bénédicte de Bourbon, née à Paris en 1676, est mariée à l’âge de seize ans au duc du Maine, fils légitimé de Louis XIV et de Mme de Montespan. Fière de sa naissance et ambitieuse, elle s’ennuie pourtant très vite à la cour de Versailles et s’en évade dès qu’elle peut. Au début des années 1700, elle s’installe au château de Sceaux, ancienne demeure de Colbert. Autoritaire, extravagante, curieuse de tout, la duchesse du Maine s’entoure rapidement de ceux qui peuvent satisfaire son appétit de savoir tout autant que sa soif de briller, notamment lors des fêtes qu’elle initie à Châtenay, puis qu’elle développe à Sceaux. Elle garde à son service les anciens précepteurs de son époux, Nicolas de Malezieu, s’appliquant avec talent aux mathématiques, aux lettres, à l’histoire, au grec, à l’hébreu et à la poésie, et l’abbé Charles-Claude Genest, poète, philosophe, auteur de tragédies. A ces hommes polyvalents, académiciens de surcroît, sont confiées l’organisation et l’écriture des premières fêtes où, selon Fontenelle, la duchesse «voulait qu’il y entrât de l’idée, de l’invention, et que la joie eût de l’esprit». Très petite de taille, comme tous les membres de sa famille, elle est surnommée par sa belle-soeur Mlle de Nantes, jalouse de sa naissance, «poupée du sang». Tirant parti de ce sobriquet, la duchesse adopte comme emblème l’abeille (la mouche à miel) et la devise tirée d’Aminta du Tasse «Piccola si, ma fa pur gravi le ferite» («Petite certes, mais elle fait de profondes blessures») et crée solennellement le 11 juin 1703 l’Ordre de la Mouche à miel, parodie des ordres de chevalerie et imitation malicieuse des sociétés académiques. Une médaille est frappée à son effigie et portant l’inscription «L. BAR. D. SC. D. P. D. L. O. D. L. M. A. M.» (Ludovise, Baronne de Sceaux, Dictatrice Perpétuelle De L’Ordre De La Mouche A Miel). A la même époque, entre deux grossesses, son plus grand plaisir est de se produire sur les scènes de Sceaux ou de Clagny aux côtés du célèbre Baron. En effet, elle nourrit une véritable passion pour le théâtre, que ce soit la tragédie ou la comédie. Ses prestations scéniques lui valent les plus vives critiques, notamment celles de St-Simon. Elle joue elle-même dans les deux registres, incarnant aussi bien Azaneth, Iphigénie, Josabet que Célimène, Laurette ou Finemouche, à l’image de son caractère où ce qui pourrait passer pour de la légèreté dissimule mal un attrait farouche pour le pouvoir. A Sceaux, les fêtes atteignent leur zénith dans les années 1714-1715 avec les fameuses Grandes Nuits auxquelles participent, outre Malezieu et Genest, des écrivains de renom tels que Houdar de La Motte, Pellegrin, Roy ou Néricault Destouches, les musiciens Bernier, Mouret, Marchand, Bourgeois, Colin de Blamont, la danseuse Françoise Prévost... La conspiration de Cellamare que la duchesse mène en 1718, visant à destituer le régent pour mettre sur le trône de France Philippe V d’Espagne, lui est fatale et elle en est quitte pour un an d’exil. A son retour, que ce soit à Sceaux, au château d’Anet ou dans ses résidences parisiennes de l’Arsenal et de l’hôtel Moras, elle réunit de nouveau une cour florissante, inspirant des cercles tels que celui de Mme du Deffand où se croisent les mêmes invités (Voltaire et Emilie du Châtelet, la marquise de Lambert, le cardinal de Polignac, Fontenelle, d’Alembert...). Elle y conserve cependant la forte personnalité que dépeint le président Hénault dans ses Mémoires: «Impossible d’avoir plus d’esprit, plus d’éloquence, plus de badinage, plus de véritable politesse; mais, en même temps, on ne saurait être plus injuste, plus avantageuse, ni plus tyrannique.» Elle meurt à Paris en 1753.
Ayant toujours veillé à s’entourer des personnalités intellectuelles et artistiques les plus brillantes, la duchesse du Maine a recueilli un nombre important de dédicaces qui montrent à quel point son action de mécénat fut exemplaire, touchant à tous les arts: théâtre (Voltaire, Marivaux), poésie et grammaire (Buffier), déclamation et chant (Grimarest), musique (Mouret, Bernier, Courbois), danse (Feuillet)... Tous n’eurent de cesse de louer les centres d’intérêt et les connaissances de leur protectrice, la justesse de son jugement et, surtout, la sûreté de son goût. Sous la forme d’une conversation galante, sa correspondance avec Houdar de La Motte et la marquise de Lambert permet d’apprécier les qualités de style de la princesse.
Oeuvres
- Correspondance [1726], dans Lettres de Monsieur de La Motte, suivies d’un recueil de vers du mesme auteur, Pour servir de Supplément à ses OEuvres, sl, sn, 1754.
Choix bibliographique
-Cessac, Catherine, Couvreur, Manuel et Fabrice Preyat (dir.), La Duchesse du Maine (1676-1753), une mécène à la croisée des arts et des siècles, Bruxelles, Éditions de l’Université de Bruxelles, «Etudes sur le XVIIIe siècle», 31, 2003.
- Hellegouarc’h, Jacqueline, «Mélinade ou la duchesse du Maine. Deux contes de jeunesse de Voltaire: “Le crocheteur borgne” et “Cosi-sancta”», Revue d’histoire littéraire de la France, 78, 5, 1978, p.722-735.
- Jullien, Adolphe, Les Grandes Nuits de Sceaux: le théâtre de la duchesse du Maine d’après des documents inédits, Genève, Minkoff, 1978 [Paris, J. Baur, 1876].
- Maurel, André, La duchesse du Maine, reine de Sceaux, Paris, Hachette, 1928.
- Piépape, Général Léonce de, La duchesse du Maine, reine de Sceaux et conspiratrice (1676-1753), Paris, Plon, 1910.
Choix iconographique
-1692 : Pierre Gobert, Portrait présumé de Louise Bénédicte de Bourbon-Condé, duchesse du Maine (huile sur toile, 103 x 71 cm), Sceaux, Musée de l’Ile-de-France (Inv. 74.5.1) -- Une journée à la cour de la duchesse du Maine. Évocation d’un art de vivre où fête rimait avec esprit,catalogue d’exposition, Sceaux, Musée de l’Ile-de-France/Domaine de Sceaux, 2003, p.17.
- 1690-1700? : Louise-Bénédicte de Bourbon, duchesse du Maine, à cheval (eau-forte coloriée, 230 mm x 171 mm), Sceaux, Musée de l’Ile-de-France.
- 1704 : François de Troy, Le Festin de Didon et Énée (huile sur toile, 160 x 230 cm), Sceaux, Musée de l’Ile-de-France. -- Une journée à la cour de la duchesse du Maine. Évocation d’un art de vivre où fête rimait avec esprit,catalogue de l’exposition de Sceaux, Musée de l’Île-de-France, Domaine de Sceaux, 2003, p.6-14.
- 1705? : François de Troy, Leçon d’astronomie de la duchesse du Maine(huile sur toile, 96 x 128 cm), Sceaux, Musée de l’Île-de-France (Inv. 88.24.1) -- Une journée à la cour..., voir supra, p.43.
(dernière actualisation : décembre 2009)
Jugements
- «Que vous seriez ravie, Mademoiselle, de voir en Madame la Duchesse du Maine un esprit très-aimable & très-cultivé, propre non seulement à connoître ce qu’il y a de plus beau dans les beaux Arts, mais ce qu’il y a de plus difficile & de plus sublime dans les Sciences. Elle vous étonneroit dans les jeux d’esprit où elle s’éxerce souvent. Sa vivacité & sa pénétration sont à peine croyables. Sa presence répand l’allegresse dans tout ce Païs, & y attire une affluence de peuple continuelle [...]. Je vous assure que les plaisirs ne laissent pas d’y être choisis & diversifiez, & que la raison qui les conduit est éclairée & agisssante.» (Abbé Genest, «Lettre à Mlle de Scudéry écrite de Châtenay» [1699], dans Les Divertissemens de Seaux, Trévoux/Paris, Étienne Ganeau, 1712, p. 28-41)
- «[...] une femme de même trempe, dont l’esprit, et elle en avait aussi infiniment, avait achevé de se gâter et de se corrompre par la lecture des romans et des pièces de théâtre, dans les passions desquelles elle s’abandonnait tellement, qu’elle a passé des années à les apprendre par coeur et à les jouer publiquement elle-même. Elle avait du courage à l’excès, entreprenante, audacieuse, furieuse, ne connaissant que la passion présente et y postposant tout, indignée contre la prudence et les mesures de son mari, qu’elle appelait misères de faiblesse, à qui elle reprochait l’honneur qu’elle lui avait fait de l’épouser, qu’elle rendit petit et souple devant elle en le traitant comme un nègre, le ruinant de fond en comble sans qu’il osât proférer une parole, souffrant tout d’elle dans la frayeur qu’il en avait, et dans la terreur encore que la tête achevât tout à fait de lui tourner. Quoiqu’il lui cachât assez de choses, l’ascendant qu’elle avait sur lui était incroyable, et c’était à coups de bâton qu’elle le poussait en avant.» (Saint-Simon, Mémoires, t.II, 1701-1707, éd. Yves Coirault, Paris, Gallimard, «Bibliothèque de la Pléiade», 1983-1988, p.939)
- «Mme la duchesse du Maine, à l’âge de soixante ans, n’a encore rien acquis par l’expérience; c’est un enfant de beaucoup d’esprit; elle en a les défauts et les agréments [...]. L’idée qu’elle a d’elle-même est un préjugé qu’elle a reçu comme toutes ses autres opinions. Elle croit en elle de la même manière qu’elle croit en Dieu et en Descartes, sans examen et sans discussion. Son miroir n’a pu l’entretenir dans le moindre doute sur les agréments de sa figure; le témoignage de ses yeux lui est plus suspect que le témoignage de ceux qui ont décidé qu’elle était belle et bien faite. Sa vanité est d’un genre singulier; mais il semble qu’elle soit moins choquante, parce qu’elle n’est pas réfléchie, quoiqu’en effet elle en soit plus absurde. [...] Elle a passé sa vie à rassembler des plaisirs et des amusements de tout genre; elle n’épargne ni soins ni dépenses pour rendre sa cour agréable et brillante. Enfin, Mme la duchesse du Maine est faite pour faire dire d’elle, sans blesser la vérité, beaucoup de bien et beaucoup de mal. Elle a de la hauteur sans fierté, le goût de la dépense sans générosité, de la religion sans piété, une grande opinion d’elle-même sans mépris pour les autres, beaucoup de connaissances sans aucun savoir et tous les empressements de l’amitié sans en avoir les sentiments.» (Mme de Staal-Delaunay [v.1736], tel que cité dans Adolphe Jullien, Les grandes nuits de Sceaux, voir supra, choix bibliographique, p. 73-74)
- «Vous avez vu passer ce siècle admirable, à la gloire duquel vous avez tant contribué par votre goût et vos exemples; ce siècle qui sert de modèle au nôtre en tant de choses, et peut-être de reproche, comme il en servira à tous les âges. C’est dans ces temps illustres que les Condés vos aïeux, couverts de tant de lauriers, cultivaient et encourageaient les arts; où un Bossuet immortalisait les Héros, et instruisait les Rois; où un Fénelon, le second des hommes dans l’éloquence, et le premier dans l’art de rendre la vertu aimable, enseignait avec tant de charmes la justice et l’humanité; où les Racines, les Despréaux présidaient aux belles lettres, Lully à la Musique, le Brun à la peinture. Tous ces arts, Madame, furent accueillis surtout dans votre Palais.» (Voltaire, «Épître à son Altesse Sérénissime Madame la duchesse du Maine» [1750], dansLe Théâtre de M. de Voltaire, Amsterdam, F.-C. Richoff, t.III, 1762, p.109)
- «Mettez-moi toujours aux pieds de Mme la duchesse du Maine. C’est une âme prédestinée; elle aimera la comédie jusqu’au dernier moment, et quand elle sera malade, je vous conseille de lui administrer quelque pièce au lieu d’extrême-onction. On meurt comme on a vécu; je meurs, moi qui vous parle, et je griffonne plus de vers que La Motte...» (Voltaire, «Lettres écrite de Berlin le 18 décembre 1752 au marquis de Thibouville», dans OEuvres complètes, éd. Théodore Besterman et al., Genève, Institut et Musée Voltaire, 1968-, lettre D5115)
- (A propos de son décès) «On peut dire d’elle qu’elle avoit un esprit supérieur et universel, une poitrine d’une force singulière et une éloquence admirable. Elle avoit étudié les sciences les plus abstraites: philosophie, géométrie, astronomie. Elle parloit de tout en personne instruite, et dans des termes choisis; elle avoit une voix haute et forte, et trois ou quatre heures de conversation du même ton paraissoient ne lui rien coûter. Les romans et les choses les plus frivoles l’occupoient aussi avec le même plaisir. Elle avoit toujours eu une passion décidée pour les amusements; elle aimoit qu’on lui donnât des fêtes, et elle s’en donnoit à elle-même; ce goût a continué jusqu’au dernier moment. Je crois avoir déjà dit qu’elle s’étoit fait accommoder plusieurs habitations dont elle faisoit usage de temps en temps; elle menoit partout avec elle une assez nombreuse cour, et partout elle avoit son jeu, qui a été longtemps le biribi, et depuis le cavagnole. Sa compagnie étoit assez mêlée: des gens d’esprit pour la conversation; d’autres pour le jeu; des anciennes connoissances, des amis de tous les temps; des personnes considérables qui lui rendoient des devoirs de temps en temps; d’autres moins importantes auxquelles elle étoit accoutumée.» (Février 1753, Mémoires du duc de Luynes sur la cour de Louis XV (1735-1758), éd. L. Dussieux et E. Soulié, Paris, Firmin-Didot, 1863, t.12, p.344-346)