Louise de Clermont
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Louise de Clermont | ||
Titre(s) | Comtesse de Tonnerre Duchesse d'Uzès | |
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Conjoint(s) | François Du Bellay Antoine de Crussol, duc d'Uzès | |
Dénomination(s) | Mademoiselle de Tallard | |
Biographie | ||
Date de naissance | 1504 | |
Date de décès | 1596 | |
Notice(s) dans dictionnaire(s) ancien(s) |
Sommaire
Notice de Jean-Claude Adam, 2003
Louise de Clermont-Tallard, fille de Bernardin de Clermont et de Anne de Husson, née vers 1504, ne trouve dans son berceau ni titre, ni riche héritage. Bien que descendante de saint Louis (elle recevra du «ma cousine» des plus distingués d'Europe), bien que les Clermont soient premiers barons du Dauphiné et que les Husson ne leur cèdent en rien, l'union de Bernardin et Anne ne permet pas de doter leurs treize enfants. De son père, par testament, Louise ne reçoit que dix mille livres; de sa mère, elle n'attend rien, les biens des Husson, dont le comté de Tonnerre, étant restés dans la branche aînée. Elle est pourtant élevée au plus près des enfants royaux. Érudite et parfaite connaisseuse des us d'une Cour dont l'étiquette se rigidifie et où il faut savoir ne pas aller trop loin, Louise, fille d'honneur de Louise de Savoie, fait valoir un esprit d'à propos qui frôle parfois cette limite: elle semble l'avoir franchie au moins une fois puisqu'elle est brièvement renvoyée de la Cour en 1537. En fait dans ce milieu de lettrés, elle est appréciée pour son humour, son sens de la répartie et de la formule. Pour Marot, «rien qu'esprit n'est la petite blonde». En 1533 arrive à la Cour la jeune Catherine de Médicis, épouse du second fils de François Ier. Considérée comme quantité négligeable, menacée parfois d'être renvoyée à Florence, la «Duchessina» n'a que peu de poids et encore moins de soutiens, à de rares exceptions; l'amité désintéressée que lui offre Louise n'en est que plus précieuse. Cette amitié, maintes fois réaffirmée, durera jusqu'aux derniers jours de Catherine.
Louise se marie en 1538 avec François Du Bellay, issu d'une ancienne famille qui s'illustre par sa branche cadette (Jean, cardinal, évêque de Paris, ses frères Martin et Guillaume, guerriers et diplomates) tandis que la branche aînée, à laquelle appartient François, est plus riche de domaines que de titres. Ce mariage bien tardif semble répondre à la pleine satisfaction des époux, bien qu'il ait été, peut-être, décidé sous l'impulsion d'Anne de Husson, à laquelle le comté de Tonnerre, suite au décès prématuré de ses titulaires, venait de revenir. À la mort de celle-ci, la même année, Louise rachète à ses co-héritiers le comté de Tonnerre, son premier titre d'importance, mais y réside peu; quand elle ne séjourne pas en Anjou, elle suit la Cour en «camp volant». Selon l'esprit du temps, elle se produit dans les spectacles qui y sont donnés, comme la «Comédie des quatre Femmes», écrite par Marguerite de Navarre, soeur du roi, interprétée en 1542 par les principales dames de la Cour.
Louise donne naissance en 1540 à son seul enfant, Henri, qui décède à l'âge de quatorze ans, peu après son père. En 1556, elle se remarie avec Antoine de Crussol, qui voit grâce à elle sa baronnie d'Uzès érigée en comté, puis en duché (1565) et pairie (1572). Saint-Simon, en 1712, écrira tout sec: «l'esprit et la faveur de Louise auprès de Catherine de Médicis éleva seule son mari à la dignité de Duc et pair»... En 1562, Antoine joue un rôle d'importance dans le retour au calme du Dauphiné, de la Provence et du Languedoc, alors que Louise est considérée par l'ambassadeur d'Espagne comme une des meneuses des protestants, dont il demande le renvoi de la Cour. Vers la même date, elle sert de «commère» entre Catherine de Médicis et Élisabeth d'Angleterre lors d'une des nombreuses tentatives de mariage entre celle-ci et l'un des fils de France. Louise est également connue pour son intérêt pour l'architecture. En 1566, elle et son mari décident la construction du château de Maulnes (Tonnerrois), unique édifice pentagonal du temps. Antoine, malade au retour du siège de La Rochelle meurt en août 1573 et Louise tente vainement de racheter la Maison Carrée de Nîmes pour en faire son tombeau. Elle reste à la Cour jusque dans les dernières années du règne de Henri III. Elle y revient nonagénaire sous son successeur, avant de s'éteindre en 1596.
L'affection et l'estime que lui vouèrent les principaux membres de la famille royale apparaissent dans leurs lettres: Catherine de Médicis l'appelle «ma commère», Marguerite de Valois «ma sybille», Charles IX «ma vieille lanterne» (il signe «votre jeune fallot»), Henri IV «ma mère», Marie de Bourbon «ma gouvernante». Rares sont pourtant les historiens à s'être intéressés à elle depuis quatre siècles.
Oeuvres
Louise de Clermont a correspondu notamment avec Catherine de Médicis, Charles IX, Henri III, Henri IV, Marguerite de Valois, Marie de Bourbon. À de rares exceptions près (Lettre à Henri III), ses propres missives sont perdues.
Choix bibliographique
- Cahiers de Maulnes, 3, mai 2003 (Conseil Général de l'Yonne).
- Fabre, M. Louise de Clermont-Tallard. Mémoires de l'Académie de Nîmes, 1932.
- La Ferrière, Hector de. Les Deux Cours de France et d'Angleterre. Paris, Ollendorff, 1895.
Choix iconographique
- Clouet. Louise de Clermont (dessin). Musée Condé, Chantilly.
- Anonyme. Louise de Clermont (peinture, toile env. 45 x 30), après 1565. Musée du Duché, Uzès.
Jugement
- Puisque nous voyons à la Court revenue Tallard, la fille à nulle autre seconde, Confesser fault par sa seule venue Que les Esprits reviennent en ce monde: Car rien qu'Esprit n'est la petite blonde. Esprit qui point aux autres ne ressemble, Veu que de peur, s'ils reviennent, on tremble. Mais cestuy-ci n'espouvente, ne nuit. O Esprit donc, bon ferait ce me semble, Avecques toy rabaster toute nuict. (Clément Marot, «Du Retour de Tallard à la Court» [1537], Oeuvres, Paris, Classiques Garnier, t.2, p.316-317) - Comme une Nymphe est l'honneur d'une prée Un diamant est l'honneur d'un anneau Un jeune pin d'un bocage nouveau Et d'un jardin une rose pourprée Aussi de tous vous estes estimée De cette Cour l'ornement le plus beau: Vous lui servez d'esprit et de tableau, Comme il vous plait, la rendant animée Sans vous la Cour fascheuse deviendroit; Son bien, son heur, sa grace lui faudrait, Prenant de vous et vie et nourriture. Vous luy servez d'un miracle nouveau, Comme ayant seule en la bouche un Mercure, Amour aux yeux, et Pallas au Cerveau. (Ronsard, «Sonnet à Mme de Crussol», Oeuvres complètes, Paris, Gallimard «la Pléiade», 1993, t.1, p.483). - «Ce fut une Dame très spirituelle et particulièrement douée de toutes les qualités nécessaires à la Cour, où elle se rendit maîtresse de toutes sortes d'intrigues et servit principalement beaucoup au parti de la Religion; qu'elle professa hautement, et moins par zèle que par intérêt d'être considérée, comme elle fut, de l'une et de l'autre part. La reine Catherine l'employait sous main dans les besoins qu'elle avait de s'assurer des Huguenots, quand elle craignait d'être pressée d'ailleurs, et laissait échapper à dessein des secrets, qu'elle savait bien qu'elle recueillerait pour en faire son bon profit: et elle de son côté lui donnait de bons avis. Enfin toutes deux étaient d'intelligence pour s'entre maintenir, avec liberté de se tromper, quand elles pouvaient, en faveur du parti qu'elles tenaient, et de sa part elle en usa toujours fort bien en ce qui touchait les intérêts de la personne de la Reine. Au reste elle se dispensa des apparences scrupuleuses, que les Ministres (protestants) désiraient en toutes les Dames du petit Troupeau, pour donner bonne odeur à leur réforme, et se conserva une liberté toute entière de vivre à sa mode et d'étendre ses inclinations sur les Catholiques ou Huguenots, comme il lui plaisait» (Le Laboureur, Additions aux Mémoires de Castelneau [1659], t.1, p.712-713 de l'édition de 1731).