Anne Marie Le Page
De SiefarWikiFr
Anne Marie Le Page | ||
Conjoint(s) | Joseph Fiquet Du Boccage | |
---|---|---|
Dénomination(s) | Anne-Marie Fiquet Du Boccage Madame Du Boccage Madame Du Bocage | |
Biographie | ||
Date de naissance | 1710 | |
Date de décès | 1802 | |
Notice(s) dans dictionnaire(s) ancien(s) | ||
Dictionnaire Pierre-Joseph Boudier de Villemert (1779) | ||
Dictionnaire Fortunée Briquet (1804) | ||
Dictionnaire Charles de Mouhy (1780) | ||
Autre(s) dictionnaire(s) en ligne | ||
Dictionnaire CESAR - Calendrier électronique des spectacles sous l'Ancien Régime et sous la Révolution |
Notice de Rotraud von Kulessa, 2009.
Anne Marie Fiquet du Boccage, naît à Rouen le 22 novembre 1710 et meurt à Paris en 1802. Son père, Louis Le Page fait partie de la haute bourgeoisie rouennaise. Elle profite d’une éducation exceptionnelle au couvent de l’Assomption à Paris. A l’âge de 17 ans, Anne Marie épouse Joseph Fiquet du Boccage, receveur des tailles à Dieppe. Cette union, apparemment heureuse, reste cependant sans enfants. C’est probablement son mari, lui-même traducteur et amateur de lettres, qui l’initie à l’italien et à l’anglais. A Rouen, le couple fréquente déjà les cercles littéraires de la ville, parmi lesquels figurent Mme Le Prince de Beaumont, l’autrice de contes et d’ouvrages d’éducation, l’abbé du Resnel, traducteur de Pope, l’abbé Desfontaines, traducteur du Voyage de Gulliveret l’abbé Le Roy, traducteur de Milton. En 1733, le couple rouennais s’installe à Paris, non sans retourner tous les ans à Rouen pour la période estivale. En 1745, Anne Marie du Boccage remporte le prix de l’Académie de Rouen, pour son poème sur la «Fondation d’un prix alternatif entre les Belles Lettres et les Sciences», qui paraîtra dans le Mercureen 1746. A la suite de la lecture de ce poème, Voltaire l’appellera la «Sapho de Normandie». Deux ans plus tard, elle fait publier son imitation du Paradis Terrestrede Milton, adaptation couronnée d’un succès considérable et, l’année suivante, sa traduction en vers du Temple de la Renomméede Pope. En 1749, enfin, Mme du Boccage crée sa tragédie en cinq actes, Les Amazones, représentée onze fois à la Comédie-Française, l’été de la même année. Au cours des années 1750, elle commence à tenir salon, rue Saint-Roch, où elle accueille tous les dimanches, lors d’un dîner, des convives tels que Fontenelle, Algarotti, l’abbé Galiani, Goldoni, Alfieri, Lord Chesterfield, Buffon et Condillac. Le cosmopolitisme de son salon en fait un lieu important de transfert culturel. En 1750, le couple entame un voyage en Angleterre et en Hollande: les lettres des époux seront publiées en 1762 dans les OEuvres complètesde Mme du Boccage. En 1756, paraît La Colombiade ou la Foi portée au Nouveau Monde, poème en dix chants. De 1756 à 1758, Mme du Boccage effectue un voyage en Italie, au cours duquel elle est reçue par le pape, puis élue à l’Académie des Arcades de Rome et à l’Académie de Padoue, et devient membre associé de celle de Bologne. Sur le chemin du retour, elle rend visite à Voltaire, aux Délices. A son retour en France, elle est également reçue à l’Académie de Lyon et, en 1765, elle est élue membre associé à l’Académie des Sciences et des Belles-Lettres de Rouen. Après le décès de son mari, elle traduit encore La Mort d’Abelde Gessner en 1768. Pendant la Révolution, elle vit retirée à Paris, voyant seulement quelques amis tels que l’archéologue Barthélémy et Fanny de Beauharnais, qui lui consacre un discours élogieux après sa mort.
Son oeuvre littéraire diversifiée (des poésies, une tragédie, un poème épique et des lettres de voyage) cherche à concilier la littérature classique avec les nouvelles tendances des Lumières. Son originalité consiste en un choix de genres peu habituels aux autrices. Ainsi, sa tragédie Les Amazones permet de constater l’adoption du code de la sensibilité cher au XVIIIe siècle, qui mène à une critique du mariage arrangé, sans cependant exploiter le sujet des Amazones dans un but explicitement féministe. Le poème épique La Colombiade présente la singularité de combiner le sujet du Nouveau Monde avec une forme littéraire classique. Ses lettres de voyage constituent, au XVIIIe siècle, l’un des plus importants ensembles du genre rédigés par une femme, nous livrant une description des réseaux mondains européens et de leurs pratiques de sociabilité. De même, la description de la condition féminine dans les pays visités (l’Angleterre, la Hollande et l’Italie) y est particulièrement traitée et sert de miroir à l’autrice. Auprès de ses contemporains, elle doit avant tout sa renommée à ses traductions et à ses poésies. Son rôle de médiatrice culturelle en tant que salonnière, traductrice et voyageuse reste encore à être élucidé. Actuellement, c’est notamment l’aspect de la femme dramaturge qui retient l’intérêt de plusieurs chercheurs.
Oeuvres
- 1745 : Lettre de Mme *** à une de ses amies sur les spectacles et principalement sur l’opéra-comique, sl, sn.
- 1748 : Le Paradis terrestre, poème imité de Milton, Londres, sn.
- 1749 : Le Temple de la Renommée, poème de M. Pope, Londres, sn (traduction).
- 1749 : Les Amazones, tragédie en cinq actes, Paris, Mérigot -- dans Femmes dramaturges en France (1650-1750). Pièces choisies, t.2, éd. Perry Gethner, Tübingen, Gunter Narr, 2002, p.373-446.
- 1750 : L’Opéra, ode, Paris, Delaguette.
- 1756 : La Colombiade, ou la Foi portée au Nouveau Monde, poème, Paris, Desaint et Saillant.
- 1759 : La Congiura di Valsteinde Jean-François Sarrasin, Rome (traduction).
- 1762 : Lettres de Mme Du Boccage, contenant ses voyages en France, en Angleterre, en Hollande et en Italie... pendant les années 1750, 1757 et 1758, Dresde, G.C. Walther, 1771.
- 1768 : La mort d’Abel, poème imité de Gessner, dans Recueil des OEuvres de Mme du Boccage, Lyon, Périsse, 1770.
- 1788 : OEuvres poétiques, Paris, Nyon.
- 1790 : Lettres aux Belges... touchant deux lettres de Mme du Buisson des 4 et 8 mai 1790, Bruxelles.
- 1791-1794 : «Lettres adressées au comte Algarotti», dans Opere del conte Algarotti, t.16, Venise, C. Palese.
Choix bibliographique
- Gill-Mark, Grace, Une femme de lettres au XVIIIe siècle. Anne-Marie du Boccage, Paris, Honoré Champion, 1927.
- Kulessa, Rotraud von, «Les Amazones de Mme du Boccage dans la traduction italienne de Luisa Berhgalli Gozzi», dans Annie Cointre, Florence Lautel et Annie Rivara (dir.), La traduction du discours amoureux 1660-1830, Metz, Université Paul Verlaine, 2006, p.255-267.
- Simonin, Charlotte, «“Les feux purs d’Adam et Eve” ou la traduction de la sexualité du Paradise Lost de Milton», dans La traduction du discours amoureux, voir supra, p.323-345.
/o:p>
Jugements
- «[...] il nous laissoit toujours à désirer, qu’une Muse Françoise entonnât la Trompete héroïque en faveur de ce nouveau monde, qui a si fort changé la face de l’ancien. Une femme a eu le courage d’entrer dans une carrière, que nos grands poètes n’ont osé courir. Il étoit réservé à Mme de Boccage de célébrer un sujet si grand et si sublime.» (Abbé Joseph de La Porte, Histoire littéraire des femmes françoises, ou Lettres historiques et critiques contenant un précis de la vie et une analyse raisonnée des ouvrages, Paris, Lacombe, 1769, p.491)
- «Mme Dubocage n’est plus! Muses pleurez! Graces donnez des larmes à celle qui fut semblable à vous, à celle dont les traits, effacés par la main impitoyable du tems, vous rappelaient encore. Hélas! elle a cessé de vivre; que dis-je? de souffrir. Ses écrits vivront toujours! sa mémoire ne cessera point d’être chère aux coeurs sensibles; elle n’est point perdue pour eux!» (A la mémoire de Mme Dubocage par Mme Fanny Beauharnais, Paris, Richard, 1802)
- «Dans l’année 1757, j’eus l’honneur de faire la connoissance à Venise de Mme du Boccage. Cette Sapho Parisienne, aussi aimable que savante, honoroit alors de sa présence ma Patrie, et recevoit les hommages qui étoient dus à ses talents et à sa modestie. [...] Sa conversation douce et instructive fut pour moi le prélude de la satisfaction que devoit me causer un jour le séjour de Paris, et sa vue m’inspira sur-le-champ l’idée d’un Ouvrage Théâtral qui réussit à merveille, et me fit un honneur infini. J’avois lu les Amazones de Mme du Boccage: j’imaginai une Pièce à-peu-près du même genre; mais elle avoit choisi les Héroïnes du Termodonte pour sujet d’une Tragédie, et je pris une femme courageuse et sensible de la Dalmatie pour le sujet d’une Tragi-Comédie, que j’intitulai la Dalmatina (la Dalmate).» (Carlo Goldoni, Mémoires de M. Goldoni [1787], Paris, Aubier, 1992, p.390)
«[Mme du Boccage] réunit aux charmes de la figure les agréments de l’esprit et l’égalité du caractère; aussi Mairan lui disait: “Vous êtes une montre bien réglée qui marche sans qu’on s’aperçoive du mouvement.” Bien jeune elle faisait des vers; mais redoutant le nom de femme-auteur, elle ne mit rien au jour avant 1746. Un poëme, qui fut couronné par l’Académie de Rouen, révéla au public la nouvelle muse, et commença la réputation de Mme du Boccage, qui publia: le Paradis Terrestre, faible imitation de Milton; la Mort d’Abel, imitation de Gessner; puis la Colombiade, conception neuve et hardie, d’où ressortait une foule de contrastes neufs et ingénieux, mais mollement exécutée. Sa tragédie des Amazones obtint onze représentations, bien qu’elle manquât d’intérêt et d’énergie dans le style. Mme du Boccage entretint un commerce de lettres avec des hommes célèbres, et plusieurs Académies se l’associèrent; elle fut reçue à celle des Arcades de Rome, sous le nom de Doriclea, et Benoît XIV l’accueillit avec la plus grande distinction. L’excellence de son coeur et ses qualités lui valurent la vénération de ses contemporains jusqu’à sa mort, survenue le 8 août 1802.» (M.J. Duplessy, Trésor littéraire des jeunes personnes, Tours, Mame, 1842, p.155)