Marie Le Masson Le Golft
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Marie Le Masson Le Golft | ||
Biographie | ||
Date de naissance | 1746 | |
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Date de décès | 1826 | |
Notice(s) dans dictionnaire(s) ancien(s) | ||
Dictionnaire Fortunée Briquet (1804) |
Notice de Cyril Le Meur, 2005.
Fille de Jean Le Masson, capitaine de navire, et de Anne Le Golft, fille de négociant, Marie Le Masson Le Golft est née le 25 octobre 1749 au Havre. Naturaliste, dessinatrice, femme de lettres, sa formation intellectuelle semble avoir été assurée par d'éminents savants havrais tels l'hydrographe d'Après de Mannevillette et surtout l'abbé zoologiste Jacques-François Dicquemare, dont elle se dit l'élève. Animée du patriotisme municipal propre à la bourgeoisie d'alors, elle s'intéresse de près à la vie locale. Ses premiers ouvrages sont consacrés à sa «petite Ithaque», son histoire, sa géographie, ses monuments, ses figures. La rédaction de ces ouvrages l'ayant liée aux personnalités locales, elle devient l'âme d'un foyer intellectuel dans une cité strictement commerciale et militaire. Gracieuse, d'un commerce agréable et piquant, elle attire les hommes d'esprit et s'engage dans une vaste correspondance scientifique qui la fait connaître et admettre dans diverses académies provinciales et étrangères, et jusqu'à Saint-Domingue, où le Cercle des Philadelphes l'accueille avec enthousiasme en 1785. Elle a un échange très fourni avec l'académie d'Arras et son secrétaire Dubois de Fosseux, sans oublier l'académie de Rouen, où plusieurs chanoines lui sont acquis. Son urbanité ne doit pas dissimuler que cette Normande est très pieuse, assez traditionaliste, prudente et avisée. On la voit fleureter avec la plupart de ses correspondants, mais repousser de la même plume tout hommage annonciateur de quelque union. Elle préservera toute sa vie une indépendance totale, au prix de la pauvreté et sans doute de brouilleries dans sa ville natale.
D'abord attachée aux recherches et aux expériences de l'abbé Dicquemare sur les zoophytes, elle fait paraître, à partir de 1779, dans les Observations et mémoires sur la physique, sur l'histoire naturelle et sur les arts et métiers, des études sur les moules, sur le gonflement du lait porté à ébullition, sur un phénomène de brouillard. En 1784, elle publie une étonnante Balance de la Nature où sont évalués, à travers des tables de notation, tous les objets de la nature; ses critères d'évaluation, tels que la «saveur» pour les poissons ou l'«utilité du bois» pour les arbres, sont peut-être à relier d'une part aux activités portuaires du Havre. D'autre part, Marie Le Masson Le Golft est une disciple de Malebranche et de Buffon: elle n'estime les richesses de la nature que relativement aux besoins et à l'agrément des hommes. Elle prolonge son entreprise en 1787 dans son Esquisse d'un tableau du genre humain, planisphère sur lequel les peuples du monde sont symbolisés selon leur conformation, leur couleur, leurs moeurs, leur religion, sans hiérarchie. Cette bonne chrétienne se prononce avec l'abbé Dicquemare pour l'égalité de tous les hommes, et fustige l'esclavage avec un certain courage, dans une ville de colons et d'armateurs. En 1784, sa réputation ayant attiré l'attention d'une femme de la Cour, la comtesse de Puget, soucieuse de l'instruction de sa fille, Mlle Le Masson Le Golft lui écrit douze Lettres relatives à l'éducation qu'elle fera publier en 1788. Dicquemare lui avait confié le soin, par testament, de faire imprimer le recueil de ses études. À la mort de l'abbé, en 1789, elle engage à cette fin des démarches administratives intenses qu'elle n'abandonnera qu'en 1805. Elle réside un moment à Paris (où elle donne des cours de dessin, d'histoire et de géographie), et y rencontre des autorités intellectuelles et politiques telles que l'abbé Grégoire, Daubenton, Lacépède, Chaptal, Lavoisier, Delisle de Sales, Parmentier, etc. En 1797, elle s'installe à Rouen et y donne des cours dans une pension. Elle tente vers 1805 d'être nommée dans l'une des écoles de la Légion d'Honneur. On la voit, à la fin de sa vie, correspondre avec d'anciennes élèves pour qui elle rédige de belles lettres morales. Elle meurt pauvre et isolée le 3 janvier 1826. Avant que Noémie Noire Oursel ne lui fasse une place éminente dans son Dictionnaire de biographie normande, Marie Le Masson Le Golft est à peu près oubliée; ni son oeuvre scientifique, ni ses quelques travaux littéraires ne pouvaient la rendre immortelle.
Oeuvres
- 1778-1790 : Coup d'oeil sur l'état ancien et présent du Havre, suivi des Annales[du Havre]depuis 1778(du 8 février 1778 au 26 juin 1790), pour servir de suite à l'ouvrage précédent, manuscrit in-4o de 456 feuillets, cote Ms. Y.45, bibliothèque municipale de Rouen -- Éd. Philippe Manneville, Rouen, Société d'histoire de Normandie, 1999, 278 p., avec planches et portrait de Marie Le Masson Le Golft (l'éditeur reprend le journal de MLMLG de 1778 à 1790).
- 1779 : «Observations sur les moules», in Observations et mémoires sur la physique, sur l'histoire naturelle et sur les arts et métiers, décembre 1779, t.14, p.485-486.
- 1780 : «Remarques sur le gonflement du lait dans l'ébullition», in Observations et mémoires sur la physique, sur l'histoire naturelle et sur les arts et métiers, janvier 1780, t.15, p.66-67.
- 1781 : Entretien sur Le Havre, par Mlle Le Masson Le Golft. Épigraphe: «A tous les coeurs bien nés que la patrie est chère!» (Tancr.). Approbation de Parmentier, censeur. Au Havre, chez les libraires.
- 1783 : «Lettre à l'abbé Mongez sur les ombres colorées en bleu», in Observations et mémoires sur la physique, sur l'histoire naturelle et sur les arts et métiers, septembre 1783, t.23, p.206-207.
- 1784 : Balance de la nature, Paris, chez Barrois l'aîné.
- 1784 et 1807 : Un ouvrage commémoratif publié à l'occasion du 250e anniversaire de l'Académie des Sciences, Belles-Lettres et Arts de Rouen (Rouen, 1994, p.237) mentionne trois communications de Marie Le Masson Le Golft: deux sur les moules (1784) et une sur l'asypsie ou «lièvre de mer» (1807).
- 1787 : Esquisse d'un tableau général du genre humain, «où l'on aperçoit d'un seul coup d'oeil les Religions et les Moeurs des différents peuples, les climats sous lesquels ils habitent et les principales variétés de formes et de couleurs de chacun d'eux», planisphère imprimé par Moithey, ingénieur-géographe du roi, 56x75cm. [Bibliothèque nationale, département des cartes et plans, cote GeC8674.]
- 1788 : Lettres relatives à l'éducation, Paris, Buisson.
- S.d. : Mise en forme du «Portefeuille inédit de l'abbé Dicquemare sur les mollusques et autres parties de l'histoire naturelle terminé et rédigé par Mlle Le Masson Le Golft, son élève, membre de plusieurs académies». Gravures de Sellier. [Dissertations, monographies, dessins, planches, correspondance relative à l'impression, certificats d'admission à diverses académies et sociétés]. Cotes Ms. I.22 et Ms. I.3, bibliothèque municipale de Rouen.
- Contributions probables mais non-identifiables à diverses entreprises de librairies telles que lEncyclopédie méthodiquede Panckoucke, lHistoire générale et économique des trois règnes de Buc'hoz, une Description de la France(il en est question dans la correspondance).
Études non publiées, inachevées ou à l'état de projet :
- «Mémoire sur la faculté de ruminer attribuée inconsidérément aux mouches».
- «Moyen de savoir l'heure pendant la nuit».
- «Sur la qualité du beurre et sur sa coloration».
- «Mémoire sur le bois de pilotis».
- «Sur l'iris observé autour du soleil.»
- «Sur la nocivité des gaz et les moyens de ranimer les noyés».
- «Notice sur le lait».
- «Remarques sur les dangers de l'emploi du cuivre dans la préparation et la mesure de certains comestibles».
Essais littéraires (non publiés):
- La colonne et le lierre, projet de fable.
- Le rêve d'une académicienne, allégorie (envoyée aux membres de l'Institut, classe de la littérature et de la langue française).
Choix bibliographique
- Decimo Marc. Marie Le Masson Le Golft, la femme qui notait la nature. Paris, Les Presses du Réel, coll. «L'Écart absolu poche» (annoncé par l'éditeur).
- Le Meur, Cyril. «Marie Le Masson Le Golft dans sa petite Ithaque. Le parcours intellectuel d'une Havraise au tournant des Lumières». Dix-huitième siècle, 36, 2004, p.345-360.
- Manneville, Philippe. Le Havre au jour le jour de 1778 à 1790. Rouen, Société d'Histoire de Normandie, 1999 (avec planches et un portrait).
- Noire Oursel, Noémie. Une Havraise oubliée, Marie Le Masson-Le Golft. Évreux, Imprimerie de l'Eure, 1908.
Jugements
- «De son pays savoir l'histoire
l'écrire ingénieusement
aux doux charmes du sentiment
réunir ceux de la mémoire
joindre les attraits aux talents
et les grâces de la jeunesse
à l'enjouement...
l'esprit, la vertu, la sagesse ...
en vous belle Masson c'est ce qu'on voit sans cesse
les plaisirs les plus ravissants
sont de vous rendre un hommage
c'est le vrai talent du bel âge
daignez agréer mon encens
puis-je en faire un meilleur usage.
(Mouret de Saint-Firmin, correspondance manuscrite, bibliothèque municipale de Rouen, Ms.g.15, f16 [14 mars 1781]).
- «Du Havre et de son sexe immortel ornement,
Scudéry plut au siècle précédent.
Masson le Golft, tirant même origine,
Vient mériter du nôtre un suffrage plus beau:
L'une amusa comme Sapho,
L'autre instruit comme Mnémosyne».
(Message des écoliers du Havre, in correspondance manuscrite, bibliothèque municipale de Rouen, MS.g.16,vol. VI, lettre 1 [1781]).
- «Votre Balance de nature, mademoiselle, est une nomenclature mieux sentie que celles de la plupart de nos savants en 'us', 'linnaeus', 'wallerius', etc. Je n'en suis pas surpris, car le sentiment a toujours été l'apanage du beau sexe. Vous y avez joint beaucoup d'instruction, et quand même vous vous seriez trompée quelquefois en prenant des apparences pour des réalités, il faudrait mettre encore ces méprises sur le compte du sentiment, puisqu'il n'est affecté que de ce qui frappe nos sens» (Buffon, Correspondance générale, Genève, Slatkine Reprints, 1971, t.II, p.234, [le 8 juillet 1784]).
- «Qu'est-ce que Marie Le Masson Le Golft?
Une vieille fille savante, tout simplement.
Qu'a-t-elle fait?
Des travaux scientifiques qui dorment dans la poussière»
(Noémie Noire Oursel, Une Havraise oubliée, Evreux, 1908, p.1).