Louise de Prie/Marguerite Buffet
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[251] Eloge de Madame la Marechale de la Mothe.
C'est avec autant de verité que de justice que [252] les anciens Philosophes, et les Historiens nous ont fait voir en plusieurs rencontres que les femmes pouvoient estre appellées aux mesmes dignitez, et à des emplois aussi considerables que les hommes. Ils en ont apporté de tres-belles et de tres-puissantes raisons; mais nous en voyons aujourd'huy une plus forte et une plus illustre preuve en la personne Madame la Maréchalle de la Mothe qui semble avoir esté choisie du Ciel par un secret tout miraculeux, pour estre Gouvernante du plus grand Prince de l'Univers Monseigneur le Dauphin. La prudence du Roy ne pouvoit [f]aire un choix d'une Dame, [253] ny plus sage, ny plus vertueuse, ny plus éclairée pour luy confier la premiere education de cette plante favorite, qui luy doit estre d'autant plus chere, qu'elle donnera des fruits capables de faire le bon-heur de la premiere Monarchie Chrestienne. C'est dans le sein de cette belle Aurore que la France voit lever le bel Astre, qui dans son élevation répandra ses lumieres et sa vertu sur toute l'Europe. Ses martialles et glorieuses inclinations qui assurent le bon-heur des François, et qui étonnent à mesme temps nos ennemis, sont les premiers traits que cette illustre Gouvernante employe [254] pour former le plus puissant Monarque qui soit attendu dans le monde. Elle luy fait succer avec le lait les vertus Royales de son Auguste Pere; et nous devons esperer de ses soins, qu'une sagesse consommée previendra son âge de raison. Cette illustre et genereuse Heroïne n'a puisé dans sa famille, et avec un si glorieux et si magnanime Epoux que des sentimens de generosité, dignes d'estre inspirez à nôtre jeune Conquerant. L'émulation d'avoir veu feu Monsieur le Marechal de la Mothe étendre la Domination Françoise, et la passion qu'elle a de partager avec luy la gloire de servir fidel-[255]lement et noblement son Roy, l'ont approchée de la Cour pour y donner d'aussi belles marques de sa sagesse que toute sa famille en a donné de sa valeur dans les armées. Mais c'est une temerité à une fille de vouloir exprimer la haute vertu et les grandes qualitez que possede cette illustre Dame, tant d'actions heroïques qui ont embelly sa vie, et éterniseront autant sa memoire que celle de ses Ancestres qui ont esté si zelez dans les services qu'ils ont rendus à nos Rois. Toute l'Europe sçait et connoist que la France est redevable à sa famille d'une partie de son bon-heur; et elle n'a receu moins de joye [256] lors qu'elle a esté choisie pour estre Gouvernante de nostre auguste Prince, qu'en receut autrefois la Macedoine, quand Aristote fut choisi pour estre Gouverneur d'Alexandre. Ce qui peut faire connoistre à toute la terre que cette illustre Gouvernante s'est renduë digne par ses vertus et par sa conduite d'estre choisie entre toutes les Dames de la Cour pour conserver et former le premier Prince du monde, et qu'elle est l'honneur et l'exemple de nostre sexe, et l'admiration de ceux qui ont le bon-heur de la connoistre et del'imiter.