Marie Le Bailleul
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Marie Le Bailleul | ||
Titre(s) | Marquise d'Huxelles | |
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Conjoint(s) | Marquis de Nangis Louis Chalon du Blé, marquis d'Huxelles | |
Biographie | ||
Date de naissance | 1626 | |
Date de décès | 1712 | |
Notice(s) dans dictionnaire(s) ancien(s) |
Sommaire
Notice de William Brooks et Laurence Pope, 2006.
Marie Le Bailleul est née en 1626 dans une famille modeste mais respectable ; son père est avocat et diplomate avant de devenir surintendant des finances. Elle épouse d’abord le marquis de Nangis, qui meurt au siège de Gravelines en 1644, puis Louis Chalon du Blé, marquis d’Huxelles, qui mourra au siège de la même ville en 1658. Ce dernier est gouverneur de Chalon (sur-Saône), où naîtra son fils, Nicolas, futur maréchal de France, en 1652. Son fils aîné, né en 1648, mourra au siège de Candia en 1669.
S
o:p>es infortunes devaient toutefois assurer à Mme d’Huxelles une situation financière et sociale confortables. Parmi ses nombreux correspondants et amis influents on compte Condé, son fils d’Enghien, Conti, Mme de Longueville et son fils Saint-Pol, La Rochefoucauld et son agent Gourville, Mme de Sévigné, Mme de Maintenon, Pomponne, Louvois, Mme de Louvois, les secrétaires du roi Bartet et Rose, les diplomates Harlay-Bonneuil et Callières, Rizzini l’envoyé du duc de Modène, les maréchaux de France d’Albret, Turenne, Villeroy et Boufflers, les dévots Rancé et Tréville, la famille d’Estrées, Briord, Coulanges et Gaignières. Mlle de Montpensier (la Grande Mademoiselle) devait avoir d’elle la meilleure opinion ; elle fut reçue à Chalon.
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Mme d’Huxelles eut, d’après ce que l’on sait, de nombreuses liaisons pendant le temps de ses deux mariages et le début de son deuxième veuvage mais, comme son amie Mme de Longueville, changea ensuite de conduite (dans son cas, après la mort de son fils). Elle se rapprocha des religieuses du Carmel, engagea un directeur de conscience et, aux alentours de 1680, s’installa rue Sainte-Anne à Paris où elle vécut d’une manière parfaitement respectable. Elle commença à glaner des nouvelles politiques et des ragots en tant qu’informatrice de Fouquet, le prévint de sa chute imminente et commença à envoyer des lettres à ses amis ; cette activité épistolaire devint une obsession à partir des années 1680, une fois qu’Antoine Escalin, marquis de La Garde, se fut retiré dans son château de La Garde-Adhémar, dans la Drôme. Pendant trente ans, elle lui écrivit deux fois par semaine des lettres également destinées à son cousin Grignan (le beau-fils de Mme de Sévigné), qui vivait non loin de là et qui, en tant que lieutenant-général du roi en Provence, avait un intérêt particulier à prendre connaissance des nouvelles politiques contenues dans ses lettres.
Quand elle se contente de transmettre des nouvelles, les lettres de Mme d’Huxelles peuvent être assez plates, mais les comptes rendus d’événement dont elle a été témoin, ses opinions personnelles et les jugements qu’elle porte possèdent une verve qui rappelle celle de Mme de Sévigné. Elle apprécie de fournir des informations justes mais elle peut être crédule et superstitieuse (ses amis se moquent d’elle à cause de cela). Elle peut être charmante, pleine d’humour, et a le talent de Bussy-Rabutin pour tirer le meilleur parti de ses correspondants. Ses lettres reflètent son humanité et son souci des autres ; elles parlent d’argent, de maladies et de remèdes, de la mort de gens bien connus, de crimes et de châtiments, de la poste, des voyages et du commerce. S’étant trouvée impliquée dans l’affaire de Fouquet, elle se montre moins favorablement disposée à l’égard de Louis XIV que la plupart de ses contemporains. En conséquence, ses lettres parlent aussi du côté sordide de son règne : famines, émeutes dues au manque de pain, conditions de logement misérables, situation pitoyable des gens ordinaires. Son refrain constant dans les temps troublés que sont les vingt dernières années de sa correspondance est l’espoir de paix. Voltaire cherchera à prendre connaissance de ses lettres quand il rédigera Le Siècle de Louis XIV. Depuis, les lettres de Mme d’Huxelles ont constitué une mine de renseignements pour les éditeurs de textes historiques, tel le journal de Dangeau. Elles sont également une source d’information pour ce qui concerne l’histoire de la famille Grignan après la mort de Mme de Sévigné.
A
o:p> la fin de sa vie, il devint difficile pour Mme d’Huxelles de tenir la plume, sa vue diminua et ses lettres furent généralement dictées. Beaucoup d’entre elles, aujourd’hui perdues, sont connues grâce aux lettres de ses correspondants. Parmi celles qui ont été conservées peu ont été publiées. La question de savoir à quel point elle a pu être influente n’a jamais été clairement élucidée mais bien des grands noms de l’époque éprouvèrent le besoin de venir la saluer et échanger des informations avec elle, et grâce à eux et aux sources publiées elle fut à même de savoir ce qui se passait alors en France et à l’étranger. Dans sa résidence parisienne, bien des gens puissants et et d’autres qui aspiraient à l’être, sans être ouvertement opposés à Louis XIV, se montrèrent sceptiques à l’égard de ses choix politiques ; ils se retrouvèrent chez elle pour dîner, pour échanger des nouvelles et des opinions, loin des contraintes de Versailles. Les attitudes et aspirations de cette partie de la société ne sont pas encore entièrement élucidées, mais les débuts d’une forme de pensée dont les historiens peinent parfois à établir les objectifs, l’influence et les limites, d’une différence entre la politique territoriale et dynastique de Louis XIV et les intérêts de la population française, sont repérables dans ses lettres et dans son cercle. De sa propre initiative, le secrétaire de Mme d’Huxelles, Pique, écrivit à La Garde, le 29 avril 1712, que sa maîtresse se mourait. Et elle mourut en effet chez elle ce jour-là.
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(traduction Martine Reid)
Oeuvres
- 1660 : Lettres à Fouquet -- éd. Édouard de Barthélemy, voir infra, choix bibliographique, p.254-262.
- 1679 : Lettre à La Garde -- éd. Édouard de Barthélemy, voir infra, choix bibliographique, p.151-152.
- 1689 : Lettres à La Garde, janvier -- éd. Robert Fawtier, voir infra, choix bibliographique, p.26-43.
- 1689 : Lettre à Bussy-Rabutin -- éd. Ludovic Lalanne, Correspondance de Roger de Rabutin, comte de Bussy, voir infra, choix bibliographique, VI, p.206-207.
- 1703-1706 : Lettres à Mme de Bernières -- éd. Édouard de Barthélemy, voir infra, choix bibliographique, p.80-96.
- 1704-1712 : Lettres à Gaignières -- éd. Édouard de Barthélemy, voir infra, choix bibliographique, p.278-301.
- 1689-1712 : Lettres à La Garde, inédites. 1689: John Rylands Library (University of Manchester, Angleterre), ms.89 (uniquement 1689, malgré l'inscription au dos de la reliure qui désigne les trois années 1687, 1688, et 1689); 1690-1691: mss. égarés; 1692-1693: Musée Calvet (Avignon), ms.1419bis (volume inconnu à R. Fawtier); 1694-1703: John Rylands Library, University of Manchester, Angleterre, mss.90-94 (2 ans par volume); 1704-1705: Musée Calvet (Avignon), ms.1419; 1706-1707: mss. égarés; 1708: John Rylands Library (University of Manchester, Angleterre), ms.95; 1709-1710: Musée Calvet (Avignon), ms.1420; 1711-1712: Musée Calvet (Avignon), ms.1421; collection complémentaire: John Rylands Library (University of Manchester, Angleterre), ms.96.
Choix bibliographique
- Barthélemy, Édouard de, La Marquise d'Huxelles et ses amis, Mme de Sévigné, Mme de Bernières, Mme de Louvois, le Marquis de Coulanges, M. de Callières, M. de Gaignères, Fouquet, Paris, Firmin-Didot, 1881 (cette étude constitue le seul livre substantiel qui lui ait été consacré).
- Bussy-Rabutin, Roger de, Correspondance de Roger de Rabutin, comte de Bussy, avec sa famille et ses amis (1666-1693), éd. Ludovic Lalanne, Paris, Charpentier, 1858-1859, 6 vol. (plusieurs mentions: voir index).
- Fawtier, Robert, La Correspondance de la marquise d'Huxelles et du marquis de La Garde. Reprinted from The Bulletin of the John Rylands Library, 9 (2), July 1925, Manchester, Manchester University Press, 1925.
- Pope, Laurence (éd.), Letters (1694-1700) of François de Callières to the marquise d'Huxelles, Lewiston/Queenston/Lampeter, Edwin Mellen, 2004 (préface de William Brooks).
- Sévigné, Mme de, Correspondance, éd. R. Duchêne, Paris, Gallimard, 1972-1978, 3 vol. (multiples mentions entre 1653 et 1690: voir index).
Jugements
- «Manican et Remenecour
Deux des beaux astres de la Cour,
Saugeon, la sainte et sage prude,
La charmante infante du Lude,
La belle d'Uxel, Savigny,
La Ramboüillet, la Chavigny»
(Liste rimée des plus belles femmes de la cour établie le 16 juillet 1651, dans Jean Loret, La Muze historique, ou Recueil des lettres en vers contenant les Nouvelles du temps, écrites à son Altesse Mademoiselle de Longueville, depuis Duchesse de Nemours (1650-1665), 4 t., Paris, Jannet, puis Daffis, 1857-1878, t.I, p.137).
- «Uxelles. Quoyque le chasteau n'en soit pas fort élevé, la ville néanmoins est fort belle. Si la symétrie y avoit été observée, la nature en est si riche que ç'auroit esté le plus beau séjour du monde. Elle a eu plusieurs gouverneurs. Le dernier est un homme de naissance, pauvre, mais de grande réputation [René de Clérambault, écuyer de Madame, seconde épouse de Gaston d'Orléans] et qui en a beaucoup acquis dans une autre place sur la même rivière. Cette ville aime son gouverneur jusqu'à engager tous les jours ses droits pour le faire subsister» (Conti, «Carte du pays de Braquerie», 1654, description grivoise des «places» du pays imaginaire de Braquerie, où les villes sont nommées d'après les femmes galantes, cité par É. de Barthélemy, voir supra, choix bibliographique, p.6).
- «La Tour, surnommé la Tour-Roquelaure [...] eut une forte galanterie avec Mme de Montglas. Un jour qu'il estoit broüillé avec elle, il dit à la comtesse de Fiesque: "Pensez-vous que je m'en soucie? J'en ay eu assez de choses". Il dit aussy qu'il avoit couché avec Mme de Comminges, avec Mme de Fosseuse, et avec Mme d'Uxelles. [...] [À un autre moment], se trouvant en lieu obscur ou escarté avec Mme d'Uxelles, il voulut entreprendre quelque chose, en presence de la suivante; elle le repoussa rudement. "Pardioux, luy dit-il, Madame, qu'auriez-vous dit d'un gascon qui n'eust rien entrepris en si belle occasion?"» (G. Tallemant des Réaux, «La Tour-Roquelaure» [1657-1659], dans Historiettes, éd. A. Adam, 2 t., Paris, Gallimard, 1960-1961, t.II, p.383-384).
- «Que de richesses Madame, dans votre dernière dépêche du 4e de ce mois. Je ne puis pour le coup vous comparer à moins qu'au grand Alexandre, chargé des dépouilles d'orient, et vous lui ressemblez encore en ce que vous ne faites un amas de tout ce qui se passe de plus curieux en Europe que pour en faire présent à vos amis, et pour leur dire toujours des choses agréables» (François de Callières, lettre à Mme d'Huxelles datée du 11 octobre 1696, dans L. Pope, voir supra, choix bibliographique, p.84).
- «[C'était] une femme galante, impérieuse, de beaucoup d'esprit et de lecture, fort du grand monde, dominant sur ses amis, se comptant pour tout, et les autres, ses plus proches mêmes, pour fort peu, qui a su se conserver une considération et une sorte de tribunal chez elle jusqu'à sa dernière vieillesse, où la compagnie fut longtemps bonne et trayée ["triée", "bien choisie"], et où le prix se distribuait aux gens et aux choses. À son seul aspect, tout cela se voyait en elle» (Louis de Rouvroy, marquis de Saint-Simon, racontant l'an 1703, dans Mémoires. Additions au Journal de Dangeau, éd. Y. Coirault, 8 t., Paris, Gallimard, 1983-1988, t.II [1983], p.302-3).
- «La marquise d'Huxelles, mère du maréchal, mourut à quatre-vingt-cinq ou six ans, avec la tête entière et la santé parfaite jusqu'alors [...], veuve en premières noces du frère aîné de Nangis père du maréchal de Nangis, dont elle a touché soixante-dix ans durant six mille livres de douaire. C'était une femme de beaucoup d'esprit, qui avait eu de la beauté et de la galanterie, qui savait, et qui avait été du grand monde toute sa vie, mais point de la cour. Elle était impérieuse, et s'était acquis un droit d'autorité. Des gens d'esprit et de lettres et des vieillards de l'ancienne cour s'assemblaient chez elle, où elle soutenait une sorte de tribunal fort décisif. Elle conservait des amis et de la considération jusqu'au bout» (Louis de Rouvroy, marquis de Saint-Simon, racontant l'an 1712, dans Mémoires, voir supra, t.IV [1985], p.486).
- «Mme d'Huxelles eut, en résumé, une vie heureuse; mariée trop peu de temps à son premier époux pour le pouvoir regretter, elle n'aima pas assez le second pour voir autre chose dans sa mort glorieuse qu'un danger pour sa vie mondaine, et elle y trouva au contraire un lustre nouveau. [...] Mme d'Huxelles dut se créer un salon qui jouissait d'une incontestable autorité: elle comptait pour amis et pour correspondants tout ce que la cour et la ville avaient de plus considérable. Ses nouvelles étaient recherchées et lui créaient une situation réellement exceptionnelle. Jusqu'à son dernier jour on compta avec elle, parce qu'on redoutait évidemment sa plume et ses jugements» (É. de Barthélemy, voir supra, choix bibliographique, p.134-135).
- «Elle est une femme de la Fronde beaucoup plus que du siècle de Louis XIV. Elle voit les misères de celui-ci et elle en apprécie pourtant la grandeur. Elle n'est d'aucun parti à la cour, et n'a pas d'ambition personnelle. Entre la platitude écoeurante d'un Dangeau et la bile toujours en mouvement du génial Saint-Simon, son témoignage, auquel ressemble seul celui du marquis de Sourches, vaut d'être considéré et étudié parce qu'il est impartial tout en restant humain» (R. Fawtier, voir supra, choix bibliographique, p.26).
- «Ce petit bout de femme, pétillante, adorant la galanterie et les commérages, recruta un président au Parlement, des financiers, des membres de la cour des comptes. [...] Dans les mois précédant l'arrestation de Fouquet, elle constitua en outre un actif cercle d'informateurs dans l'entourage d'Anne d'Autriche» (Jean-Christian Petitfils, Fouquet, Paris, Perrin, 1999, p.114).