Madeleine Du Pouget

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Madeleine Du Pouget
Conjoint(s) François Chastelet dit Beauchasteau ou Beauchâteau
Dénomination(s) Du Pouget, Du Bouget, Dubouget, Dupouget, Du Pougeait, La Beauxchâteau, Mademoiselle de Beauchâteau, de Beauchasteau, Chastelet
Biographie
Date de décès 6 janvier 1683
Notice(s) dans dictionnaire(s) ancien(s)
Autre(s) dictionnaire(s) en ligne
Dictionnaire CESAR - Calendrier électronique des spectacles sous l'Ancien régime


Notice de Clarisse Bouabdallah et Octave Bertic, 2025

Madeleine Du Pouget, comédienne de la troupe de l’Hôtel de Bourgogne, est née à une date inconnue mais que l’on peut situer entre 1610 et 1619. Elle rejoint la troupe parisienne en même temps que son époux, François Châtelet, vers 1633. C’est de cette union que lui vient son nom de scène, « La Beauchâteau », en rapport avec le nom de scène de son mari. Selon les Anecdotes dramatiques (J. de La Porte et J.M.B. Clément, 1775), la comédienne était peut-être la fille illégitime d’un magistrat et d’une provinciale qui a fini ses jours dans un couvent, mais aucun document d’époque ne nous est parvenu qui permette de l’affirmer.
Elle reste peu de temps dans la troupe de l’Hôtel de Bourgogne puisque dès 1635, par décision royale, son mari et elle sont engagés dans la Troupe du Marais où, quelques années plus tard, en 1637, elle crée le rôle de l’Infante dans Le Cid de Corneille. Elle quitte cependant cette troupe au début de l’année 1642, à nouveau sur ordre du roi : « six des meilleurs acteurs et actrices du Marais » passent à l’Hôtel de Bourgogne. La Beauchâteau et son époux retournent donc dans la troupe de leurs débuts.
C’est à cette époque que Madeleine du Pouget donne naissance à au moins trois enfants: Edme François (25 mars 1643), Étienne (baptisé en août 1644) et François Mathieu (5 mai 1645), tous trois baptisés à l’église Saint-Sauveur de Paris, ce qui peut laisser supposer que le couple habitait le quartier. Le dernier de ses fils a été, selon le Dictionnaire des comédiens français d’Henry Lyonnet, un « petit prodige », connu à la cour sous le nom du « Petit Beauchâteau ». On lui attribue, à l’âge de onze ans, La Lyre du jeune Apollon, ou la Muse naissante, un recueil d’éloges au roi, en vers.
Demeurant dans la troupe après la mort de son mari en septembre 1665, Madeleine du Pouget est à ce moment une actrice d’importance de l’Hôtel de Bourgogne. En 1674, Samuel Chappuzeau (Le Théâtre français) la place encore à la tête des comédiennes de la troupe. Ce n’est qu’un peu avant la fusion de la troupe de l’Hôtel de Bourgogne avec celle du Marais en 1680, c’est-à-dire au moment de la création de la Comédie-Française, que son nom disparaît des documents officiels et qu’elle prend donc finalement sa retraite avec 1000 livres de pension versée par la troupe (ce qui correspond à la norme de l’époque pour les troupes parisiennes). Elle meurt le vendredi 6 janvier 1683 à Versailles.
En tant que comédienne, Madeleine du Pouget a eu une certaine importance sur la scène théâtrale française de son époque. Nous connaissons quelques rôles qu’elle a créés ou incarnés pour Corneille : peut-être Créüse dans Médée (1634), Isabelle ou Lyse dans L’Illusion comique (1635), l’Infante du Cid (1637), Jocaste dans Oedipe (1659), Éryxe dans Sophonisbe (1663).
Ses contemporains célèbrent sa beauté et son talent. Le commentaire le plus fréquemment employé à son égard est sans doute celui que l’on retrouve dans les Tablettes dramatiques du Chevalier de Mouhy, selon lequel la Beauchâteau « était infiniment aimable, et une très-bonne actrice pour les rôles de princesses dans le tragique, et pour les amoureuses dans le comique », c’est-à-dire des rôles d’une certaine importance et non, comme ce fut le cas pour son époux, de second plan. Enfin, ce sont généralement ses qualités d’esprit qui sont les plus reconnues dans les témoignages de son époque. Nous savons aussi, par le chroniqueur Tallemant des Réaux, qu’elle a donné des cours de diction à Mme de Saint-Ange, une « femme de qualité ».
À l’inverse, son jeu est lui-même parodié par Molière dans son Impromptu de Versailles comme trop marqué par le souci de plaire et insuffisamment adapté à la situation du personnage joué. Que cela soit une simple attaque envers la concurrence ou une critique véridique sur sa déclamation, le fait demeure que la Beauchâteau avait un débit de parole proche du chant.
La Beauchâteau a été une véritable vedette du théâtre tragique et a contribué aux succès de Corneille.

Oeuvres

  • Aucune oeuvre connue n’est attribuée à la comédienne. Cependant, dans l’adresse au lecteur « À qui lira » d’une nouvelle de Scarron, La Précaution inutile, nous pouvons lire qu’elle aurait participé à l’écriture des Coups de l’Amour et de la Fortune, pièce parue sous le nom de Philippe Quinault (Paris, G. de Luyne, 1655) : « L’heureux succès de cette pièce de théâtre est dû à Mlle de Beau-Chasteau, qui en a dressé le sujet ; à feu M. Tristan, qui en a fait les quatre premiers actes, et à moi qui en ai fait le dernier, à la prière des comédiens qui me le firent faire, parce que M. Tristan se mourait [...]. Je garde encore le brouillon de Mlle de Beau-Chasteau et le mien ». (Paul Scarron, Les Nouvelles tragi-comiques, Paris, A. de Sommaville, 1656, n. p.).

Principales sources

  • Pierre Corneille, « Lettre à l’abbé de Pure » [1659], Œuvres complètes, Paris, Firmin Didot, 1837.
  • Georges de Scudéry, Observations sur le Cid, Paris, 1637 [1]
  • Molière, L’Impromptu de Versailles, 1663.
  • Jean Donneau de Visé, « Sur la Sophonisbe », Nouvelles nouvelles, III [1663] [2].
  • Gédéon Tallemant des Réaux, Historiettes, Paris, Gallimard, Bibliothèque de la Pléiade, 1961, t.II, p.694 (« Scudéry et sa sœur ») et p.778 (« Mondory ou l’histoire des principaux comédiens français ».

Choix bibliographique

  • Chevalier de Mouhy, Tablettes dramatiques, Paris, Jorry, 1752.
  • Auguste Jal, Dictionnaire critique de biographie et d’histoire, 2e édition, Paris, Plon, 1872.
  • Pierre-David Lemazurier, [Galerie historique des acteurs du Théâtre français], t. 2., Paris, Chaumerot, 1910.

- Henry Lyonnet, Dictionnaire des Comédiens Français (ceux d’hier) : biographie, bibliographie, iconographie, 2 vol., Genève, Bibliothèque de la Revue Universelle Internationale Illustrée, 1911.

Choix iconographique

  • La Beauchâteau, d’après un dessin du Cabinet des Estampes du Musée Carnavalet, datant, semble-t-il, du XVIIIe siècle. Copie présumée d’un original du XVIIe siècle, reproduit dans Léopold Lacour, Les premières actrices françaises, Paris, Librairie française, 1921, p. 106.

Choix de liens électroniques

  • Site relatif à la naissance de la critique dramatique [3]

Jugements

  • (À propos du Cid) : « La troisiesme Scene est encore plus défectueuse, en ce qu’elle attire en son erreur, toutes celles où parlent l’Infante ou Don Sanche : je veux dire, qu’outre la bienséance mal observée, en un amour si peu digne d’une fille de roi, et l’une et l’autre tiennent si peu dans le corps de la piece, et sont si peu necessaires à la représentation, qu’on voit clairement, que Don Urraque n’y est que pour faire jouer la Beau chateau, et le pauvre Don Sanche, pour s’y faire battre par Don Rodrigue. Et cependant, il nous est enjoint par les maîtres, de ne mettre rien de superflu dans la scène » (Georges de Scudéry, Observations sur Le Cid, voir supra, p.40).
  • « La Beauchâteau est sûre comédienne ; elle ne manque jamais, et fait bien certaines choses » (Tallemant des Réaux, Historiettes, voir supra, p.778).
  • « En vérité, Monsieur, quelque approbation qu’ait emportée notre nouvelle Jocaste, elle n’a point fait faire tant de ha ! ha ! dans l’Hôtel de Bourgogne que votre lettre dans mon cabinet : mon frère et moi les avons redoublés à toutes les lignes, et y avons trouvé de continuels sujets d’admiration. Je suis ravi que mademoiselle de Beauchateau ait si bien réussi. Votre lettre n’est pas la seule que j’en ai vue : on a mandé du Marais à mon frère qu’elle avait étouffé les applaudissements qu’on donnait à ses compagnes, pour attirer tout à elle ; et M. Floridor me confirme tout ce que vous m’en avez mandé. Je n’en suis point surpris, et il n’est rien arrivé que je ne lui aie prédit à elle-même, en lui disant adieu, quand je sus l’étude qu’elle faisait de ce rôle. Je souhaite seulement trouver un sujet assez beau pour la faire paraître dans toute sa force. Je crois qu’elle prendrait bien autant de soin pour faire réussir un original qu’elle en a fait à remplir la place de la malade » (Pierre Corneille, « Lettre à l’abbé de Pure » [1659], voir supra, p.589).
  • « Molière [...] Imitant Mademoiselle Beauchâteau, comédienne de l’hôtel de Bourgogne : Iras-tu, ma chère âme..., etc... // Non, je te connais mieux..., etc... // Voyez-vous comme cela est naturel et passionné ? Admirez ce visage riant qu’elle conserve dans les plus grandes afflictions. Enfin, voilà l’idée ; et il aurait parcouru de même tous les acteurs et toutes les actrices » (Molière, L’Impromptu de Versailles, 1663).
  • (À propos du rôle joué par la Beauchâteau dans la Sophonisbe) : « Je passe à celui d’Éryxe, que représente Mademoiselle de Beauchâteau. Sa réputation est assez établie et je ne puis rien dire à son avantage que tout le monde ne sache. Je vous entretiendrais de son esprit, si je ne craignais de sortir de mon sujet et si je n’appréhendais que la quantité de choses que j’aurais à vous en raconter ne me fît demeurer trop longtemps sur une si riche et si vaste matière » (J. Donneau de Visé, « Sur la Sophonisbe », voir supra, p.256).
  • (À propos de François Chastelet, dit Beauchâteau) : « Madelaine du Bouget sa femme étoit infiniment aimable, & une très bonne Actrice pour les rôles de Princesse dans le tragique, & pour les Amoureuses dans le comique. Elle avoit beaucoup d’esprit » (Chevalier de Mouhy, Tablettes dramatiques, voir supra, p.59).
  • « C’était une des bonnes actrices de son temps pour les rôles de princesses tragiques, et d’amoureuses dans la comédie : elle avait de la beauté et beaucoup d’esprit. Cependant elle ne se garantit pas de la déclamation ampoulée et chantante alors en usage à l’hôtel de Bourgogne. Molière la lui reprocha dans L’Impromptu de Versailles : il contrefit plaisamment sa manière de débiter la fameuse scène de Camille avec Curiace qui commence ainsi : ‟Iras-tu, ma chère âme, etc.”. Il remarqua d’ailleurs en elle un défaut plus grand encore, celui d’avoir sur la figure une expression toute contraire à celle que la situation aurait dû lui faire prendre » (Pierre-David Lemazurier, Galerie historique des acteurs du Théâtre français, voir supra, p. 25-26).
  • « Quatre ans plus tard, dans Sophonisbe (1663), [Corneille] lui confia, en effet, un ‟original”, mais ce n’était qu’un personnage de second plan, Eryxe, princesse africaine inventée par le poète, qui eût mieux fait cette fois d’avoir moins d’imagination, car cette ancienne ‟maîtresse” de Massinisse est une figure mal dessinée, et elle ne cesse d’avilir le lâche héros, malheureusement opposé dans cette pièce ultra-médiocre au fier et pathétique Numide de Mairet.[...] Il va de soi qu’elle n’avait eu sur le développement du théâtre aucune influence ; et je n’ai pas regretter, comme pour la Villiers, d’avoir trouvé dans les contemporains si peu de chose relativement à l’artiste : la femme seule eût mérité d’un chroniqueur un portrait de quelques pages » (Léopold Lacour, Les Premières Actrices françaises, Paris, Librairie française, 1921, p.65-67).
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