Madame Ulrich
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Madame Ulrich | ||
Titre(s) | Madame | |
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Conjoint(s) | Ulrich | |
Dénomination(s) | Ulric, Ulrik, Ulrick, De Ulric, De Ulrick, la Ulric, Ulricq | |
Biographie | ||
Date de naissance | ca 1665 | |
Date de décès | ca 1707 | |
Notice(s) dans dictionnaire(s) ancien(s) |
Notice Aurore Evain, Edwige Keller-Rahbé, Michèle Rosellini, 2023
Les dates de vie et de mort, le prénom et le nom de naissance de Mme Ulrich sont inconnus. Les seules sources biographiques disponibles sont fournies par un récit satirique, Pluton maltôtier, paru en Hollande en 1708. Destiné à décrier les mœurs françaises, il présente néanmoins des informations fiables. Elle serait la fille d’un des vingt-quatre Violons de la Musique du Roi. Malgré sa formation artistique, elle aurait été placée à 14 ans, en raison de la mort précoce de son père, chez un barbier, d’où le Suédois Ulrich, maître d’hôtel du comte d’Auvergne, l’aurait retirée pour la faire éduquer dans un couvent à dessein de l’épouser. Elle y rencontre le poète-comédien Florent Carton, dit Dancourt. Ulrich aurait précipité alors le mariage, mais il échoue à mettre fin à l’indépendance de son épouse.
Dans ce contexte, vraisemblablement, Mme Ulrich intègre le milieu théâtral, et compose son unique comédie, La Folle Enchère. Créée le 30 mai 1690 à la Comédie-Française, la pièce est représentée seize fois jusqu’en 1692 sous le nom de Dancourt. Mais Mme Ulrich revendique la maternité de sa comédie en obtenant un privilège d’impression (18 janvier 1691, sous ses initiales « M. U. ») et en la publiant à Paris. Énoncée au féminin, la préface construit un éthos de femme dramaturge et mentionne le succès de sa comédie. Mme Ulrich est ainsi, au XVIIe siècle, la seule femme avec Catherine Bernard et Mlle Longchamps (souffleuse de théâtre), à avoir été jouée par les Comédiens français. Sa brève carrière est interrompue le 10 juillet 1690, quand la troupe lui refuse d’assister aux répétitions au motif qu’il est douteux qu’elle soit l’autrice de « sa pièce » (La Folle Enchère ou une autre ?).
Dans les années qui suivent, l’intérêt de Mme Ulrich pour les Lettres est probablement soutenu par sa fréquentation du cercle du duc et de la duchesse de Bouillon, Marie-Anne Mancini, amatrice de théâtre et dédicataire de plusieurs dramaturges, cercle auquel lui donne accès son mari, maître d’hôtel du frère du duc. En témoigne sa relation amicale avec La Fontaine, ami et protégé de la duchesse. Aussi se trouve-t-elle à la mort du poète (1695) dépositaire de plusieurs manuscrits autographes, qu’elle édite en les préfaçant sous le titre Œuvres posthumes de M. de La Fontaine (1696).
Le récit malveillant du Pluton maltôtier ignore ce pan de la vie de « la Ulric » et dépeint ses dernières années sous les couleurs infamantes d’un comportement déviant, sanctionné par des mesures de surveillance et d’enfermement. Probablement veuve, mère d’une fille (Thérèse ou Françoise), Mme Ulrich est alors dans un état de précarité et de vulnérabilité qui l’expose aux soupçons typiques de la diffamation contre les femmes : prostitution, escroquerie, sorcellerie. Cet aspect est documenté par les archives policières et par la correspondance de Mme de Maintenon. Celle-ci semble avoir contribué à l’entrée au couvent de la fille de Mme Ulrich en lui obtenant une pension du roi, et s’est employée à convertir la mère au fil de ses réclusions dans des maisons religieuses pour femmes de mauvaise vie repentantes. On perd la trace de Mme Ulrich après le mandement royal de « la faire conduire au Refuge où il sera bon de l’oublier pendant plusieurs années » (1er avril 1707).
Il résulte de ce parcours tourmenté, aggravé par l’isolement social, un effacement quasi-total de l’histoire littéraire. Le statut d’autrice de Mme Ulrich a été dénié ou délégitimé : La Folle Enchère a été durablement annexée au théâtre de Dancourt ; quant à sa contribution d’éditrice à l’œuvre de La Fontaine, elle a été ravalée par les biographes et les critiques à l’exploitation opportuniste d’une liaison intéressée avec le poète.
La réhabilitation de Mme Ulrich comme dramaturge originale – La Folle enchère met en scène une femme coupable de déni de maternité par peur de vieillir, mais dont le fils obtient par ruse le consentement à son mariage – a été portée par le mouvement de redécouverte du théâtre de femmes de l’Ancien Régime initié par P. Gethner. On doit à A. Evain les premières recherches biographiques débarrassées de leur gangue fictionnelle, ainsi que la première édition critique de La Folle Enchère, et enfin sa recréation à la scène (Compagnie La Subversive, 2019). Après deux siècles d’invisibilisation de son travail éditorial (retracés par M. Rosellini), Mme Ulrich est en passe d’être reconnue dans les études lafontainiennes pour sa contribution à la conservation des dernières lettres du poète et à l’augmentation du corpus des fables et des contes.