Louise Seguin
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Louise Seguin | ||
Conjoint(s) | Jean Lefel | |
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Dénomination(s) | « la veuve Lefel » | |
Biographie | ||
Date de naissance | 1746 ou 1756 | |
Date de décès | ? | |
Notice(s) dans dictionnaire(s) ancien(s) |
Sommaire
Notice de Nicole Pellegrin, 2021
L’année et le lieu de naissance de Louise Seguin, héroïne exemplaire d’une émeute de subsistances, sont tout aussi inconnus que ses origines. Elle a soit 33, soit 43 ans, dans la grosse liasse de la sénéchaussée de La Rochelle qui rassemble la procédure judiciaire où se découvrent les évènements survenus les 17 et 18 avril 1789 dans la ville, portuaire et militaire, de Rochefort sur le fleuve Charente. Dans cette « émotion populaire » (celles-ci se multiplient dans la France effervescente du printemps 1789), Louise aurait joué un rôle majeur : partage de miches de pain chez deux boulangers aux côtés de plusieurs centaines de personnes, récupération de farine tombée au sol, probable agression à coups de pierres de sergents de ville venus à la rescousse, présence dans divers attroupements où ses propos seront jugés mobilisateurs et séditieux.
D’extraction modeste, cette émeutière est la veuve du taillandier Jean Lefel, un faiseur d’objets métalliques, qui travaillait « sur le port ». Elle serait « mère de famille », mais l’âge et le nombre de ses enfants ne sont pas indiqués. Elle se déclare « femme de journée » et fait notamment du blanchissage chez un boulanger. Elle ne sait pas signer, mais les dépositions des témoins et les procès-verbaux de ses interrogatoires, semblent montrer qu’elle sait user d’un vocabulaire vigoureux et précis quand il s’agit de répliquer à sa patronne, de réclamer au maire « le juste prix » du pain ou de tenter de minimiser ses actes lors de son procès. Son rôle de meneuse lors du pillage de plusieurs boulangeries n’est pas clair, mais il est monté en épingle par des juges en quête de responsables : prioritairement des hommes, précisément identifiés et sévèrement punis, et accessoirement, des femmes mal différenciées, « furieuses » mais nourricières et, pour cela, plus excusables.
« La veuve Lefel » est la seule « séditieuse » dont les propos sont rapportés par les témoins et c’est peut-être son éloquence, autant que ses affirmations réitérées d’être dans le bon droit, qui expliquent son arrestation le 21 avril et sa condamnation, le 14 juillet 1789, à un enfermement à perpétuité en « maison de force ». Une peine que la sentence prévôtale assortit de la fustigation en public et du marquage à l’épaule droite d’une fleur de lys, le tout lui étant infligé après avoir assisté à la pendaison du seul des trois hommes poursuivis : les deux autres condamnés à mort sont contumaces (un chirurgien, un fils d’aubergiste), tandis qu’un quatrième (un marin « Italien ») est envoyé à vie aux galères, et qu’une quinzaine d’autres semblent exonérés. Des sept femmes soupçonnées, Louise est la seule à être emprisonnée à Rochefort, puis à La Rochelle, et si elle échappe à la peine capitale, c’est – sans doute – du fait de son appartenance de genre. Son destin ultérieur reste inconnu.
La lecture fine d’archives particulièrement riches (près de 700 pages, dont 138 pour la seule « information » où témoignent 78 personnes) permet de ressusciter un pan de la vie d’une personne à la fois singulière et symptomatique. Elle a la prudence de cacher chez elle un premier pain dérobé chez sa patronne dont elle refuse l’argent, puis elle repart « au partage », harangue les hésitants et sait dire « nous » quand, devant le maire, « elle porta la parole de sa troupe de femmes » : des veuves ou épouses de crocheteurs, portefaix, « limeur aux grosses œuvres », cordier ou charpentier de navire, femmes qui survivent en louant leur force de travail ou en vendant des pommes ou des sardines (l’une d’elles cependant est la jeune veuve d’un sergent de la marine et se déclare « tailleuse pour hommes »). Par-delà l’habituelle solidarité de genre et de classe qui s’organise spontanément face au prix abusif des subsistances, les évènements rochefortais font apparaître les particularités d’une ville sous contrôle militaire qui draine une main d’œuvre turbulente venant d’Aunis et Saintonge, mais aussi d’Angoumois, d’Auvergne et même de Naples. Ces évènements révèlent plus encore le rôle conjoint des hommes et des femmes au moins lors des émeutes d’Ancien Régime, qu’elles soient vivrières comme ici, antifiscales ou autres.
Dans l’historiographie, la violence des femmes ne fait plus débat, mais l’analyse des aspects politiques de leur activisme mérite d’être reprise et étendue dans le temps. Elle oblige à multiplier, au plus près de l’archive, des études monographiques du type de celle entreprise, il y a peu, par Catherine Odoux.