Blanche de Bourgogne (1296-ca 1325-1326)

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Blanche de Bourgogne (1296-ca 1325-1326)
Titre(s) Comtesse de la Marche, Reine de France
Conjoint(s) Charles IV (dit le Bel), roi de France
Biographie
Date de naissance Février ou mars 1296
Date de décès entre le 29 septembre 1325 et début avril 1326
Notice(s) dans dictionnaire(s) ancien(s)


Notice de Gaëlle Audéon,2020

Blanche de Bourgogne, née en 1296, est la fille d’Othon IV, comte de Bourgogne (Franche-Comté) et de Mahaut d'Artois. Elle est élevée à la cour de France, comme sa sœur aînée Jeanne, héritière du comté de Bourgogne et mariée au deuxième fils du roi Philippe le Bel. Le mariage de Blanche avec le troisième fils de la fratrie, Charles de la Marche, est conclu en novembre 1307 contre une dot colossale de 100000 livres tournois, et célébré somptueusement le 18 janvier 1308 à Hesdin, en présence de toute la cour. Blanche n’a pas douze ans et son fiancé à peine quatorze.
Le nombre d’enfants du couple est encore discuté, mais les sources font état d’une fille, Jeanne, décédée le 18 mai 1320, d’un autre enfant de sexe et de nom inconnu, et d’un fils, Philippe, né le 5 janvier 1314 et mort avant mars 1322.
Les dernières années du règne de Philippe le Bel sont traversées d’évènements tragiques: expulsion des juifs en 1306, chute du Temple en 1307, plusieurs procès pour hérésie en 1310. En juin 1313, à l’occasion des fêtes de l’adoubement des fils du roi, Blanche de Bourgogne prend la croix en même temps que sa sœur Jeanne et que leur cousine la reine de Navarre Marguerite de Bourgogne, épouse de l’ainé des fils.
Le 9 avril 1314, ces trois princesses sont arrêtées sur ordre du roi, pour crime d’adultère. Blanche et Marguerite notamment sont accusées d’avoir trompé leurs époux avec deux chevaliers à leur service, les frères d’Aulnay. En quelques jours, sans procès, les deux hommes sont écorchés vifs, émasculés et pendus; à leur suite de nombreuses personnes considérées comme complices sont torturées et noyées. Le 1er mai 1314, Marguerite et Blanche sont emprisonnées à Château-Gaillard (Normandie) et Jeanne à Dourdan. Ce scandale retentissant est connu comme «l’affaire des brus» ou «de la Tour de Nesle».
Blanche reste emprisonnée jusqu’en 1325, à Château-Gaillard, puis à Gavray. Entre-temps, se sont succédé les règnes de Louis X (1314-1316) puis de Philippe V (1316-1322), morts sans fils. Philippe s’est fait sacrer en 1317 au détriment des droits de sa nièce Jeanne, fille de Louis X et de Marguerite de Bourgogne. Cette spoliation féminine semble faire jurisprudence: à sa mort, son frère monte sur le trône sous le nom de Charles IV. Il entame aussitôt une procédure d’annulation de son mariage avec Blanche, qui aboutit dès le 19 mai suivant, au motif d’une parenté spirituelle avec Mahaut d'Artois (sa marraine). Il épouse en secondes noces Marie de Luxembourg, qui meurt prématurément des suites d’un accident. Il se remarie alors avec sa cousine germaine Jeanne d'Evreux.
ll semble que Jeanne de Bourgogne ait plaidé auprès du pape pour un adoucissement des conditions d’incarcération de Blanche. En 1319, elle teste en sa faveur, lui léguant la somme significative de 2000 livres et une rente de 600 livres. Il est possible aussi que, grâce à l’influence conjuguée de sa sœur, de la reine Jeanne d'Evreux et de sa mère la comtesse d’Artois, Blanche ait pu passer les derniers mois de son existence à l’abbaye de Maubuisson, ce qui malgré l’absence de sources factuelles, est admis par l’historiographie. Elle meurt à trente ans, entre le 29 septembre 1325 et début avril 1326.
L’accusation d’adultère a gravement entaché la renommée de Blanche (La Continuation de Guillaume de Nangis, contemporaine, fait en outre état de viol et de grossesse pendant son emprisonnement). Cependant, nul·le n’a montré comment ces liaisons auraient pu avoir lieu dans un endroit aussi surveillé que la cour de Philippe le Bel, ni pourquoi les princesses auraient méconnu à ce point leurs intérêts, ni pourquoi sa sœur a pu agir ouvertement pour restaurer sa mémoire. L’historiographie n’a rien expliqué de plus, mais elle est restée largement à charge, et des œuvres de fiction se sont emparées du scandale (théâtre, littérature, cinéma), notamment Les Rois maudits de Maurice Druon. Des historiennes invitent cependant désormais à revoir cet épisode inouï au prisme des procès de l’époque, des diffamations des reines et princesses royales déjà nombreuses au XIIIe et XIVe siècles, et de la justification du «coup d’État» de Philippe V, monté sur un trône qui revenait de droit à sa nièce Jeanne de France, première manœuvre visant à l’exhérédation des femmes de la Couronne, plus tard théorisée sous le nom de «loi salique». Pour sa part, Blanche de Bourgogne a fait récemment l’objet de nombreux et solides travaux de la part de l’historienne Elizabeth A.R. Brown.

Principales sources

  • Rouen, BM, Y 29 (Cf. article d’Elizabeth A. R. Brown, «Blanche of Artois and Burgundy, Château-Gaillard, and the Baron de Joursanvault», voir infra, p.234-247.
  • Robert Fawtier, Comptes royaux (1285-1314), Paris, 1954, t. II, p.550.
  • Chronique de Guillaume de Nangis, de 1113 à 1327, Ed. Guizot, 1825 p.301-303
  • Grandes Chroniques de France, éd. Jules Viard, 1934, t.8, p.297-298; RHF, 24 vol., 1737-1904, t. XX, p.654-724, p.691
  • La Chronique métrique attribuée à Geoffroy de Paris, éd. A. Diverrès, Paris, 1956 (Publications de la faculté des lettres de l’Université de Strasbourg, 129), p.202-205.

Choix bibliographique

  • Allirot, Anne-Hélène, «"Aiiés pité de moy": la pénitence de quelques dames scandaleuses entre 1250 et 1350», Cahiers de recherches médiévales et humanistes [En ligne], 25 | 2013, p.213-221.
  • Audéon, Gaëlle, Philippe le Bel et l’Affaire des brus, Éd. L’Harmattan, 2020, Préface d’Éliane Viennot.
  • Brown, Elizabeth A.R., «The Children of Charles of La Marche and Blanche of Artois and Burgundy», Medieval prosopography, 2019, vol. 34, p.151-174.
  • Brown, Elizabeth A.R., «Blanche of Artois and Burgundy, Château-Gaillard, and the Baron de Joursanvault», in Negotiating Community and Difference in Medieval Europe, Gender, Power, Patronage and the Authority of Religion in Latin Christendom, dir. Katherine Allen Smith & Scott Wells, Brill, 2009, p.223-248.
  • Canteaut, Olivier, «L’annulation du mariage de Charles IV et de Blanche de Bourgogne: une affaire d’État?», in Répudiation, séparation, divorce dans l’Occident médiéval, Études réunies par Emmanuelle Santinelli, Presses Universitaires de Valenciennes, 2007, p.309-327.

Choix iconographique

  • Vers 1455-1460 : Jean Fouquet, Mariage de Charles IV le Bel et de Marie de Luxembourg, Grandes Chroniques de France, Paris, BnF, département des Manuscrits, Ms. Français 6465, fol.332 r°.

Jugements

  • (À propos de sa captivité) «[…] elle devint grosse d’un certain serviteur à qui était confié le soin de la garder, quoiqu’on dît aussi que c’était du comte, son propre mari, ou de quelque autre» (Continuation de Guillaume de Nangis, Ed. Géraud, 1843, Tome Premier, p.418. Traduction Wikisource, [«Blancha veri in carcere remanens, a servient quodam ejus custodiae deputato dicebatur impraegnata fuisse, quamquam a proprio comite diceretur vel ab aliis impraegnata»]).
  • (À propos de Charles IV) «La premiere de ses femmes fut une des plus belles dames du monde et fut fille de la contesse d’Artois» (Chronique de Jean le Bel, éd. Jules Viard & Eugène Déprez, Société de l'histoire de France, t. I, 1904, p.89-90; Froissart reprend textuellement ce passage dans ses Chroniques [Chronique de Jean Froissart, éd. Siméon Luce, Société de l'histoire de France, t. I, 1307-1340, 1869, p.83-84]).
  • (À propos de Philippe VI et Blanche de Bourgogne) «Les deux cousins germains vivaient côte à côte dans une cour dissolue, ils pouvaient se voir tous les jours. Et ce n'est certes pas la vertu de Blanche de Bourgogne qui nous gênera. Elle est une des trois princesses légendaires de la Tour de Nesle». (Marcellin Boudet, Thomas de la Marche, bâtard de France et ses aventures [1318-1361], Riom, 1900, p.33).
  • (À propos de Blanche de Bourgogne et Marguerite de Bourgogne) «Entre les deux princesses et leurs amants, toute pudeur était depuis longtemps abolie, et ils avaient accoutumé de se livrer les uns devant les autres à tous les jeux de la passion.» (Maurice Druon, Les rois maudits, t. I, [1955], Éd. Plon, 2014, p.62).
  • (À propos de Blanche de Bourgogne et Mahaut d’Artois) «[…] si Jeanne sauva son mariage, Blanche ruina une union particulièrement prestigieuse. La réaction de Mahaut fut d’ailleurs à la mesure de sa colère et de sa déception: tandis qu’elle entretint une correspondance avec Jeanne et lui rendit parfois visite à Dourdan, elle coupa toute relation avec Blanche, qui n’apparaît même plus dans son deuxième testament, dicté en 1318.» (Christelle Balouzat-Loubet, Mahaut d’Artois, Perrin, 2015, p.115).
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