Isabella Agneta Elisabeth van Tuyll van Serooskerken
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Isabella Agneta Elisabeth van Tuyll van Serooskerken | ||
Conjoint(s) | Charles-Emmanuel de Charrière de Penthaz | |
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Dénomination(s) | Isabelle de Charrière Belle de Zuylen Madame Charrière de Saint-Hyacinthe | |
Biographie | ||
Date de naissance | 1740 | |
Date de décès | 1805 | |
Notice(s) dans dictionnaire(s) ancien(s) | ||
Dictionnaire Fortunée Briquet (1804) |
Sommaire
Notice de Madeleine van Strien-Chardonneau et Suzan van Dijk, 2002, revue en 2019
Isabella Agneta Elisabeth van Tuyll van Serooskerken dite Belle de Zuylen est née le 20 octobre 1740 au château de Zuylen près d'Utrecht aux Pays-Bas. Fille aînée de Diederik Jacob, baron van Tuyll van Serooskerken et de Helena Jacoba de Vicq, elle a quatre frères et une soeur. Très jeune, elle apprend le français : de 1748 à 1753 elle a une gouvernante suisse, Jeanne-Louise Prévost. Elle passe avec elle vers 1750 une année à Genève. En rentrant, elles s'arrêtent à Paris et rencontrent le peintre Quentin de La Tour qui fera en 1766 le portrait de Belle. Après son départ, Mlle Prévost entame avec son ancienne élève une correspondance qui durera jusqu'en 1758: elle la stimule à lire et à faire des extraits de ses lectures. Par ailleurs Belle profite des leçons dispensées à ses frères, s'initie au latin, étudie peinture et musique, lit les classiques français du XVIIe siècle et suit de près la production littéraire de son époque. Le 28 février 1760, elle rencontre lors d'un bal à La Haye David-Louis Constant d'Hermenches (1722-1785), colonel d'un régiment suisse au service des États-Généraux et commence une correspondance, d'abord clandestine, qui se poursuivra jusqu'en 1775 et où s'élabore son talent d'épistolière. De 1764 à 1768, elle correspond également avec le futur biographe de Samuel Johnson, James Boswell (1740-1795), qui lui fait découvrir Adam Smith. Elle écrit des vers et des "portraits" qu'elle fait circuler, et fait paraître en 1762 Le Noble, conte dans lequel elle se moque des préjugés de son milieu. L'édition de 1763 sera retirée du commerce par ses parents. En 1764, elle écrit une comédie, Justine, qui n’a pas été retrouvée. Toute cette période est occupée aussi par la recherche d'un mari. Belle refuse environ une douzaine de candidats et se résout en 1771 à épouser le gouverneur de son frère aîné, Charles-Emmanuel de Charrière de Penthaz (1735-1808), gentilhomme suisse sans titre ni fortune. Elle passera la seconde moitié de sa vie, jusqu’à sa mort le 27 décembre 1805, au manoir du Pontet à Colombier dans la principauté de Neuchâtel et c'est sous le nom d'Isabelle de Charrière qu'elle publiera.
Les années 1784-1785 marquent le coup d'envoi de sa carrière littéraire puisqu'elle publie alors ses deux premiers romans, les Lettres neuchâteloises et les Lettres de Mistriss Henley. Puis suivent les Lettres écrites de Lausanne, une comédie, un opéra-comique (perdu). Pendant un séjour à Paris en 1786-1787 lors duquel elle publie trois recueils de sonates pour clavecin, elle rencontre Benjamin Constant, avec qui elle noue un échange épistolaire qui se maintiendra jusqu'à sa mort en 1805 en dépit de la liaison de Benjamin avec Mme de Staël. Isabelle s'intéresse vivement aux idées pré-révolutionnaires et de retour en Suisse, elle se livre à une activité journalistique intense, rédigeant pamphlets et essais politiques (Observations et conjectures politiques, Lettres d'un évêque français à la nation). Les excès de la Révolution et ses répercussions en Europe l'inquiètent et lui inspirent des pamphlets tels que les Lettres trouvées dans la neige (1793) et éveillent de nouveau son inspiration romanesque: romans de la Révolution et de l'Émigration tels que Lettres trouvées dans des portefeuilles d'émigrés et de l'après Révolution dont Trois femmes est l'un des plus ambitieux. Cette production romanesque se poursuit jusqu'à la fin du siècle (Sir Walter Finch et son fils William). En même temps, l'activité épistolaire reste des plus importantes: Isabelle entretient, à partir des années 1790, un commerce épistolaire avec sa famille néerlandaise et avec des jeunes gens et jeunes filles qu'elle s'emploie à former, déployant jusqu'à la fin de sa vie sa passion pédagogique. Par ailleurs, elle a composé 26 comédies, opéras et tragédies lyriques, pour la plupart restés inachevés ou non publiés.
De son vivant son oeuvre, appréciée de l’entourage suisse, a rencontré peu d’échos en France. Par contre, plusieurs des romans ont été traduits en allemand. C’est depuis Sainte-Beuve que sa correspondance est considérée comme un des chefs d'oeuvre de la littérature épistolaire. Grâce aux biographes suisse (Philippe Godet) et néerlandais (Simone Dubois) sa personnalité fascinante d’abord, puis son oeuvre ont finalement reçu l’attention qu’elles méritent. Le projet en cours de l’édition électronique de sa correspondance la rendra accessible à un plus large public.
Oeuvres
- 1762 : Le Noble. Conte dans Journal étranger, combiné avec l'Année Littéraire, août 1762, no.8, Amsterdam, van Harrevelt, 1763, p.540-74 -- Voir infra, OC.
- 1784 : Lettres neuchâteloises, Amsterdam (= Lausanne), 1784 -- Voir infra, OC.
- 1784 : Lettres de Mistriss Henley, publiées par son amie, Genève, 1784 -- Voir infra, OC.
- 1785 : Lettres écrites de Lausanne, Toulouse (= Genève, Bonnant), 1785 -- Voir infra, OC.
- 1787-88 : Observations et conjectures politiques, Les Verrières, Jérémie Wittel -- Voir infra, OC.
- 1789 : Lettres d'un évêque français à la nation, Neuchâtel, Fauche-Borel -- Voir infra, OC.
- 1793 : Lettre d'un Français, et réponse d'un Suisse (Lettres trouvées dans la neige), Neuchâtel, Fauche-Borel -- Voir infra, OC.
- 1793 : Lettres trouvées dans des portefeuilles d'émigrés, Paris (= Lausanne, Durand) -- Voir infra, OC.
- 1795 : Trois femmes, in Monthly Magazine, septembre 1796 -- Voir infra, OC.
- 1799 : Sainte-Anne, dans L'Abbé de La Tour ou recueil de nouvelles et autres écrits divers, t.III, Leipzig, Wolf -- Voir infra, OC.
- 1799 : Sir Walter Finch et son fils William, Genève, Paschoud, 1806 -- Voir infra, OC.
- Oeuvres Complètes [OC], édition critique J.-D. Candaux, C.P. Courtney, P.H. Dubois, S. Dubois-De Bruyn, P. Thompson, J. Vercruysse et D.M. Wood, Amsterdam, G.A. van Oorschot, 1979-1984, 10 vol. (t.I à VI: Correspondance, t.VII: Théâtre, t.VIII et IX: Romans, contes et nouvelles, t.X: Essais, vers, musique)
- Bibliographie complète dans Courtney -- Voir infra.
Choix bibliographique
- P. Godet, Madame de Charrière et ses amis, Genève, A.Jullien, 1906, 2 vol.
- C.P. Courtney, Isabelle de Charrière (Belle de Zuylen). A biography, Oxford, Voltaire founfation, 1993.
- Une Européenne: Isabelle de Charrière en son siècle. Actes du Colloque de Neuchâtel, 11-13 novembre 1993, Neuchâtel, Attinger, 1994.
- Y. Went-Daoust, Isabelle de Charrière (Belle de Zuylen): de la correspondance au roman épistolaire, Amsterdam, Rodopi, 1995.
- M. van Strien-Chardonneau, «Lettres (1793-1805) d'Isabelle de Charrière à son neveu, Willem-René van Tuyll van Serooskerken. Une éducation aristocratique et post-révolutionnaire», in Rapports. Het Franse boek, 70, 2000, p.86-93.
Jugements
- «Ah, si cette demoiselle avait la bonté d'écrire en néerlandais! Quel avantage si le bourgeois se mettait à lire grâce à elle» (son contemporain Frans van Lelyveld, fondateur de la Société des lettres néerlandaises; cité d'après H. Stouten dans Histoire de la littérature néerlandaise, Paris, Fayard, 1998, p.379).
- «C'est le ton extrêmement personnel dans certains de ces récits, qui paraît préjudiciable à la juste appréciation de ses oeuvres, non seulement à Genève en 1800, mais aussi dans les Pays-Bas actuels. [...] A cause de l'intérêt que représente sa vie, Belle de Zuylen est souvent en proie à une attention qui concerne exclusivement sa personne» (J. Stouten, in M.A. Schenkeveld-van der Dussen (éd.), Nederlandse literatuur, een geschiedenis, Groningen, Nijhoff, 1993, p.370; trad. SvD).
- «[...] Assurément toute l'oeuvre de Mme de Charrière ne vaut pas Caliste. Hollandaise, elle avait peu de facilité à manier la langue française. [...]» (J. Larnac, Histoire de la littérature féminine en France, Paris, Kra, 1929, p.169).
- «Of all the women novelists of eighteenth-century France, Isabelle de Charrière (1740-1805) is arguably the greatest» (M. Hall, dans S. Stephens (éd.), A History of women's writing in France, Cambridge, Cambridge University press, 2000, p.113).
- «Toutes les opinions de Mme de Charrière reposaient sur le mépris de toutes les convenances et de tous les usages» (B. Constant, dans Le Cahier rouge, cité d'après C. Calame, «Une étude de moeurs», intr. aux Lettres neuchâteloises, éd. I. et J.-L. Vissière, Paris, La Différence, 1991, p.7.