Marie d’Avaugour
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Marie d’Avaugour | ||
Conjoint(s) | Hercule de Rohan, duc de Montbazon | |
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Dénomination(s) | Madame de Montbazon | |
Biographie | ||
Date de naissance | 1610 | |
Date de décès | 28 avril 1657 | |
Notice(s) dans dictionnaire(s) ancien(s) |
Sommaire
Notice de Danielle Haase-Dubosc et Marie-Elisabeth Henneau, 2018
Marie d’Avaugour (1610-1657), fille de Claude, comte de Vertus, et de Catherine Fouquet de la Varenne, destinée à être religieuse, est placée au couvent dès l’âge de cinq ans. Sa sœur Catherine, connue sous le nom de Mlle de Vertus (1617-1692), disciple de Singlin et de Lemaître de Sacy et familière de Port-Royal, deviendra un membre actif du réseau janséniste. Marie emprunte d’autres voies. Hercule de Rohan (1568-1654), duc de Montbazon et compagnon d’armes d’Henri IV, entend parler de sa beauté. Veuf de Madeleine de Lénoncourt, dont il a eu Marie, duchesse de Chevreuse (1600-1679), il épouse Marie d’Avaugour en 1628. Elle a dix-huit ans, il en a soixante. Elle lui donne deux enfants, François de Rohan, prince de Soubise, et Anne de Rohan, légitimée malgré les rumeurs. À la cour comme à la ville, Marie collectionne en effet les amants – notamment Henri II d’Orléans-Longueville (1595-1663), puis François de Bourbon-Vendôme, duc de Beaufort (1616-1669). Connue pour sa beauté éblouissante mais aussi pour son avarice, elle défraye la chronique. Un différend, hautement médiatisé, va ainsi l’opposer en 1643 à Anne-Geneviève de Bourbon, épouse de son ancien amant le duc de Longueville. Cette dernière se voit accusée par Mme de Montbazon d’être l’autrice de missives galantes prétendument adressées à Maurice, comte de Coligny, auquel elle était très attachée. L’« affaire des lettres » fait jaser le Tout-Paris comme en témoignent les chroniqueurs de l’époque (Mme de Motteville, de Mme de Montglat, le cardinal de Retz, La Rochefoucauld, Nicolas Goulas, Henri de Campion…). Deux clans vont dès lors s’affronter : les Vendôme auxquels Marie est attachée, du fait de sa liaison avec Beaufort, et les Condé auxquels appartient la duchesse de Longueville. Sa mère, la princesse de Condé, saisit l’occasion de transformer cette querelle de cour en affaire d’État au moment où se déclenche la Cabale des Importants (1643). Forte des victoires de son fils le duc d’Enghien (Rocroi, 1643), elle se plaint de la conduite de Mme de Montbazon auprès de la reine et demande réparation. Son intervention sert les intérêts de Mazarin contre qui les Importants avaient comploté : en représailles, Anne d’Autriche fait embastiller le duc de Beaufort, jugé l’un des principaux responsables de la cabale. Sa maîtresse, contrainte de s’excuser publiquement de l’outrage commis à l’encontre de Mme de Longueville, finit par se retirer à Rochefort. Par la suite, on la retrouve au cœur des intrigues de cour liées au contexte de la Fronde. Au début des années 1650, elle correspond régulièrement avec Mazarin pour tenter de favoriser les ambitions politiques de son clan. Malgré le peu d’estime qu’il a pour elle, le ministre la considère comme l’intermédiaire incontournable pour accéder à Beaufort. Sans doute influente, elle souffre toutefois d’une piètre réputation en politique. Tant à la cour qu’auprès des Frondeurs, elle passe pour ne penser qu’à ses intérêts personnels. Mais les sévères commentaires de ses contemporains sont sans doute réducteurs.
Alors que la vie de la duchesse de Montbazon continue à défrayer la chronique galante de l’époque jusqu’au moment (ca.1650) où elle se lie à un jeune abbé de cour, Armand Jean Le Bouthillier de Rancé, de quatorze ans son cadet. Il semble, selon les contemporains, qu’ils se soient véritablement aimés. Les témoignages concordent en ce qui concerne l’abbé de Rancé : la mort de Mme de Montbazon, victime de la rougeole ou de la variole en octobre 1657, est à l’origine de sa conversion. L’abbé mondain devient alors l’austère réformateur de l’abbaye cistercienne de La Trappe. Il circule divers récits relatifs au décès de Mme de Montbazon, comme celui où Rancé, arrivant trop tard dans la chambre de sa bien-aimée, découvre la tête tranchée de sa maîtresse posée à côté du corps, le cercueil prévu étant trop petit pour la recevoir. Selon une autre version, il emmène la tête à La Trappe où elle lui sert de Memento mori.
Depuis lors, les effets de la mort de Mme de Montbazon sur l’abbé de Rancé n’ont cessé de fasciner et d’inspirer poètes, littérateurs et critiques (René de Châteaubriand, Louis Aragon, Roland Barthes…). On retrouve encore Marie d’Avaugour évoquée, mais de manière plus légère, dans la chanson populaire Y avait dix filles dans un pré. Des études scientifiques récentes tentent maintenant d’approfondir son rôle d’entremetteuse au sein du réseau des Frondeuses.
Oeuvres
- Les références à la correspondance inédite de Mme de Montbazon sont mentionnées dans la thèse de Sophie Vergnes (voir infra Choix bibliographique), avec l’édition de certaines de ses lettres.
Choix bibliographique
- Brunn, Alain, « Équivoque épistolaire : un usage de l’exégèse à la cour de France », Les Cahiers du Centre de Recherches Historiques [En ligne], 33 | 2004, mis en ligne le 05 septembre 2008, consulté le 19 novembre 2017. [1]
- Cousin, Victor, La Jeunesse de Mme de Longueville, Paris, Didier, 1859.
- Krailsheimer, Alban John, Armand-Jean de Rancé, Abbé de la Trappe, Paris, Cerf, 2000.
- Lesne, Emmanuelle, « Un épisode mondain : l’affaire des lettres perdues », in La poétique des Mémoires (1650-1685), Paris, Champion, 1996, p. 371-380.
- Vergnes, Sophie, Les Frondeuses. Une révolte au féminin (1643-1666), Paris, Champ Vallon, 2013.
Choix iconographique
- [XVIIe s.] : Anonyme, Mme de Montbazon (gravure, 35 x 27 cm), Fondation Dessau-Wörlitz: Dessau, G.H. Inventaire, numéro 1-371.
- [XVIIe s.] : Claude Déruet, Mme de Montbazon (huile sur toile, 35 x 27 cm), Fondation Dessau-Wörlitz [2]
- [XVIIe s.] : Le Blond, Jean, Marie de Bretagne, duchesse de Montbazon (Burin et eau-forte, 27,6 x 20,4 cm), Collections du château de Versailles, INV. GRAV. 9173 [3][4]
Jugements
- « Madame de Montbazon étoit une de celle qui faisoient le plus de bruit [à la cour]. Elle avoit l’extrême beauté avec l’extrême envie de plaire : elle étoit grande, et dans toute sa personne, on voyoit un air libre, de la gaieté et de la hauteur. Mais son esprit n’étoit pas si beau que son corps : ses lumières étoient bornées par ses yeux, qui commandoient impérieusement qu’on l’aimât. […] Elle prétendoit à l’admiration universelle et les hommes lui rendoient ce tribut toujours vain, défectueux et souvent criminel dans sa suite et ses effets. […] Un jour que je louai devant elle une de mes amies d’être vertueuse, [elle me dit] que toutes les femmes l’étoient également ; et, se moquant de moi, elle me fit entendre qu’elle n’estimoit guère cette qualité » (Mme de Motteville, Mémoires, éd. F. Riaux, t. I, Paris, Charpentier, 1855, chapitre II, p. 38-39).
- « [Madame de Montbazon] était une des plus belles personnes qu’on pût voir, et ce fut un grand ornement à la cour ; elle défaisait toutes les autres au bal, et, au jugement des Polonais, au mariage de la princesse Marie [1645], quoiqu’elle eût plus de trente-cinq ans, elle remporta encore le prix. Mais, pour moi, je n’eusse pas été de leur avis ; elle avait le nez grand et la bouche un peu enfoncée ; c’était un colosse, et en ce temps-là, elle avait déjà un peu trop de ventre, et la moitié plus de tétons qu’il ne faut ; il est vrai qu’ils étaient bien blancs et bien durs ; mais ils ne s’en cachaient que moins. Elle avait le teint fort blanc et les cheveux fort noirs, et une grande majesté. Dans la grande jeunesse où elle était quand elle parut à la cour, elle disait qu’on n’était bon à rien à trente ans, et qu’elle voulait qu’on la jetât dans la rivière quand elle les aurait. Je vous laisse à penser si elle manqua de galants. M. de Chevreuse, gendre de M. de Montbazon, fut des premiers. » (Tallemant des Réaux, Historiettes, [1650 sq], Paris, Gallimard, « Bibliothèque de la Pléiade », 1961, vol. 2, p. 217-222).
- « Elle [la duchesse de Chevreuse] et madame de Montbazon, séparément, ont soutenu qu’on pouvait lever la robe pour satisfaire à l’ambition et pour la vengeance. C’est la doctrine que ces dames enseignent et pratiquent. Les susdites choses sont sues de tout le monde et j’en dirai des particularités, en temps et lieu, toutes extraordinaires. Et lorsque l’âge empêche lesdites dames de profiter de leur beauté, elles ont recours à leur fille et elles ont commencé à le faire » (« Lettre de Mazarin à un correspondant inconnu, avril 1651 », in Lettres du cardinal Mazarin à la reine, à la princesse Palatine, etc., Paris, Renouard, 1836, p. 14).
- « La Montbazon, femme très belle,
Mais pourtant pas tout-à-fait telle Comme elle étoit par le passé, // Son beau corps étant menacé, // Par efet ou par fantaizie, // Du fâcheux mal d'hidropizie ; // Pour avoir donc le corps plus sain, // Elle prit un pieux dessein // D'aller mardy, la bonne dame, // Prier Dieu dedans Notre-Dame, // Mais avec un procédé tel // Que jusques au pied de l'autel // Elle se fit porter en chaize, // Pour être un peu mieux à son aize ; // Ce qui fit que ceux de Paris, // Qui, d'ordinaire, sont surpris // À l'aspect du moindre spectacle // Comme si c'étoit un miracle, // Entourèrent de toute parts // (Tant honnestes gens que pendarts) // La belle dame potelée ; // Chacun dizoit sa ratelée // De sa nouvelle piété, // De sa grande débilité, // Et surtout de la riche taille // Qu'on luy voit, quelque part qu'elle aille » (Jean Loret, La muze historique, [août 1651], Paris, P. Jeannet, t. 1, 1857, p. 148).
- « Mme de Montbazon était d'une très grande beauté. La modestie manquait à son air. Sa morgue et son jargon eussent suppléé, dans un temps calme, à son peu d'esprit. Elle eut peu de foi dans la galanterie, nulle dans les affaires. Elle n'aimait rien que son plaisir et, au-dessus de son plaisir, son intérêt. Je n'ai jamais vu personne qui eût conservé dans le vice si peu de respect pour la vertu. » (Jean-François de Gondi, cardinal de Retz, Mémoires [1670 sq.], précédés de La Conjuration de Fiesque, Paris, Le Livre de Poche-Classiques Garnier, 1998, p. 408)
- « Je vous ay desjà dit que l’Abbé de la Trape estoit un homme galand et qui avoit eu plusieurs commerces tendres. Le dernier […] fut avec une Duchesse fameuse par sa beauté [laquelle rencontra la mort] dans la petite vérole dont elle fut attaquée l’an 1657. [… Rancé] montant tout droit à l’appartement de la Duchesse où il luy estoit permis d’entrer à toute heure, au lieu des douceurs dont il croyoit aller jouir, il y vit pour premier objet un cercueil qu’il jugea estre celuy de sa maîtresse, en remarquant sa teste toute sanglante qui estoit par hazard tombée de dessous le drap dont on l’avoit couverte avec beaucoup de négligence et qu’on avoit détachée du reste du corps afin de gagner la longueur du col » (Daniel Larroque, Les Véritables Motifs de la conversion de l’abbé de la Trappe avec quelque réflexions sur ses vies et sur ses écrits, Cologne, P. Marteau, 1685, p. 25-27).
- « Cette belle Mme de Montbazon dont on a fait ce conte, qui a trouvé croyance, que l’abbé de Rancé, depuis ce célèbre abbé de la Trappe, en était fort amoureux et bien traité ; qu’il la quitta à Paris se portant fort bien, pour aller faire un tour à la campagne ; que bientôt après y ayant appris qu’elle était tombée malade, il était accouru, et qu’étant entré brusquement dans son appartement, le premier objet qui lui était tombé sous les yeux avait été sa tête, que les chirurgiens, en l’ouvrant, avaient séparée ; qu’il n’y avait appris sa mort que par là, et que la surprise et l’horreur de ce spectacle, jointes à la douleur d’un homme passionné et heureux, l’avait converti, jeté dans la retraite, et de là dans l’ordre de Saint Bernard et dans sa réforme. Il n’y a rien de vrai en cela, mais seulement des choses qui ont donné cours à cette fiction. Mme de Montbazon mourut de la rougeole en fort peu de jours. M. de Rancé était auprès d’elle, il ne la quitta point, et fut présent à sa mort. La vérité est que, déjà touché et tiraillé entre Dieu et le monde […] les réflexions que cette mort si prompte firent faire à son cœur et son esprit achevèrent de le déterminer » (Saint-Simon, Mémoires [1740 sq.], éd. Yves Coirault, Paris, Pléiade, 1983, vol. 1, p. 521).
- « Au sein de la nébuleuse Lorraine-Rohan-Vendôme, les femmes détiennent […] une place tout à fait centrale […]. Les duchesses de Chevreuse et de Montbazon en sont les figures de proue car ce sont elles qui tissent les liens les plus directs entre les trois lignages coalisés. Le pouvoir de patronage apparaît donc comme un prolongement de la vocation que leur confère le mariage mais il est encore accru par leurs adultères puisque les deux duchesses, comme les Frondeuses du clan Condé, utilisent leurs relations sentimentales dans la structuration de leur parti. Cependant, le fait que les femmes soient à la tête du groupe contribue aussi à l’affaiblir car elles disposent de peu de ressources propres pour rémunérer les fidélités. La seule solution consiste donc pour elles à se mettre au service d’un pouvoir plus puissant, auquel elles servent de broker auprès de leurs fidèles » (Sophie Vergnes, « Les Frondeuses : l'activité politique des femmes de l'aristocratie et ses représentations de 1643 à 1661 », Thèse en ligne, Université Toulouse le Mirail - Toulouse II, 2012, p. 667-668 https://tel.archives-ouvertes.fr/tel-00760092/document).