Marie-Madeleine de Castille
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Marie-Madeleine de Castille | ||
Titre(s) | dame de Villemareuil, marquise de Belle-Île, comtesse de Vaux | |
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Conjoint(s) | Fouquet Nicolas, vicomte de Melun, marquis de Belle-Île et comte de Vaux | |
Dénomination(s) | Madame Fouquet, Madame Foucquet | |
Biographie | ||
Date de naissance | 1635 | |
Date de décès | 12 décembre 1716 | |
Notice(s) dans dictionnaire(s) ancien(s) |
Sommaire
Notice de Pauline Ferrier-Viaud, 2017
Née en 1635, Marie-Madeleine de Castille est la fille de François de Castille et de son épouse Charlotte Garrault. Son père appartient à la noblesse de robe, il est conseiller ordinaire des finances, puis président d’une Chambre du Parlement de Paris. Marie-Madeleine épouse en février 1651 Nicolas Fouquet (veuf de Louise Fourché, 1620-1641), qui est alors procureur général du Parlement de Paris et secrétaire d’État, avant qu’il ne soit nommé surintendant des Finances en 1653. Le couple donne naissance à cinq enfants, dont quatre atteignent l’âge adulte.
Les dix premières années de son mariage, le couple Fouquet connaît une vie fastueuse, organisée entre leurs possessions terriennes proches de Paris : la seigneurie de Saint-Mandé principalement, puis le comté de Vaux, où un magnifique château est en cours de construction. Dans ces lieux, le couple Fouquet reçoit amis et clients ; Marie-Madeleine participe à des réunions littéraires et artistiques auxquelles sont conviés La Fontaine, Mme de Sévigné, Mlle de Scudéry, Molière ou encore le peintre Le Brun. Ce dernier a d’ailleurs initié Marie-Madeleine aux rudiments de la peinture et a réalisé son portrait présumé sous la forme d’une allégorie : L'Amour coupant les ailes de La Fidélité pour ne pas qu'elle s'envole. Le titre et le thème du tableau feraient référence aux infidélités de Nicolas Fouquet, bien connues de son épouse. Celle-ci ne semble pas lui en tenir rigueur lorsqu’il s’agit de prendre sa défense.
Le 5 septembre 1661 survient en effet la chute brutale du surintendant des Finances. Accusé de péculat et de lèse-majesté, Nicolas Fouquet se voit immédiatement privé de liberté, emprisonné au château d’Angers, puis à Vincennes et à la Bastille. L’arrestation de Fouquet bouleverse le fonctionnement du couple et donne des possibilités d’action inédites à une femme jusque-là restée dans l’ombre. Pendant toute la durée de l’instruction et du procès (1661-1664), afin d’épargner la peine de mort à son mari, elle multiplie les suppliques demandant tour à tour sa libération, la dissolution de la Chambre de justice et la clémence des juges. N. Fouquet est condamné à l’exil, mais la sentence est commuée en peine d’emprisonnement à perpétuité dans la forteresse de Pignerol ; Marie-Madeleine de Castille, à qui on interdit de le rejoindre, est exilée à Montluçon (1664-1671). Cependant, dès le mois de décembre 1661, elle a obtenu une séparation de biens qui lui permet de protéger ses biens propres de la saisie judiciaire opérée par le souverain sur les possessions du couple Fouquet. À partir du 19 octobre 1662, Marie-Madeleine bénéficie en outre de la part de son époux d’une procuration pour la gestion des biens qui restent la propriété de ce dernier. En bonne gestionnaire, Marie-Madeleine veille activement à protéger les intérêts de ses descendants, dans une perspective nobiliaire de défense du rang et de transmission de la fortune.
En 1671, elle acquiert le château de Pommai, à Lusigny (Allier), où elle parvient à mener une vie seigneuriale et mondaine, devenant la marraine de plusieurs enfants de tenanciers et recevant des amis restés fidèles au couple, à l’image de Mme de Sévigné. Tenue éloignée de son époux, Marie-Madeleine de Castille révèle une capacité d’action essentielle au maintien matériel et financier de sa famille ; à force d’obstination, elle finit par obtenir une transaction avec la justice royale concernant ses biens (mars 1673), puis l’autorisation de rejoindre son mari à Pignerol, un an avant sa mort (1680).
Marie-Madeleine de Castille meurt dans une maison proche de l’abbaye du Val-de-Grâce où elle a passé les dernières années de sa vie, «dans une grande piété, dans une grande retraite, et dans un exercice continuel de bonnes œuvres» (Saint-Simon).
Selon l’historien Daniel Dessert, Marie-Madeleine de Castille «fournit un exemple remarquable de ces femmes de tête que connaît le Grand Siècle». Pour Mme de Sévigné, même au cœur de la tourmente, «[sa] vertu et [son] malheur sont respectables». La personnalité de «Madame Fouquet» explique sa redécouverte par la recherche historique ces dernières années, tandis que les villes où elle a vécu durant son exil cherchent à patrimonialiser les traces de son passage.
Principales sources
- Archives Nationales, MC/ET/XIX/443, 4 février 1651 : Contrat de mariage
- Archives Nationales, MC/ET/LI/555, 23 octobre 1662 : Procuration de Nicolas Fouquet en faveur de Marie-Madeleine de Castille
- Archives Nationales, MC/ET/VIII/917, 16 décembre 1716 : Inventaire après décès de Marie-Madeleine de Castille - Archives Nationales, MC/ET/VIII/917, 17 décembre 1716 : Testament de Marie-Madeleine de Castille
- BnF, Français 10958 : fol. 234 : Lettre de Monsieur Fouquet à Madame sa femme, 5 février 1675 ; fol. 239 : Requête présentée au roi par Marie-Madeleine de Castille, 5 septembre 1662
- BnF, Français 18423 : fol. 37, « Placet pour obtenir permission de faire imprimer les défenses de son mari » ; fol. 67 et 73, Requêtes et suppliques de Marie-Madeleine de Castille ; fol. 69, Extraits des articles de demande Marie-Madeleine de Castille ; fol. 74 et 84, Extraits des requêtes de contredits contre Marie-Madeleine de Castille
Choix bibliographique
- CHATELAIN, Urbain Victor, Le Surintendant Nicolas Fouquet, protecteur des lettres, des arts et des sciences, Paris, Perrin, 1905.
- CHERUEL, André, Mémoires sur la vie publique et privée de Fouquet, surintendant des Finances, Paris, Charpentier, 1862.
- DESSERT, Daniel, Fouquet, Paris, Fayard, 2010.
- FAGE Émile, « Une page sur la famille Fouquet, à propos de l’exil de Mme Fouquet à Limoges et de l’abbé Fouquet à Tulle », Bulletin de la société des lettres, sciences et arts de la Corrèze, octobre 1879, p. 7.
- PETITFILS, Jean-Christian, Fouquet, Paris, Perrin, 2006.
Choix iconographique
- Date inconnue, Le Brun Charles, L'Amour coupant les ailes de La Fidélité pour ne pas qu'elle s'envole, huile sur toile, conservé au Château de Vaux-le-Vicomte.[1]
Jugements
- « De mon naturel, sans avoir bien examiné si je suis juge compétent de la réputation d’autrui, bonne ou mauvaise, j’exerce de tout temps une justice bien sévère sur tout ce qui mérite de l’estime ou du blâme. Je punis une sottise bien avérée, c’est-à-dire je la taille en pièces d’une rude manière, mais aussi je récompense magnifiquement le mérite où je le trouve ; je ne me lasse point d’en parler avec beaucoup de chaleur et je me crois par là aussi bon ami, quoique inutile, que grand ennemi, quoique peu à craindre. C’est donc tout ce que vous pourriez faire, avec tout le pouvoir que vous avez sur moi, que de m’empêcher de vous donner des louanges autant que je le puis, si ce n’est autant que vous en méritez. Vous êtes belle sans être coquette ; vous êtes jeune sans être imprudente et vous avez beaucoup d’esprit sans ambition de le faire paraître. Vous êtes vertueuse sans rudesse, pieuse sans ostentation, riche sans orgueil et de bonne maison sans mauvaise gloire. Vous avez pour mari un des plus illustres hommes du siècle, dont les honneurs et les emplois ne récompensent pas encore assez la vertu ; qui est estimé de tout le monde et n’est haï de personne et qui, de tout temps, a eu l’âme si grande qu’il ne s’est servi de son bien qu’à en faire, comme s’il ne s’était réservé que l’espérance. Enfin, MADAME, vous êtes parfaitement heureuse, et ce n’est pas la moindre de toutes les louanges qu’on vous peut donner, puisque le bonheur est un bien que le Ciel ne donne pas toujours à ceux à qui, comme à vous, il a donné tous les autres » (SCARRON Paul, Le Roman comique [2e partie, 1657], éd. Claudine Nédelec, Paris, Classiques Garnier, 2011, p. 189-190, «À Madame la Surintendante»).
- « Mme de Montespan la reçut très honnêtement ; elle l’écouta avec douceur et avec une apparence de compassion admirable. Dieu fit dire à Mme Foucquet tout ce qui se peut au monde imaginer de mieux, et sur l’instante prière de s’enfermer avec son mari et sur l’espérance qu’elle avait que la Providence donnerait à Mme de Montespan, dans les occasions, quelque souvenir et quelque pitié de ses malheurs. Enfin, sans rien demander de positif, elle eut un art à faire voir les horreurs de son état et la confiance qu’elle avait en sa bonté, qui ne peut venir que de Dieu ; ses paroles m’ont paru toutes choisies pour toucher un cœur, sans bassesse et sans importunité. Je vous assure que le récit vous en aurait touchée » (RABUTIN-CHANTAL Marie de, marquise de Sévigné, Correspondance, éd. Roger Duchêne , Paris, Gallimard, « La Pléiade », 1974, t. II, p. 294, 16 mai 1676).
- « Je leur fis voir à tous les Valençay, qui sont fort éveillées. De là, nous allâmes chez Mme Foucquet, qui ne l’est point du tout, mais dont la vertu et le malheur sont respectables. J’y ai soupé et couché » (RABUTIN-CHANTAL Marie de, marquise de Sévigné, ibid., t. II, p. 558, 29 septembre 1677).
- « Je ne sais si elle m’entendit et si elle n’a pas plus d’esprit qu’elle en avait dans sa prospérité, mais je lui trouvai autant de fraîcheur et dix-huit ans davantage »( BUSSY-RABUTIN, Roger de, dans RABUTIN-CHANTAL Marie de, marquise de Sévigné, ibid., t. II, p. 610, 14 juin 1678).
- « Peu après mourut à Paris Mme Foucquet, dans une grande piété, dans une grande retraite, et dans un exercice continuel de bonnes œuvres toute sa vie. Elle était veuve de Nicolas Foucquet, célèbre par ses malheurs, qui, après avoir été huit ans surintendant des Finances, paya les millions que le cardinal Mazarin avait pris, la jalousie de MM. Le Tellier et Colbert, un peu trop de galanterie et de splendeur, de trente-quatre ans de prison à Pignerol, parce qu'on ne put pis lui faire par tout le crédit des ministres et l'autorité du Roi, dont ils abusèrent jusqu'à avoir mis tout en œuvre pour le faire périr. Il mourut à Pignerol en 1680 à soixante-cinq ans, tout occupé depuis longues années de son salut. Lui et cette dernière femme, grand-mère de Belle-Isle [leur petit-fils, Charles Louis Auguste Fouquet, duc de Belle-Isle] seraient maintenant bien étonnés de la monstrueuse et complète fortune qu’il a su faire, et par quels degrés il y est parvenu. Cette Mme Foucquet était sœur [cousine en réalité] de Castille père du père de Mme de Guise ; il s'appelait Montjeu, était trésorier de l'Épargne, et sa mère était fille du célèbre président Jeannin » (SAINT-SIMON, Louis de ROUVROY duc de, Mémoires, Yves Coirault éd., Paris, Gallimard, « La Pléiade », 1986, t. VI, p. 94).
- « Elle fournit un exemple remarquable de ces femmes de tête que connaît le Grand Siècle, fort éloigné de l’image caricaturale de ces épouses qui, sous l’Ancien Régime, n’auraient été que d’éternelles mineures ou de tendres demeurées » (DESSERT Daniel, Fouquet, Paris, Fayard, 2010, p. 317).