Suzanne Curchod
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Suzanne Curchod | ||
Conjoint(s) | Jacques Necker | |
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Dénomination(s) | Mme Necker, Suzanne Necker | |
Biographie | ||
Date de naissance | 1737 | |
Date de décès | 1794 | |
Notice(s) dans dictionnaire(s) ancien(s) | ||
Dictionnaire Fortunée Briquet (1804) |
Notice de Catherine Dubeau, 2008
Fille unique de Louis-Antoine Curchod, pasteur suisse de confession calviniste, et de Magdelaine d’Albert de Nasse, Française dont la famille a émigré de Montélimar à Lausanne pour échapper aux persécutions menées contre les protestants, Suzanne Curchod naît dans la commune vaudoise de Crassier. Elle y est baptisée le 2 juin 1737. De son père, elle reçoit une éducation rigoureuse incluant sciences, musique et belles-lettres. Son savoir et sa beauté sont reconnus jusqu’à la ville d’adoption de sa mère, où elle fréquente et préside de jeunes cercles littéraires. Elle y fait la connaissance de son premier soupirant, Edward Gibbon (1757). Bientôt confrontée à la perte de ses parents, Suzanne voit sa vie changer radicalement en l’espace de quelques années. Le décès de M. Curchod en janvier 1760 l’oblige à donner des leçons à Genève pour subvenir aux besoins de la famille; trois ans plus tard, la mort de sa mère la plonge dans un deuil dont elle ne se remettra jamais entièrement. Démunie, elle hésite entre se marier et trouver une place comme dame de compagnie. Le hasard des rencontres décide pour elle: en juin 1764, elle accompagne à Paris Anne Germaine de Vermenoux, une jeune veuve française connue à Genève. Auprès de sa protectrice, elle fait l’apprentissage exigeant (et onéreux) des moeurs parisiennes. C’est par ailleurs dans sa maison qu’elle est présentée à Jacques Necker, alors occupé à courtiser sa bienfaitrice. Le financier genevois épouse finalement la jeune Vaudoise en 1764. A la demande de son mari, elle renonce à ses velléités littéraires et inaugure rapidement son célèbre salon où seront reçus, entre autres personnalités, Buffon, Diderot, Morellet, d’Alembert, Thomas, Grimm et Marmontel. Le 22 avril 1766 naît Anne-Louise-Germaine Necker, future baronne de Staël. Les relations tendues entre mère et fille deviendront, chez l’une et l’autre, sujet d’écriture. Suzanne assume elle-même l’éducation de sa fille et partage son temps entre ses activités sociales, caritatives et intellectuelles. Elle fonde notamment l’Hospice de charité (futur hôpital Necker) en 1778. Après la démission de Necker du poste de ministre des finances (3 septembre 1790), le couple se réfugie définitivement en Suisse, au château de Coppet acquis en 1784. De constitution fragile, Suzanne Necker voit sa santé se détériorer. Atteinte d’hydropisie, elle s’éteint au château de Beaulieu (Lausanne) le 15 mai 1794, non sans avoir préalablement rédigé d’étonnantes instructions sur la construction de son tombeau et sur les soins à apporter à sa dépouille.
Parallèlement à ses activités d’hôtesse et à ses œuvres de bienfaisance, Suzanne Necker s’est consacrée en privé à une pratique assidue de la lecture et de l’écriture. Elle a entretenu d’importantes correspondances et accumulé un nombre considérable de journaux intimes, dont elle a détruit la plus grande part. Elle avait pris très tôt l’habitude de noter ses pensées et, par la suite, d’opérer un tri afin d’en retranscrire l’essentiel dans de grands cahiers, heureusement conservés. Elle a également laissé une traduction (Thomas Gray), quelques essais, portraits et textes d’utilité publique (Hospice de charité, 1780 ; Des inhumations précipitées, 1790). Ces deux courts ouvrages sont les seuls qu’elle se soit autorisée à faire paraître sous son nom de son vivant. La publication posthume des Réflexions sur le divorce(1794) et des écrits intimes (fragments de pensées, d’essais et de lettres) rassemblés dans les Mélanges(1798) et les Nouveaux mélanges(1801) relève entièrement de l’initiative de Jacques Necker, responsable de l’édition dans les trois cas. Nous savons pour l’instant assez peu de choses sur la réception initiale de ces écrits (des recherches sont en cours). Dans le domaine français, la presse se révèle très sévère: obscurité, désordre, manque de goût et méconnaissance des sujets traités sont les critiques qui reviennent le plus souvent. Les nombreux éloges de son époux, et surtout le fait qu’il les ait publiés, attirent également les reproches. Il demeure cependant une frange de lecteurs admiratifs, et rares sont ceux qui ne concèdent à Suzanne Necker un esprit supérieur et quelques morceaux éloquents. Pratiquement oubliées par l’histoire littéraire, ses œuvres font depuis les années 1980 l’objet de nouvelles études, grâce entre autres à l’intérêt des chercheurs pour les écrits féminins et l’histoire de la sociabilité.
Oeuvres
- 1765? : «Elégie écrite sur un Cimetiere de Campagne; traduite de l’Anglois de M. Gray», Gazette littéraire de l’Europe, tome cinquième comprenant les mois de mars, avril & mai 1765, Paris, Imprimerie de la Gazette de France, 1765, p.217-223 -- traduction rééditée dans les Variétés littéraires ou Recueil de Pieces tant originales que traduites, concernant la Philosophie, la Littérature & les Arts, éd. Antoine Arnaud et Jean-Baptiste-François Suard, Paris, Lacombe, 1769, t.4, p.486-494 et dans les Nouveaux mélanges…, voir infra, t.2, p.231-241 (anonymat conservé dans les deux premières éditions).
- 1765? : «Portrait de mon Ami [Paul Moultou]», Gazette littéraire de l’Europe..., voir supra, p.269-273 -- texte réédité dans les Variétés littéraires..., voir supra, p.495-501 et dans les Nouveaux mélanges..., voir infra, t.2, p.242-249 (anonymat conservé dans les deux premières éditions).
- 1765?-1794? : Mélanges extraits des manuscrits de Madame Necker, éd. Jacques Necker, Paris, Charles Pougens, An VI [1798], 3 tomes -- des extraits ont été réédités dans Esprit de Madame Necker, extrait des cinq volumes des Mélanges tirés de ses manuscrits, publiés en 1798 et en 1801, par M. B. de V., éd. Bertrand Barère de Vieuzac, Paris, L. Collin, 1808 (dates de rédaction inconnues pour la majorité des textes).
- 1765?-1794? : Nouveaux mélanges extraits des manuscrits de Madame Necker, éd. Jacques Necker, Paris, Charles Pougens/Genets, An X [1801], 2 tomes -- des extraits ont été réédités dans Esprit de Madame Necker..., voir supra(dates de rédaction inconnues pour la majorité des textes).
- 1765?-1794? : Lettres diverses, recueillies en Suisse, par le Cte Fédor Golowkin; accompagnées de notes et d’éclaircissemens, Genève/Paris, J.J. Paschoud, 1821 (contient plusieurs lettres de Suzanne Necker).
- 1780 : Hospice de charité: institution, règles et usages de cette maison, par Mme Necker, Paris, Imprimerie royale (voir aussi «Introduction Au premier compte rendu de l’Hospice de Charité, en 1780», «Introduction aux deux derniers comptes (Année 1789)» et «Introduction Année 1790», dans les Nouveaux mélanges..., voir supra, t.2, p.301-316).
- 1790 : Des inhumations précipitées, Paris, Imprimerie royale.
- 1792-1794? : Réflexions sur le divorce, Lausanne, Durand Ravanel, 1794 -- Paris/Lausanne, P.F. Aubin/Desenne, sd [1794?] (on trouve un extrait des Réflexions dans les Nouveaux mélanges..., voir supra, t.2, p.250-261).
Divers manuscrits (en particulier des correspondances) sont conservés à la Bibliothèque publique et universitaire (BPU) de Genève, à la Bibliothèque cantonale et universitaire (BCU) de Lausanne et au château de Coppet. L’inventaire des manuscrits de la BPU et de la BCU est en cours de réalisation.
Choix bibliographique
- Baecque, Antoine de, «Madame Necker ou la poésie du cadavre», dans La gloire et l’effroi: sept morts sous la Terreur, Paris, Grasset, 1997, p.215-251.
- Bredin, Jean-Denis, Une singulière famille: Jacques Necker, Suzanne Necker et Germaine de Staël, Paris, Fayard, 1999.
- Corbaz, André, Madame Necker: humble Vaudoise et grande Dame, Lausanne, Payot, 1945.
- Goodman, Dena, «Suzanne Necker’s Mélanges: Gender, Writing, and Publicity», dans Going Public: Women and Publishing in Early Modern France, dir. Elizabeth C. Goldsmith et Dena Goodman, Ithaca/London, Cornell University Press, 1995, p.210-223.
- Haussonville, Gabriel Paul Othenin de Cléron, comte d’, Le salon de Madame Necker: d’après des documents tirés des archives de Coppet, Genève, Slatkine Reprints, 1970 [réimpression en fac-similé de l’édition de 1882], 2 tomes.