Charlotte-Rose de Caumont de La Force

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Charlotte-Rose de Caumont de La Force
Conjoint(s) Charles de Briou
Dénomination(s) Uranie, Iris, Madame de Briou
Biographie
Date de naissance vers 1650
Date de décès 1724
Notice(s) dans dictionnaire(s) ancien(s)
Dictionnaire Pierre-Joseph Boudier de Villemert (1779)
Dictionnaire Fortunée Briquet (1804)
Dictionnaire Philibert Riballier et Catherine Cosson (1779)


Notice de Nathalie Grande, 2015

Charlotte-Rose de Caumont de La Force, fille de François, marquis de Castelmoron, et de Marguerite de Viçose, baronne de Cazeneuve, est la descendante d’une grande famille huguenote du Périgord : son grand-père, Jacques-Nompar de Caumont, duc de La Force (1558-1652), en plus d’avoir été maréchal de France, est aussi un mémorialiste fameux. On ne sait pas grand-chose de son éducation, mais elle paraît à la cour très jeune, où elle est d’abord fille d’honneur de la reine jusqu’en 1673, avant d’entrer dans le cercle de Marie de Lorraine, duchesse de Guise. C’est dans ce cadre, et pour amuser ses ami-e-s, qu’elle se met à écrire des vers, composant une poésie de circonstances qui fait l’admiration de la cour et du Mercure galant qui ne manque pas une occasion de citer ses productions (poème en l’honneur du mariage de Anne-Louise d’Orléans et du duc de Savoie; Châteaux en Espagne; poème en l’honneur de la princesse de Conti, épître en vers à Mme de Maintenon lors de la représentation d’Esther, etc.). Après la révocation de l’édit de Nantes, elle abjure le protestantisme, ce qui lui permet de recevoir du roi une pension, dont elle avait le plus grand besoin.
En juin 1687, elle défraye la chronique par son bref mariage avec Charles de Briou, fils unique du président de la cour des Aides. Le jeune homme, son cadet de dix ans, est riche et séduisant; le mariage est conclu, sans le consentement du père de Charles, en juin 1687, et le couple est reçu et logé à Versailles. Mais le père intervient et, sans l’accord du roi, ose user de son droit paternel pour faire enfermer son fils jusqu’à ce que ce dernier renonce à ce mariage; après deux ans de procès, les époux sont condamnés pour « abus dans la célébration du mariage » et le lien rompu. Charlotte-Rose se tourne alors plus intensément vers l’écriture, où elle va cultiver deux genres différents. D’une part les romans galants : elle se fait une spécialité des « histoires secrètes », fictions où les aventures amoureuses relatées avec beaucoup de liberté d’invention sont censées révéler le dessous des cartes des événements historiques officiels ; ainsi l’Histoire secrète de Marie de Bourgogne, parue en 1694, ou Gustave Vasa, Histoire de Suède (1697-1698). D’autre part, et simultanément, les contes de fées : elle s’inscrit dans la production massive, et largement féminine, du tournant des XVIIe-XVIIIe siècles avec les Contes des contes (1698). Elle suscite un nouveau scandale en 1697, car on lui attribue les Noëls, poèmes satiriques très diffusés : elle reçoit l’ordre de se retirer dans un couvent loin de Paris, condition pour conserver son indispensable pension. Elle s’exile chez les bénédictines de Gercy-en-Brie, d’où elle ne sortira qu’en 1713.
Devenue membre de l’académie des Ricovrati de Padoue en 1698, elle n’en continue pas moins à écrire. Ainsi Les Jeux d’esprit, ou la Promenade de la princesse de Conti à Eu (restés inédits jusqu’en 1862), contiennent un des rares exemples de mise en scène du «jeu du roman», témoignage des pratiques littéraires collectives et ludiques des salons. Elle séjourne sur les terres familiales à la fin de sa vie, et travaille à une biographie restée manuscrite de son grand-père à partir de ses Mémoires. Elle meurt à Paris en 1724, laissant encore un manuscrit de Pensées chrétiennes.
Les rééditions de ses romans et de ses contes, intégrés au vaste recueil du Cabinet des fées, témoignent qu’elle a continué à être lue au XVIIIe siècle ; son conte « Persinette » est une des sources de la version des frères Grimm de « Rapunzel » (Raiponce), conte auquel les studios Disney ont donné un nouvel éclat par un film d’animation en 2010. Citée dans les principaux dictionnaires et répertoires anciens (Fortunée Briquet, Riballier et Cosson, Pierre Bayle, Lenglet-Dufresnoy, Michaud), elle est aujourd’hui largement ignorée du grand public, malgré sa redécouverte par les universitaires anglo-saxon-ne-s.

Oeuvres

  • 1694: Histoire secrète de Bourgogne, Paris, Bénard, 1694 (Lyon, Baritel, 1694 et La Haye, Van Dole, 1694)-- Sept rééditions au XVIIIe siècle, selon le catalogue de la BnF.
  • 1695: Histoire secrète de Henri IV, roi de Castille, Paris, Bénard, 1695 (La Haye, van Dole, 1695)-- Trois rééditions au XVIIIe siècle, selon le catalogue de la BnF.
  • 1696: Histoire de Marguerite de Valois, reine de Navarre, soeur de François Ier, Paris, Bénard, 1696 (La Haye, 1696)-- Six rééditions au XVIIIe siècle, selon le catalogue de la BnF. Traduction en allemand signalée par C. Trinquet.
  • 1698: Gustave Vasa, histoire de Suède, Paris, Bénard, 1698 (Lyon, Baritel, 1698)-- Trois rééditions au XVIIIe siècle, selon le catalogue de la BnF.
  • 1698: Les Contes des Contes, Paris, Bénard, 1698 -- Rééditions en 1707 et 1725, et dans les multiples éditions de la collection « Le Cabinet des Fées » (1785-1789).
  • 1703: Anecdote galante ou Histoire secrète de Catherine de Bourbon, duchesse de Bar, Nancy, 1703 -- Quatre rééditions au XVIIIe siècle, selon le catalogue de la BnF.
  • Les Jeux d’esprit, ou la Promenade de la princesse de Conti à Eu, éd. marquis de La Grange, Paris, Aubry, 1862.

Choix bibliographique

  • Berriot-Salvadore, Evelyne, « Figures emblématiques du pouvoir féminin à travers les romans de Charlotte-Rose de Caumont de La Force », Papers in French Seventeenth-Century Literature, XXII, 43, 1995, p. 403-415.
  • Dauphiné, Claude, Charlotte-Rose Caumont de La Force, une romancière du XVIIe siècle, Périgueux, Fanlac, 1980.
  • Fröberg, Ingrid, Une « histoire secrète » à matière nordique : Gustave Vasa, Histoire de Suède (1697), roman attribué à Charlotte-Rose de Caumont La Force, Uppsala, Acta Universitati Upsaliensis, Studia Romanica Upsaliensia, 31, 1981.
  • Thirard, Marie-Agnès, « Les Contes de Mlle de La Force : un nouvel art du récit féérique », Papers in French Seventeenth-Century Literature, XXVII, 53, 2000, p. 573-584.
  • Trinquet, Charlotte, «Mademoiselle de La Force, une princesse de la République des Lettres», Oeuvres et critiques, XXXV 1, 2010, p. 147-157 [1]

Jugements

  • « Voici une nouvelle Balade, à laquelle je suis sûr que vous ne pourrez pas refuser l’approbation qu’elle a reçue ici de tous ceux qui rendent justice aux belles choses. Elle est […] faite par Mademoiselle de La Force. Son esprit est connu de tout le monde, et on convient qu’il est digne de son cœur et encore plus grand que sa naissance, quoiqu’elle soit des plus illustres du royaume », Mercure galant, mars 1684.
  • « Pleurez, citoyens de Paphos, // Jeux et Ris, et tous leurs suppôts : // La Force est enfin condamnée. // Sur le fait de son hyménée // On vient de la tympaniser ; // Elle n’a qu’à se disposer // À faire une amitié nouvelle. // Que le ciel console la belle, // Et puisse-t-elle incessamment // Se pourvoir d’époux, ou d’amant, // Lequel il lui plaira d’élire ! // Elle a de l’esprit, c’est tout dire. […] // Pleurez, habitants d’Amathonte : // La Force, non sans quelque honte, // A vu rompre les doux liens // Qui lui promettaient de grands biens. » (La Fontaine, « A son altesse sérénissime Monseigneur le prince de Conti » (1689), Œuvres complètes, éd. P. Clarac, Paris, Gallimard, « Bibliothèque de la Pléiade », 1958, t. II p. 700-701.
  • « Les Mémoires de la Reine Marguerite de Navarre sont un roman composé par Mademoiselle de La Force ; et la vie de cette demoiselle est elle-même un roman. Elle est d’une grande et bonne maison : mais excessivement pauvre », Correspondance de la Princesse Palatine, lettre du 27 septembre 1720.
  • « Dans les romans de Mademoiselle de Laforce, l'histoire est mêlée à la fiction. Les personnages qu'elle introduit sur la scène, ont presque tous existé, et leurs aventures sont conformes à leurs caractères. Ses productions annoncent, en général, beaucoup d'imagination, de l'esprit et le talent d'écrire », Fortunée Briquet, Dictionnaire historique, biographique et littéraire des Françaises et étrangères naturalisées en France, Paris, Treuttel et Würtz, 1804.
  • « Quand elle mélange la voix d’un auteur avec celle du prochain, La Force reproduit l’aspect le plus étonnant de l’écriture de salon, sa dévalorisation de la créativité individuelle. À l’inverse, le personnel est asservi à la volonté collective littéraire, à savoir le projet collaboratif qui célèbre la vie commune du salon » (J. DeJean, Tender Geographies, New York, Columbia University Press, 1991, p. 74, traduction C. Trinquet).
  • « Ce qui frappe chez Mlle de La Force, c’est un subtil mélange entre la récupération du folklore et le recours à la culture classique, plus précisément la mythologie […]. C’est elle qui, l’une des premières, tente d’inventer une identité aux fées. […] Mlle de La Force récupère nombre d’éléments merveilleux qui appartiennent au folklore, bien qu’elle prétende que tous ses contes […] soient de son invention. On mesure cette imprégnation du folklore non seulement dans les noms personnages mais aussi dans les motifs. […] Il faudrait enfin dire les merveilleux bonheurs de style de Mlle de La Force. » (E. Lemirre, «Présentation de Mlle de la Force», dans Cabinet des Fées, éd. E. Lemirre, Arles, Ed. Philippe Picquier, 2000, p. 487-488).
  • « Au fil des siècles, la production narrative de Mlle de La Force a fini par se confondre avec l’auteur, et l’on trouve de nos jours une fictionnalisation de sa vie qu’elle n’aurait sûrement pu imaginer de son vivant. Elle-même victime de ce qu’elle aurait inventé, il est maintenant difficile de séparer sa biographie véritable d’une suite d’anecdotes romanesques que la postérité aura bien voulu conter », C. Trinquet, « Mademoiselle de La Force, une princesse de la République des Lettres », Oeuvres et critiques, XXXV 1, 2010, p. 147.
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