Marie Barré

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Marie Barré
Dénomination(s) Dame Denesde; Dame De Nesde
Biographie
Date de naissance 20 avril 1619
Date de décès 11 juin 1691
Notice(s) dans dictionnaire(s) ancien(s)


Notice de Antoine Coutelle, 2015

Marie Barré, née le 20 avril 1619 à Poitiers, est la fille aînée de Pierre Barré « marchand de draps de soie », lui-même fils d’un avocat propriétaire d’une seigneurie, et de Renée Pommeraye. Son frère cadet, François Barré, né en 1620, est chanoine de la cathédrale de Poitiers ; sa sœur Renée, née en 1626, épouse un procureur ; son frère François né en 1627, reprend le commerce familial ; sa dernière sœur Hélène épouse un médecin. Marie Barré elle-même se marie le 15 janvier 1635 avec Antoine Denesde (1611-1659), fils du notaire Antoine Denesde et de Louise Coustière issue d’une famille de « marchands-ferrons ». Le décès précoce de maître Denesde père, en 1624, empêche son fils, alors trop jeune, de reprendre l’office notarial. Il se tourne donc vers la boutique et fait prospérer l’affaire de la branche maternelle de la famille, spécialisée dans la vente d’objets en fer. Il est élu juge consul en 1635 et en 1642.
Dans son logis de la paroisse Notre-Dame-la-Grande, Marie Barré-Denesde met au monde 11 enfants en l’espace de dix-huit ans : des jumeaux qui meurent âgés de 5 jours en 1636, une fille Marie en 1640, un fils, Jacques, en 1643, un fils, Antoine-Louis, en 1644, qui meurt à l’âge de 7 ans, un fils, François, en 1645, une fille, Catherine, en 1647, qui meurt âgée de 5 mois, une fille, Hélène, en 1648, une fille, Radegonde-Marie, en 1650, une fille, Françoise, en 1651, qui ne vit que deux jours, une fille, Marguerite, en 1655 et un dernier fils, André, en 1658. Lorsqu’elle devient veuve, à 40 ans, elle a en charge sept enfants. Elle mobilise son réseau familial pour s’assurer les revenus des métairies et des rentes que possédait le couple, puis pour obtenir à ses enfants des charges et des alliances matrimoniales profitables. Son fils Jacques devient moine bénédictin puis abbé de Saint-Sulpice de Bourges, François est chanoine de Notre-Dame-la-Grande, André docteur-régent en médecine et recteur de l’université de Poitiers. Marie épouse un greffier, Radegonde un marchand de soie, Hélène et Marguerite trouvent leur mari dans la petite noblesse locale.
Cette histoire familiale est mise par écrit dans le « journal » ou plutôt dans le « papier de famille » tenu successivement par Antoine Denesde père, puis par son fils, enfin par Marie Barré elle-même. Le texte est une chronique des faits notables qui se déroulent à Poitiers, principalement dans le milieu social fréquenté par la famille Denesde, celui des marchands aisés, chanoines, docteurs-régents de l’université et petits officiers. À ce récit, se mêle la recension d’événements familiaux ou nationaux retentissants (la Fronde, le mariage ou la mort du roi, les échos des guerres). Une partie du manuscrit est consacrée au mariage d’Antoine Denesde et de Marie Barré et à la naissance de leurs enfants.
Au total, Marie Barré rédige environ 16 % du texte du manuscrit et elle l’arrête en 1687, quatre ans avant sa mort. Ses notations sont plus épisodiques et moins documentées que celles de son mari et elles s’appesantissent sur la sphère familiale, les mariages de ses enfants et les faits-divers extraordinaires : inondations, cérémonies publiques, passage de comètes. Elle dit je plus volontiers que son mari, notamment pour préciser le statut d’une personne, voire, exceptionnellement, pour exprimer un avis personnel.
Ce manuscrit a subi deux remaniements postérieurs à son écriture : l’un, lors de sa reliure au XIXe siècle, qui déplace l’ordre originel des cahiers ; l’autre lorsqu’il est publié en 1885 par un érudit poitevin. Cette version éditée sert depuis lors d’annales locales et de répertoire d’anecdotes sur la vie à Poitiers au XVIIe siècle. Le partage de l’écriture entre deux voix, masculine et féminine, est soulignée dès la publication, et va dans le sens d’une confirmation des qualités qui seraient propres à chaque sexe (Marie Barré étant décrite comme mieux instruite, plus pieuse et plus réservée que son mari). Des relectures récentes, avec les outils de l’histoire sociale, en font une actrice efficace de ces stratégies de préservation des patrimoines familiaux, matériels comme symboliques, que doivent mettre en œuvre les veuves de la bourgeoisie urbaine. Les enjeux de son écriture n’ont pas encore été véritablement analysés, autrement que comme l’expression d’une « solution de continuité identitaire » (C. Chatelain) caractéristique des écritures du for privé.

Oeuvres

  • « Le journal d'Antoine Denesde, marchand ferron à Poitiers, et de Marie Barré sa femme (1628-1687) », éd. E. Bricauld de Verneuil, Archives historiques du Poitou, t. XV, 1885, p. 53-237.

Principales sources

  • Médiathèque François-Mitterrand de Poitiers : ms 1109.
  • Archives Départementales de la Vienne : registre de la paroisse Saint-Didier n° 73 f° 19 v°: acte de baptême
  • Archives Départementales de la Vienne : registre de la paroisse Saint-Savin n° 229 f° 183 v°: acte de sépulture
  • Archives Départementales de la Vienne : 4 E 24 58-93 : minutes de l’étude Bourbeau, à Poitiers, pour les années 1650-1690

Choix bibliographique

  • Andrault, Jean-Pierre, Poitiers à l’âge baroque. Une capitale de province et son corps de ville, Poitiers, MSAO, 2003.
  • Coutelle, Antoine , « Trompe-l’œil érudits : composition et recomposition du « Journal » d’Antoine Denesde » dans Michel Cassan, Jean-Pierre Bardetet François-Joseph Ruggiu (dir.), Les écrits du for privé. Objets matériels, objets édités, Limoges, Pulim, 2007, pp. 91-111.
  • Coutelle, Antoine , Poitiers au XVIIe siècle. Les pratiques culturelles d’une élite urbaine, Rennes, P.U.R., 2014.
  • Jahan, Sébastien, Profession, parenté, identité sociale. Les notaires de Poitiers aux temps modernes, Toulouse, Presses Universitaires du Mirail, 2000.
  • Luciani, Isabelle, « De l’espace domestique au récit de soi ? Écrits féminins du for privé  », Clio. Femmes, Genre, Histoire, n°35, 2012, p. 21-44.

Choix de liens électroniques

  • Les écrits du for privé [1].

Jugements

  • « La rédaction de la femme nous paraît supérieure à celle du mari. Son orthographe est meilleure et plus régulière. On devine en Marie Barré une personne d’une instruction sérieuse, à laquelle vient s’unir beaucoup d’esprit et de bon sens, de même qu’on remarque chez elle une profonde dévotion jointe à un grand amour pour ses enfants », E. Bricauld de Verneuil, Archives historiques du Poitou, 1885, t. XV, p. 9-10.
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