Elena Virginia Balletti
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Elena Virginia Balletti | ||
Conjoint(s) | Luigi Riccoboni | |
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Dénomination(s) | La Flaminia | |
Biographie | ||
Date de naissance | 1686 | |
Date de décès | 1771 | |
Notice(s) dans dictionnaire(s) ancien(s) | ||
Dictionnaire Pierre-Joseph Boudier de Villemert (1779) | ||
Dictionnaire Fortunée Briquet (1804) | ||
Dictionnaire Charles de Mouhy (1780) | ||
Autre(s) dictionnaire(s) en ligne | ||
Dictionnaire CESAR - Calendrier électronique des spectacles sous l'Ancien Régime et sous la Révolution. |
Sommaire
Notice de Aurore Evain, 2003 (mise à jour : oct. 2008)
Hélène-Virginie (Elena-Virginia) Riccoboni, connue sous son nom de scène Flaminia, naît à Ferrare en 1686. Elle appartient à une célèbre famille d'acteurs italiens, les Balletti. Son père, Francesco Balletti, et sa mère, Giovanna Benozzi, lui donnent une éducation soignée, apte à la faire distinguer dans les cours et les académies italiennes où elle brille par ses talents de comédienne, d'improvisatrice et de poétesse. Elle connaît les langues anciennes, l'espagnol, le français et est très tôt remarquée pour ses dons littéraires. Académicienne chez les Difettosi de Bologne, elle est louée par ses contemporains sous le nom de «Mirtinda Parasside [Parraside]» à l'académie des Arcades à Rome. Elle grandit dans cette culture arcadienne, produisant de nombreux sonnets. Son mariage en 1706 avec Louis (Luigi) Riccoboni, dit Lélio, dont elle a un fils l'année suivante (François Riccoboni, futur acteur et époux de Marie-Jeanne Laboras de Mézière ), marque un tournant dans sa carrière. La complémentarité des deux artistes permet au couple de mener une vie consacrée à la réforme du théâtre italien. De 1706 à 1715, la «compagnie de Lélio et Flaminia» met en place un nouveau répertoire plus littéraire, bien éloigné de la commedia dell'arte populaire, où Mme Riccoboni interprète les tragédies d'auteurs anciens puis contemporains. Elle trouve également ses emplois du côté de la comédie moliéresque et de la comédie italienne écrite. L'année 1713 voit son triomphe dans Mérope de Mafféi, dont elle est l'inspiratrice. Bien qu'à la tête d'une des compagnies les plus réputées d'Italie, l'échec de leur tentative de réforme déçoit le couple Riccoboni. En 1716, à l'invitation du régent Philippe d'Orléans, Lélio et Flaminia arrivent à Paris et reconstituent la troupe des Comédiens Italiens chassée à la fin du XVIIe siècle par Louis XIV. Flaminia interprète avec succès les premières amoureuses, les soubrettes et les rôles travestis. A partir de 1718, le nouveau répertoire en langue française annonce le déclin de la comédienne Flaminia au profit de sa jeune cousine Silvia, égérie de Marivaux.
Mme Riccoboni, à la fibre plus tragique et peu satisfaite de l'état d'actrice, reprend la plume. Sa maison devient le lieu de rencontre de nombreux lettrés français et italiens. Elle développe dans une lettre sur le comédien Baron des réflexions sur le jeu de l'acteur et le naturel au théâtre. En 1724, elle se fait un nom dans la République des Lettres avec sa première production littéraire en français, une épître sur la traduction de La Jérusalem délivrée du Tasse par Mirabaud. Elle fait également ses débuts de dramaturge avec Le Naufrage, comédie à intrigue en cinq actes inspirée de Plaute, représentée et applaudie le 14 février 1726. En 1729, le couple Riccoboni et leur fils se retirent du Théâtre Italien à l'appel de leur protecteur, le duc Antoine Farnèse, qui leur offre la direction du Théâtre de Parme. Avant son départ, Flaminia co-écrit avec le dramaturge De Lisle Abdili, roi de Grenade, qui échoue à la première représentation (20 décembre 1729). Les projets du couple sont brutalement interrompus par la mort du duc. En 1731, Hélène-Virginie Riccoboni, de retour en France, reprend donc la place de Violette, la soubrette de la troupe récemment décédée. Les fêtes royales données pour le mariage du Dauphin sont l'occasion d'une dernière production littéraire; elle seconde son mari dans l'écriture de ses ouvrages théoriques sur l'histoire du théâtre et l'art du jeu avant de prendre sa retraite le 27 mars 1752. Louis Riccoboni meurt l'année suivante. Hélène-Virginie Riccoboni s'éteint le 29 décembre 1771 à Paris.
L'histoire du théâtre n'a retenu que l'actrice Flaminia. Sa carrière révèle pourtant une femme aux multiples activités: poétesse, dramaturge, théoricienne, mais également directrice de troupe, chorégraphe, danseuse et chanteuse. Son érudition, ainsi que ses réflexions sur le théâtre, l'art du jeu et la langue française ont inspiré les écrits de Louis Riccoboni. Prenant comme modèle la célèbre actrice du XVIe siècle, Isabelle Andreini, elle a tenté de réaliser cette figure d'actrice lettrée et érudite qui lui a valu les accusations de pédanterie reprises par ses biographes jusqu'au XXe siècle. La volonté réformatrice dont témoignent ses écrits et ses choix d'interprète a été méconnue par la postérité qui a retenu le seul nom de Louis Riccoboni, la reléguant dans la classe des comédiennes, muses et autres femmes d'acteur.
Oeuvres
- avant 1716 : Sonetti di Mirtinda Parasside, in [Giovanni Battista Recanati] Poesie italiane di rimatrici viventi raccolte da Teleste Ciparissiano, Venise, Sebastiano Coleti, 1716, p.30-48.
- 1720? : Lettera della signora Elena Balletti Riccoboni al signor Abate Antonio Conti gentiluomo veneziano sopre la maniera di M. Baron nel rappresentare le Tragedie francesi, in Don Angelo Calogera, Raccolta d'Opuscoli scientifici e filologici, Venise, Cristoforo Zane, 1736, t.XIII, p.495-510 -- éd. Valentina Gallo, IRPMF, «Les savoirs des acteurs italiens» (coll. numérique), 2006, en ligne.
- 1720 : Canzone per le Nozze del Principe di Modena, in Componimenti poetici delle più illustri rimatrici d'ogni secolo, raccolti da Luisa Bergalli, Venise, A. Mora, 1726 -- A. Ademollo, Una famiglia..., voir infra, p.111-113.
- 1722 : Compliment de rentrée de la Comédie Italienne après Pâques, in Mercure, mai 1722, p.142-145.
- 1722 : Alma Lutetia mia... [sonnet adressé à Paris], in Mercure, mai 1722, p.145.
- 1725 : Compliment de clôture de la Comédie Italienne, 10 avril 1725, in Mercure, avril 1725, p.826.
- 1725 : Lettre de Mlle B... à M. l'abbé C*** au sujet de la nouvelle traduction du poème de la Jérusalem délivrée du Tasse, Paris, Cottin et Chaubert.
- 1726 :
Choix bibliographique
- Ademollo, Alessandro. Una famiglia di comici italiani nel secolo decimottavo. Florence, Ademollo, 1885.
- Courville, Xavier de. Un Apôtre de l'art du théâtre au XVIIIe siècle: Luigi Riccoboni dit Lélio. Paris, Droz, 3 vol., 1943-1958.
Jugements
'- «Flaminia, épouse de Lélio, est bien faite, mais fort maigre. C'est une femme de beaucoup d'esprit et grande Comédienne. Une preuve de son bel esprit, c'est qu'elle est des Académies de Rome, de Ferrare, de Boulogne et de Venise. Elle a plusieurs belles connaissances acquises; et celle de son mérite semble ne lui être pas échappée. Elle joue ses rôles en perfection: on ne peut pas mieux entrer qu'elle, dans les sentiments qu'ils exigent. [...] Comme il n'est point d'Acteurs parfaits, Flaminia n'est pas sans défauts. Par exemple, elle a la voix aigre, et par conséquent désagréable; et je voudrais qu'elle pût se défaire d'un air de capacité qui ne plaît pas; il serait encore à souhaiter qu'elle parlât moins vite, en faveur de ceux qui ne savent que médiocrement l'Italien, dont le nombre est assurément le plus grand entre les spectateurs.» (Nicolas Boindin, Lettres historiques à Mr D*** sur la nouvelle comédie italienne, Paris, Prault, 1717, p.14-15).
- «Elle joue les rôles de premières amoureuses excellemment bien et avec tout l'esprit possible. [...] C'est une femme d'un génie supérieur et très grande actrice, surtout en italien» (Thomas-Simon Gueullette, Notes et souvenirs sur le Théâtre-Italien au XVIIIe siècle [18e s.], J.-E. Gueullette (éd.), Paris, Droz, 1938, p.57 et p.63)
- (à propos du Naufrage) «Mlle Riccoboni, femme de Lélio, et Flaminia dans son nom de théâtre, est une muse qui compose aussi purement en français comme en italien. Elle a composé cette pièce dans le goût de Plaute, en mettant à son théâtre la pièce intitulée Le Naufrage; véritablement elle a pris tout ce qu'elle a pu, et l'a rendu beaucoup plus honnête, car Plaute et Térence ne mettaient souvent que du concubinage pour intrigue de leurs pièces, des vieillards amoureux qui voulaient encore jouir de jeunes courtisanes et les enlever à leurs fils; puis ces courtisanes se trouvaient d'honnête famille... Ici, cette intrigue est toute vraisemblable, toute honnête.» (D'Argenson, Notices sur les oeuvres de théâtre[18e s.], H. Lagrave (éd.), Studies on Voltaire and Eighteenth Century, 43, 1966, p.699).
- «Elle joue ses rôles avec précipitation mais avec intelligence, entrant admirablement dans les différents caractères, dont elle exprime non seulement les sentiments, mais en produit encore d'autres d'elle-même très convenables au sujet; son esprit et ses talents lui ont mérité d'être admise en quatre académies d'Italie, qui sont celles de Rome, de Ferrare, de Boulogne et de Venise; entre toutes ses connaissances celle de son mérite semble ne lui être pas échappée.» (Maupoint, Bibliothèque des théâtres, Paris, Prault,1733, p.219).
- «A joué pendant près de trente-six ans sur le Théâtre Italien les rôles de première Amoureuse, ceux de Soubrettes, et les travestissements en hommes, avec un égal applaudissement, tant dans le Français que dans l'Italien, qu'elle dialoguait avec une intelligence et une vivacité admirable; peu de femmes sont aussi instruites que cette estimable Actrice.» (Jean-Auguste Jullien dit Desboulmiers, Histoire anecdotique et raisonnée du théâtre italien, Paris, Lacombe, 1769, t.VI, p.53).
- (à propos du Naufrage) «L'intrigue de cette Pièce [...] est bien conduite et bien développée. Les scènes en sont bien liées, les caractères bien soutenus, et le comique est plus dans la situation que dans les mots; mais le Public accoutumé aux dialogues brillants et spirituels de M. de Marivaux, ne rendit pas à cette Pièce toute la justice qu'elle méritait. Elle fut cependant jouée dix fois et fort applaudie» (Ibidem, t.II, p.431).
- «Etant annoncé à Flaminia pour candidat dans la république des Lettres, cette femme crut de devoir m'honorer du colloque. Je l'ai trouvée désagréable dans sa figure, dans son ton, dans son style, et jusque dans sa voix; elle ne me le dit pas, mais elle me fit comprendre qu'elle savait qu'illustre dans la république des Lettres elle parlait à un insecte; elle avait l'air de dicter, et elle croyait d'en avoir le droit à 70 ans et vis à vis d'un garçon de 25 qui n'avait enrichi aucune bibliothèque.» (Casanova, Mémoires [1792], Paris, Robert Laffont, 1993, t.1, p.559-60).
- «Les critiques du temps ne lui reprochent d'autre défaut qu'un organe désagréable. Si l'on en croit Voisenon, quoiqu'elle n'en fût ni belle ni aimable, elle était sans cesse entourée d'une foule d'adorateurs et passait pour ne pas haïr la galanterie. On doit ajouter que c'est le seul écrivain qui se soit permis de laisser planer quelques soupçons sur les moeurs de cette actrice.» (Michaud, Biographie universelle, 1816-19, t.35, p.568).